Législatives 2024 : à Lyon, le terreau de Renaissance pris en tenaille par la gauche et le RN

DECRYPTAGE. Dimanche dernier, à la sortie des élections européennes, la Métropole de Lyon formait la dernière grande « poche » rouge, rose et jaune de la carte électorale dans le Rhône. Mais alors qu'au moins la moitié des députés du département étaient rattachés à la majorité présidentielle lors des élections législatives de 2017 et de 2022, le Rhône voit désormais émerger d'autres dynamiques : alors que le bloc de gauche vient d'annoncer la création d'un « Nouveau Front Populaire », notamment portée par le Parti socialiste et La France Insoumise à Lyon, le Rassemblement national pourrait bien gagner quelques circonscriptions à l'extérieur de la Métropole, tandis que Renaissance tente de sauver les meubles.
Jusqu'ici, les élections législatives n'ont pas été propices aux candidats RN au sein de la métropole lyonnaise. Un seul de ses candidats avait atteint le second tour en 2017, les matchs s'étant joués entre Renaissance, les LR et la NUPES cinq ans plus tard.
Jusqu'ici, les élections législatives n'ont pas été propices aux candidats RN au sein de la métropole lyonnaise. Un seul de ses candidats avait atteint le second tour en 2017, les matchs s'étant joués entre Renaissance, les LR et la NUPES cinq ans plus tard. (Crédits : ER/La Tribune)

Rapprochement entre Eric Ciotti et le Rassemblement national, crise chez les Républicains, alliance des gauches dans le « Nouveau front populaire », « nouvelle majorité » Renaissance : la dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation de nouvelles élections législatives en trois semaines, annoncées par Emmanuel Macron au sortir des dernières élections européennes, ouvre une grande période d'instabilité face au score inédit de la liste d'extrême droite dimanche dernier.

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Avec plus de 31 % des suffrages exprimés, le parti présidé par Jordan Bardella est en effet arrivé en tête dans plus de 32.000 des 35.000 communes françaises, soit 93 % d'entre elles.

La région Auvergne-Rhône-Alpes et le département du Rhône n'y ont pas échappé : les grandes agglomérations, dont Lyon et Grenoble, forment ainsi les dernières grandes « poches » roses, vertes, bleues ou rouges sur la carte électorale - à l'exception de dynamiques bien spécifiques, comme dans la Drôme par exemple, où les Verts, Place Publique et La France Insoumise sont restés en tête dans plusieurs municipalités la semaine dernière.

Résultats élections européennes, 2024, Rhône

Quel parti pour mener l'opposition de gauche à Lyon ?

Dans le Rhône et à Lyon, où la Ville et la Métropole sont passées dans les mains d'élus du parti Europe-Ecologie-les-Verts (EELV) en 2020, les positions commencent seulement à se clarifier ce vendredi.

Le « Nouveau Front Populaire », noué hier soir entre La France Insoumise (229 candidats annoncés), le Parti socialiste (175 candidats), Europe écologie les Verts (92 candidats) et le Parti Communiste (50 candidats), vient en effet d'annoncer ses candidats dans chaque circonscription.

Sur les 14 circonscriptions du Rhône, cinq reviendront à la France Insoumise (la 1ère, la 6e, 7e, 13e et 14e), cinq au Parti Socialiste (4e, 5e, 8e, 9e, 10e), contre trois seulement pour le parti Europe Ecologie les Verts (3e, 2e, 12e), malgré la position toute particulière d'EELV dans la Capitale des Gaules.

Car si le maire de Lyon, Grégory Doucet, saluait contre toute attente dans un tweet, publié dimanche soir, la « progression de sa majorité » dans la capitale des Gaules, la déclaration de nombreux candidats écologistes pour emmener la coalition de gauche dans le Rhône ne paraissait plus aussi évidente à la sortie des Européennes.

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En ayant perdu dix points dans leur « fief » lyonnais par rapport aux élections de 2019 (11,18 % des votes exprimés dans la capitale des Gaules, contre 21 % cinq ans cinq ans auparavant), les Verts se sont retrouvés fragilisés cette semaine pour négocier avec leurs partenaires de gauche.

D'autant que les électeurs de Place Publique (Parti socialiste) se sont déplacés nombreux dimanche dans les bureaux de vote lyonnais (la liste est arrivée en tête avec 18,8 % des suffrages). Tout comme ceux de la France Insoumise (deuxième liste, avec 17,18 %).

Résultats élections européennes, 2024, Lyon

Cette articulation des candidats des trois forces de gauche, reprenant notamment les résultats de dimanche dernier dans le Rhône, pourrait en tout cas venir concurrencer les blocs Rassemblement national, Les Républicains et Renaissance, dans l'un des départements jusqu'alors « fort » pour la majorité présidentielle. Elle avait en effet obtenu neuf députés sur 14 en 2017, puis sept en 2022, aux dernières élections législatives.

Mais pour cela, encore faut-il partir uni, en évitant les candidatures dissidentes.

La 2ème circonscription, particulièrement convoitée

Cette semaine, dans la 2ème circonscription (située entre le 1er arrondissement de Lyon, le 4ème, mais aussi une partie du 2ème et du 9ème), deux candidats de gauche n'avaient pas attendu la signature d'un accord pour se placer dans la course au Palais Bourbon.

En effet, Nathalie Perrin-Gilbert, ancienne adjointe à la Culture dans l'exécutif de Grégory Doucet - démise en mai dernier - mais aussi maire du 1er arrondissement de Lyon pendant 19 ans, avait déclaré dès lundi au média Lyon Capitale vouloir proposer sa candidature dans la perspective d'un « front populaire ».

Réputée « électron libre » dans l'écosystème politique lyonnais, l'élue de « Lyon en commun » s'emparait ainsi de l'ouverture laissée par le député sortant, Hubert Julien-Laferrière (Génération écologie), visé par une enquête pour des soupçons d'ingérences étrangères.

Mais hier soir, au regard de la répartition des circonscriptions de l'alliance nouée à gauche, et des enjeux dans « la 2ème du Rhône », très convoitée par la gauche, l'ancienne adjointe a retiré sa candidature au profit de celle de Boris Tavernier.

Le dirigeant de l'association « Vers un réseau d'achat en commun » (VRAC), pour l'accès des populations précaires à une alimentation de qualité, a en effet été investi hier soir par le « Nouveau front populaire ». Une candidature jugée « alternative » à gauche, aussi appuyée par le président de la Métropole, Bruno Bernard (EELV), face aux autres candidats pressentis : Yasmine Bouagga, maire EELV du 1er arrondissement, et Gauthier Chapuis, adjoint à la végétalisation.

« Issu de la société civile, fondateur de VRAC, très investi dans les quartiers populaires, Boris est un homme engagé, fidèle à des valeurs sociales et écologiques depuis de nombreuses années. Je suis heureuse que les négociations entre les partis aient abouti à une candidature citoyenne de gauche ! », a ainsi déclaré Nathalie Perrin-Gilbert, en retirant sa candidature.

Pour autant, dans la même circonscription, un autre candidat s'était également positionné dès lundi, dans le champ de la gauche : Jean-Christophe Vincent, président du club de football Lyon-La Duchère, mais aussi directeur général adjoint de 6e Sens Immobilier, a « présenté sa candidature dans le cadre d'un accord à gauche », avait-t-il confié à Lyon Capitale, indiquant alors qu'il était « en discussion avec le Parti socialiste ».

Deux candidatures - ou une dispersion ? Le Nouveau Front Populaire et son candidat, Boris Tavernier, pourraient en tout cas bien se positionner dans cette circonscription estimée « prenable » : sous l'étiquette Nupes, Hubert Julien-Laferrière avait en effet obtenu 34,8 % des suffrages au premier tour des législatives 2022, devant Loïc Terrenes, candidat Renaissance (28,7 %), suivi de loin par les LR (9,3 %).

À Villeurbanne et à Vénissieux, des socles de gauche historiques, eux-aussi fragilisés ?

La France Insoumise, arrivée quant à elle deuxième aux élections européennes à Lyon (avec 17,2 % des suffrages) après Place Publique (18,8 %), joue également sa partition dans certains de ses bastions lyonnais.

Elle affiche en effet un score particulièrement élevé dans certaines communes comme Villeurbanne, où 25 % des votes étaient attribués à la liste de Manon Aubry dimanche dernier. Un résultat à considérer au regard de la montée du Rassemblement national : le parti présidé par Jordan Bardella ayant recueilli 16,7% des suffrages exprimés à Villeurbanne, en légère hausse par rapport à 2019, où il était arrivé en troisième position après la liste de Renaissance et Europe-Ecologie.

De même, au sortir des dernières élections législatives de 2022, deux candidats La France Insoumise - rassemblés sous la bannière de La Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) - avaient réussi à conquérir la 6ème (Villeurbanne) et la 14ème circonscription (Saint-Fons, Vénissieux, Saint-Priest) du Rhône : Gabriel Amard et Idir Boumertit, candidats à leur réélection.

Dès lundi, Gabriel Amard se réjouissait de la « raclée » prise par le camp présidentiel tout en estimant cette dissolution comme « bienvenue » auprès de nos confrères de France 3.

L'occasion d'annoncer sa candidature officielle après une victoire acquise sans peine, en 2022, avec 55,5 % des voix. Et de tacler le Président de la République : « Nous demander de revenir devant le peuple, ça aurait été plutôt à lui mais si c'est aux députés de le faire, on y va et il n'y aura que deux choix, puisque lui est déjà battu. Il y aura un choix entre la Nupes et l'extrême droite. Donc la course de vitesse a commencé, il nous faut nous préparer à gouverner la France », a-t-il déclaré.

Le député sortant devra cependant s'opposer à un candidat inattendu : l'ancien député PS et maire de Villeurbanne, depuis retiré de la vie politique, Jean-Paul Bret, a annoncé se présenter dans la 6è circonscription ce jeudi. Ce, même s'il n'est pas officiellement investi par le « Nouveau Front populaire ». De quoi brouiller les lignes alors même que les négociations de la coalition de gauche se sont poursuivies jusqu'en fin de journée pour trouver un programme commun et sélectionner les candidats.

Les candidats Renaissance en quête d'une issue

L'inquiétude semble surtout de mise pour les parlementaires sortants de Renaissance. Après avoir raflé neuf des 14 circonscriptions du Rhône aux élections législatives de 2017, le parti présidentiel avait réussi à conserver la quasi-totalité de ses circonscriptions cinq ans plus tard face aux candidats de la Nupes.

Cette année encore, la force montante des partis de gauche constatée dans certains bastions de la métropole lyonnaise au sortir des élections européennes, laisse présager un nouvel affrontement entre le parti présidentiel et ce nouveau « front populaire ».

Avec, en face, un autre adversaire à ne pas négliger : le RN dont la percée pourrait aussi se traduire dans les urnes le 30 juin et le 7 juillet prochain.

Alors que le parti fondé par Jean-Marie Le Pen n'avait obtenu qu'un seul candidat au second tour des élections de 2017, et aucun à celui des élections législatives de 2022, son arrivée serait une surprise de taille dans la métropole lyonnaise. Et un revers pour Renaissance qui avait remporté sept sièges à l'Assemblée nationale, contre quatre pour la Nupes, et trois pour Les Républicains dans le Rhône, en 2022.

Pour ces élections législatives anticipées, cinq députés de la majorité ont été officiellement réinvestis mardi : Thomas Rudigoz (1ère), Anne Brugnera (4e), Thomas Gassilloud (10e), Jean-Luc Fugit (11e) et Sarah Tanzilli (13e). Rattaché au parti Horizon, Alexandre Vincendet (7è) a également annoncé se relancer dans la bataille. Côté Modem, les députés Cyrille Isaac-Sibille (12e) et Blandine Brocard (5e), députée la mieux élue en 2022, restent pour l'instant silencieux.

Et si les élections européennes ne présagent pas du vote organisé dans quelques semaines, le contexte montre en tout cas un faible soutien au parti fondé par Emmanuel Macron. Avec une envolée du Rassemblement national dans quatre des cinq circonscriptions remportées (10e, 11e - où le RN ne présente pas de candidats - 12e et 13e) par les élus de la majorité présidentielle aux législatives de 2022.

Dans la « 1ère du Rhône », Thomas Rudigoz devra également faire face à un front provenant de la gauche. Dans sa circonscription, les listes de la France Insoumise et de Place Publique ont cumulé près de 35 % des suffrages exprimés dimanche dernier.

Dans le Rhône, les LR ne suivent, pour l'instant, pas Eric Ciotti

S'ajoutent à cela les négociations en sous-main entre les partis. Moins de deux jours après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le président des Républicains (LR), Eric Ciotti, annonçait en solitaire s'accorder avec le Rassemblement national.

Une annonce de laquelle se sont immédiatement dissociés les ténors du parti : Xavier Bertrand, Gérard Larcher, Valérie Pécresse, Olivier Marleix, ou encore le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, pourtant l'un des fidèles d'Eric Ciotti, et lui-même candidat LR dans la Haute-Loire.

Les cadres du parti ont ainsi décidé hier, en conseil de politique, d'exclure le président des Républicains et l'ensemble des députés qui s'associeraient aux RN.

Un mouvement général suivi dans le Rhône par près de 269 élus LR, qui ont demandé dès mardi la démission d'Eric Ciotti dans un communiqué : « Dans le Rhône, Nous exprimons notre désaccord total avec la position exprimée ce jour par Eric Ciotti (...) Ces propos déshonorent celui qui les a tenus et n'engagent évidemment que lui ».

Une bataille qui se poursuit à visage découvert. Alors que la commission nationale d'investiture des Républicains, non reconnue par Eric Ciotti, annonce une liste de 400 candidats, selon le journal Le Monde, Jordan Bardella (RN) a quant à lui indiqué ce matin que des « candidats communs » avec LR seront présentés dans « 70 circonscriptions ». Au risque de semer la confusion : sous quelle bannière les candidats adoubés par Eric Ciotti se présenteront-ils ? Et devront-ils faire face à d'autres candidats LR du même parti ?

Dans la ville de Lyon, en partant seuls, Les Républicains ne paraissent en tout cas pas en mesure de concurrencer l'alliance de gauche, étant arrivés en sixième position (avec 9,4 %) dimanche dernier (moyenne des 9 arrondissements). Mais cela ne présage pas de certaines dynamiques locales, notamment dans le reste du Rhône.

Le parti compte en effet deux députés sortants : Alexandre Portier (9e, Villefranche-sur-Saône) et Nathalie Serre (8e, Tarare, Ecully).

Dans cette dernière, le RN présentera également un candidat, Jonathan Géry. Le parti y est, en effet, arrivé en tête la semaine dernière avec 30,4 % des suffrages exprimés (et 38,3 % avec les voies de Reconquête). Contre 11,3 % pour la liste menée par François-Xavier Bellamy.

Tandis que dans la 9è circonscription, le RN - en négociation avec Eric Ciotti, pourtant exclu des Républicains - ne présente pour l'instant pas de candidat, malgré ses très bons scores dimanche dernier : près de 34,3 % des électeurs se sont prononcés en faveur de la liste portée par Jordan Bardella pour le Parlement européen (et 41,8 avec Reconquête), contre 9,1 % pour LR.

Le RN espère renouveler sa percée aux législatives

Du côté du Rassemblement national, l'heure est donc à la conquête. Renforcé par les résultats des élections européennes, où le parti a raflé 23,6 % des scrutins du Rhône, le RN nourrit l'espoir de croquer une part des sièges de l'Assemblée nationale.

Interrogée sur le plateau de BFM-TV, Tiffany Joncour, déléguée du Rassemblement national dans le Rhône, vantait cette ambition : « Nous avons fait un score historique dans le Rhône. Nous avons doublé notre score par rapport aux dernières élections européennes de 2019. Aujourd'hui, nous sommes en mesure, dans le Rhône, d'élire des députés du Rassemblement national ». Ainsi, le parti a déjà dévoilé douze candidatures, sur les 14 circonscriptions.

Un optimiste à tempérer au regard des précédentes élections législatives de 2017 et 2022, qui n'avaient pas permis au Rassemblement national d'obtenir de sièges. La métropole lyonnaise n'ayant jamais été, jusqu'ici, un bastion propice au parti de l'extrême droite.

 [Article publié le 14 juin 2024 à 12 h 50, mis à jour à le 17 juin 2024 à 08 h 10]

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