Prélèvements en eau : Volvic tente d'éteindre les critiques

Acteur économique majeur en Auvergne, aussi critiqué par plusieurs associations pour ses prélèvements en eau, la Société des Eaux de Volvic, située dans le département du Puy-de-Dôme, a dévoilé hier, jeudi, une étude sur son impact socio-économique et environnemental, mettant en avant ses investissements afin de préserver la ressource. Danone, propriétaire du minéralier, annonce également renforcer ses engagements. Une opération séduction qui ne convainc pas les opposants.
François Eyraud, directeur général de Danone France (à gauche), et Emmanuel Gérardin (à droite), directeur de la SEV, ont annoncé les mesures prises afin de préserver l'eau de l'impluvium de Volvic.
François Eyraud, directeur général de Danone France (à gauche), et Emmanuel Gérardin (à droite), directeur de la SEV, ont annoncé les mesures prises afin de préserver l'eau de l'impluvium de Volvic. (Crédits : DR Emilie Valès)

Mesurer son impact économique et environnemental sur le territoire, repérer ses points forts et ses axes de progression. Voilà les enjeux de l'étude présentée, hier jeudi, par la Société des eaux de Volvic (SEV), filiale de Danone. Une étude réalisée, nous dit le groupe, dans le cadre des 50 ans du célèbre discours d'Antoine Riboud, fondateur de la multinationale devant les assises du patronat. Un discours durant lequel le dirigeant avait mis en avant la nécessité d'une croissance responsable.

Et cela prend tout son sens en 2023, alors que Danone est confrontée à des contestations de plus en plus pressantes d'associations, inquiètes des prélèvements en eau réalisés par la SEV dans un contexte de changement climatique.

« Nous sommes souvent challengés, donc nous avons voulu comprendre notre empreinte. Il ne faut pas se cacher. Nous travaillons avec les communautés pour construire un futur meilleur. Ce qu'il y a de plus précieux pour nous c'est la ressource en eau. Si demain il n'y a plus de ressource, une entreprise (comme Volvic, ndlr) ne génère plus de bénéfices économiques », a soutenu devant la presse François Eyraud, directeur général de Danone France, qui avait fait le déplacement dans le Puy-de-Dôme pour l'occasion.

Un peu plus tôt, dans son discours, le dirigeant avait même déclaré : « Si on ne prend pas soin de cette ressource, il n'y a pas de business », arguant que l'entreprise ne trouvera pas les solutions toute seule, mais grâce à un travail collectif.

30 millions d'euros investis

Pour réaliser cette étude, Danone a fait appel à un cabinet indépendant, Archipel&Co, qui s'est appuyé sur des données chiffrées, mais aussi sur une vingtaine d'entretiens réalisés auprès d'acteurs de l'écosystème de Volvic, à savoir des fournisseurs, des élus locaux ou des associations. Premier enseignement : sans surprise, Volvic bénéficie d'une bonne image en matière de création et de maintien de l'emploi. Et pour cause. La SEV est la quatrième entreprise du Puy-de-Dôme avec 1.036 emplois directs et 332 indirects. Près de la moitié des emplois de la commune de Volvic sont pourvus par le minéralier.

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Quant à son impact environnemental, enjeu essentiel dans un contexte de raréfaction de l'eau, le document retrace les actions mises en place par le groupe ces dernières années et souligne la bonne trajectoire en matière de protection de la ressource.

« 30 millions d'euros ont été investis depuis 2017, ce qui a permis de réduire de 13% nos prélèvements en eau, soit 360 millions de litres. En parallèle, la production et les ventes de bouteilles sont restées stables, donc cette réduction s'est faite grâce à l'amélioration de nos process. Nous avons optimisé notre utilisation de la ressource et modernisé nos lignes de production », détaille Emmanuel Gérardin, directeur de la Société des Eaux de Volvic.

Décret attendu autour de la réutilisation de l'eau

Mais les auteurs de l'étude ainsi que les acteurs locaux, maire de Volvic et préfet du Puy-de-Dôme en tête, appellent l'entreprise à poursuivre les efforts pour rationaliser son usage de l'eau. Danone répond qu'elle attend désormais la publication d'un décret du gouvernement pour la réutilisation de ses eaux usées dans la filière agroalimentaire.

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« J'ai bon espoir. Je pense que l'on peut parler de semaines », précise François Eyraud, directeur général de Danone France. En fait, Volvic a lancé, il y a deux ans, un projet pilote baptisé « ReUse » et qui prévoit le réemploi des eaux usées issues du site de production. Elles seront traitées et réutilisées pour d'autres usages internes, par exemple le nettoyage des lignes et des machines. Grâce aux nouvelles technologies mises au point par le groupe, qui se présente comme un pionnier dans le recyclage des eaux, il sera possible d'avoir plus de cinq cycles de réutilisation. Le procédé utilise notamment la filtration à base de roseaux.

« D'ici 2025-2026, cela devrait permettre de réaliser une économie additionnelle de 280 millions de litres d'eau chaque année, » projette Emmanuel Gérardin, dont l'entreprise a reçu l'autorisation des pouvoirs publics de prélever 2,8 millions de mètres cubes d'eau par an.

Des opposants plus que dubitatifs

« Cette étude prête à sourire », réagit de son côté Christian Amblard, membre des associations Préva (Préservation de l'Environnement de Volvic et des Volcans d'Auvergne) et Marsat nature. Pour ce directeur de recherche honoraire au CNRS, spécialiste de l'hydrobiologie, il est aberrant de ne pas voir le lien entre les prélèvements de la SEV, qu'il juge excessifs, et l'assèchement des sources et des ruisseaux du territoire.

 « Ce que nous constatons, c'est que nos ruisseaux, qui avaient 20 à 30 cm de hauteur d'eau, se sont transformés en filets d'eau. Et quand Danone nous répond que c'est le stress hydrique qui touche la France, c'est faux. Les données Météo-France, sur l'impluvium de Volvic (espace naturel recueillant les eaux de pluie, ndlr), montrent que la pluviométrie moyenne a été identique entre 1971 et 1999 et entre 1999 et 2018 », argumente Christian Amblard.

Deux autres études en préparation

Le débit des sources de la zone a été divisé par 8 en l'espace de 40 ans, dénonce son association, qui précise n'avoir dans l'affaire aucun intérêt financier ou électoral. Et sur le territoire, la contestation enfle, alors que la commune de Volvic, comme une quarantaine d'autres dans le Puy-de-Dôme, a été visée au printemps par un arrêté limitant les usages de l'eau potable.

Fin septembre, ce sont quelques 350 manifestants qui s'étaient réunis à Riom, à quelques kilomètres de Volvic, pour demander une limitation des prélèvements de la SEV. « Nous n'avons pas une opposition de principe à la commercialisation de l'eau, mais il ne faut pas inverser les priorités », poursuit l'hydrobiologiste qui demande que soit respectée la loi sur l'eau de 2006 qui fixe comme priorités d'usage, l'adduction d'eau potable et l'alimentation des écosystèmes qu'ils soient naturels ou agricoles.

« La commercialisation de l'eau ne peut être que la variable d'ajustement. Il faut d'abord réserver les débits nécessaires à la vie des ruisseaux et s'il y a un surplus, alors d'accord pour une activité commerciale. »

Ce scientifique s'inquiète notamment de l'impact est sur toute la biodiversité de ces ruisseaux, au niveau de la végétation et de la faune associée. Et craint une désertification de la zone.

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Deux autres études sont attendues dans les prochains mois, l'une sur l'état actuel de l'impluvium de Volvic financée, entre autre, par l'Etat et une autre dans le cadre d'une action en justice déposée par un pisciculteur de la région. Cette expertise hydrologique, commandée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, devra déterminer si il y a un lien entre les prélèvements de la SEV et l'assèchement des bassins du professionnel.

Nouveaux engagements de Danone

Danone a profité du rendu de cette étude pour annoncer également de nouveaux engagements, cette fois à l'échelle de l'Hexagone. La multinationale promet de réaliser une économie de 350 millions de litres d'eau sur l'ensemble de ses sites d'eau minérale naturelle en France d'ici à 2026. Le groupe compte aussi aller plus loin dans les emballages circulaires. Ainsi, 100% des bouteilles de la marque Evian seront en plastique recyclés et entièrement recyclables d'ici à mars 2024. Quant à la marque Volvic, ce sera janvier 2025.

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Commentaires 3
à écrit le 21/10/2023 à 17:29
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L'eau de Volvic est un produit naturel, loin d'être écologique si on prend en compte les coûts principaux que sont l'embouteillage en "plastique" et le transport. Toute l'eau en bouteille est un non sens, dans un pays, la France, où la qualité de l'...

à écrit le 20/10/2023 à 22:52
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Au compte-gouttes, la douche! Au prix de la Volvic...

à écrit le 20/10/2023 à 18:33
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D'un point de vu écologique c'est indéfendable mais c'est l'ensemble de notre système économique qui est aberrant, on peut s'attarder sur les plus voyants mais ce serait fausser le constat.

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