Spatial : l'isérois Lynred va équiper les nouveaux satellites du programme Copernicus

L'isérois Lynred (ex Sofradir) vient de toper avec l’Agence spatiale européenne (ESA) pour le développement de nouveaux détecteurs infrarouge de haute performance, destinés aux satellites Sentinel 2 Nouvelle Génération. Le défi est technologique et industriel.
Lynred avait déjà travaillé sur la première génération de Sentinel-2. Le lancement du troisième satellite Sentinel-2, toujours munis de capteurs Lynred, est annoncé pour la fin de l'année et le quatrième, probablement en 2025.
Lynred avait déjà travaillé sur la première génération de Sentinel-2. Le lancement du troisième satellite Sentinel-2, toujours munis de capteurs Lynred, est annoncé pour la fin de l'année et le quatrième, probablement en 2025. (Crédits : ESA)

L'isérois Lynred vient d'être retenu par l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne, pour équiper de détecteurs infrarouges les futurs satellites Sentinel-2 NG du programme Copernicus, programme de surveillance de l'environnement (végétations, zones côtières, fleuves, catastrophes naturelles etc).

Ce n'est pas la première fois que cette filiale des groupes Thales et Safran, implantée à Veurey-Voroize près de Grenoble, collabore avec l'agence spatiale dans le cadre de Copernicus. Lynred (et sa branche Sofradir à l'époque) avait déjà équipé les deux premiers satellites Sentinel- 2 lancés en 2015 et 2017. Le lancement du troisième satellite Sentinel-2, toujours munis de capteurs Lynred, est annoncé pour la fin de l'année et le quatrième, probablement en 2025.

Un défi technologique et un défi industriel

Ce nouveau contrat que vient de valider l'ESA concerne une nouvelle étape, une nouvelle génération de satellites plus performants, dont l'horizon de lancement est envisagé pour 2030.

« Nous avons été sélectionnés pour développer un détecteur infrarouge multispectral plus performant que le précédent. La résolution au sol sera plus élevée, 10 mètres au lieu de 20 mètres sur la précédente génération, ce qui signifie que le nombre de pixels sera deux fois plus important sur le plan focal pour obtenir la même fauchée. L'observation pourra ainsi être beaucoup plus précise. Par ailleurs, nous aurons cinq ou six bandes spectrales au lieu de trois. Aujourd'hui, le détecteur idéal demandé dans le cadre de Sentinel-2 NG n'existe pas sur le marché », détaille Philippe Chorier, responsable du développement des affaires spatiales, précisant que chaque satellite sera équipé d'une dizaine de détecteurs.

Sur cet appel d'offres, Lynred était en concurrence avec plusieurs acteurs européens.

Le prototype devrait être prêt courant 2026. Pour mener à bien ce nouveau contrat (dont le montant n'est pas dévoilé), Lynred va devoir relever deux challenges. Le premier est technique, puisque le nouvel équipement devra être sensiblement plus performant que ses prédécesseurs. Le second est industriel, puisqu'après la phase de pré-développement, arrivera celle de l'industrialisation.

« Pour Sentinel-2 NG, nous devrons produire le même nombreau moins autant de détecteurs que sur Sentinel 2, mais en deux fois moins de temps. Ce sera forcément un défi. Nous devons nous mettre en phase avec une exigence de délai relevant presque du NewSpace, mais avec une très haute exigence de qualité et de performance », poursuit le responsable des affaires spatiales.

Le spatial représente aujourd'hui 10 % du chiffre d'affaires de Lynred. Un marché sur lequel l'entreprise est présente depuis les années 90, sans représenter un poids majeur dans son activité. Il représente toutefois plusieurs intérêts, comme l'explique Philippe Chorier. D'abord, parce que le niveau d'exigence des clients du spatial tire l'ensemble des process vers le haut. Ensuite, parce que le secteur du spatial (institutionnel et privé) est actuellement dynamique, et donc source de croissance.

Dans un contexte de marché plus difficile ces deux dernières années - le chiffre d'affaires 2023 s'est établi à 219 millions d'euros contre 233 millions en 2022 et 2021-, l'option est évidemment bonne à prendre pour l'entreprise aux 1.100 salariés, qui se présente comme leader mondial des technologies infrarouges de haute qualité pour les marchés de l'aérospatial, du militaire, de l'industriel et du grand public.

Réorientation de la stratégie

Le nouveau duo de dirigeants mis en place en début d'année, Hervé Bouaziz et Xavier Caillouet, a d'ailleurs clairement pour mission d'ancrer Lynred sur le chemin de la croissance.

Depuis leur arrivée, les deux hommes ont travaillé, selon les termes transmis par écrit par la direction de l'entreprise sur : « la prise en compte du contexte géostratégique en évolution rapide, la réorientation des priorités commerciales vers des marchés géographiques durablement accessibles, le renforcement d'une politique duale comprenant les produits non refroidis (micro bolomètres) et refroidis pour accentuer la croissance de Lynred, le maintien de la R&D à un niveau élevé afin d'améliorer son positionnement parmi les leaders des technologies infrarouges au niveau mondial et l'ajustement de l'organisation de l'entreprise dans l'objectif d'accélérer le time-to-market, de renforcer sa compétitivité et gagner des parts de marché ».

Un dispositif d'activité partielle est d'ailleurs actuellement en cours de mise en place, avec une première période de trois mois, activée de mi-mai à mi-août 2024. Cette activité partielle concernera uniquement les collaborateurs français, avec un niveau variable d'un service à l'autre. Le nombre précis de personnes impactées ne nous a pas été communiqué. Contactés, les délégués syndicaux CGT et CFDT n'ont pas souhaité donner suite à nos demandes d'informations.

Évolution réglementaire favorable sur l'automobile

Dans cette équation qui semble donc actuellement plus complexe que par le passé pour Lynred, une excellente nouvelle vient néanmoins d'arriver d'Outre-Atlantique. Les Etats-Unis ont approuvé début mai une nouvelle réglementation à destination du marché de l'automobile : à partir de 2029, tous les véhicules neufs devront être équipés d'un système de freinage automatique d'urgence, assorti d'un dispositif performant, y compris la nuit. Performance qui passe, notamment, par un détecteur infrarouge. Lynred vise justement ce segment depuis deux ans, avec un virage marqué vers l'automobile et le développement de bolomètres spécifiques.

Lire aussiLynred investit 85 millions pour déployer l'infrarouge sur les véhicules grand public

C'est notamment pour monter en force sur ce marché de l'automobile que Lynred a lancé l'année dernière un investissement majeur de 85 millions d'euros pour 4.000 m² supplémentaires de salles blanches et une capacité de production doublée à horizon 2028 (soit deux millions de détecteurs microbalomètres et 20.000 détecteurs refroidis par an). Les infrastructures seront terminées en 2025 et la montée en production se fera par étape jusqu'en 2028. Date à laquelle les constructeurs américains devraient passer leurs commandes...

« Jusqu'ici le développement dans l'automobile était limité car ces détecteurs infrarouges étaient intégrés seulement aux véhicules haut-de-gamme. Mais c'est en train de changer, la tendance est à la démocratisation de ces dispositifs. C'est déjà le cas aux Etats-Unis avec l'adoption du projet de loi de la NHTSA. Il est fort probable que l'Europe suivra la même évolution  », observe Sébastien Tinnes, Group Market leader.

Et de confier qu'avec l'adoption de cette nouvelle réglementation américaine, les prochains mois devraient être chargés pour Lynred.

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