Photovoltaïque : comment la sortie de Casino pourrait en réalité ouvrir de nouvelles portes à GreenYellow

Alors que Casino vient de sortir définitivement de son actionnariat, GreenYellow poursuit à marche forcée les grandes manœuvres. Avec une ambition clairement affichée : devenir un leader mondial du photovoltaïque décentralisé en autoconsommation. Au programme : croissances externes, investissements de grande envergure et innovation, notamment, en matière de stockage sur batteries.
Pour GreenYellow, la montée en puissance de l'autoconsommation observée sur plusieurs marchés comme celui du retail va s'accompagner du déploiement des solutions de stockage.
Pour GreenYellow, la montée en puissance de l'autoconsommation observée sur plusieurs marchés comme celui du retail va s'accompagner du déploiement des solutions de stockage. (Crédits : Aurele Lavalle)

L'opération est désormais complète. Casino a cédé à Ardian fin mai les derniers pourcents (10,15 % pour être précis), qu'il détenait encore dans GreenYellow, la filiale qu'il avait créée en 2007 pour se diversifier dans la transition énergétique. Une sortie liée au rachat récent du grand distributeur stéphanois, en grande difficulté.

Mais si la page de l'ère Casino vient seulement de se tourner complètement, le grand saut avait déjà été fait il y a un peu plus d'un an. Casino avait alors vendu à Ardian 75% du capital de sa pépite du photovoltaïque décentralisé. Cette prise de participation majoritaire avait été assortie d'une augmentation de capital de 170 millions d'euros destinée à accélérer la croissance. Pas de révolution ou changement de cap donc à attendre de cette ultime opération de délestage, finalisée il y a quelques jours. En revanche, cette sortie devrait ouvrir de nouvelles portes à GreenYellow, acteur du photovoltaïque décentralisé et des services d'efficacité énergétique.

« De par son histoire et son expertise, GreenYellow est déjà très implanté dans les secteurs du retail et de la logistique. La sortie de Casino de notre actionnariat nous permettra d'avancer plus facilement avec l'ensemble du secteur du retail, puisqu'il n'y aura plus de points de friction entre concurrents potentiels. Nous avons des perspectives très intéressantes avec d'autres enseignes », note Otmane Hajji, président de GreenYellow depuis sa création.

Il précise par ailleurs qu'Ardian disposant désormais près de 90% des parts de l'entreprise, la gouvernance et la prise de décisions en seront simplifiées.

L'avènement (en cours) de l'autoconsommation et (demain) du stockage

GreenYellow peut donc poursuivre le chemin qui a été tracé avec Ardian : « devenir un champion mondial de la transition énergétique décentralisée ». L'entreprise a réalisé en 2023 un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros (1.320 collaborateurs dont 350 en France), qui devrait se maintenir au même niveau cette année mais avec un EBITDA qui devrait passer de 105 à 150 millions d'euros, grâce à une progression des activités d'infrastructures par rapport aux activités de services. L'objectif en 2027 étant d'atteindre les 300 millions d'euros d'EBITDA.

Cette année, GreenYellow devrait investir environ 400 millions d'euros chez ses clients (modèle du tiers investisseur pour la moitié des contrats environ)  et compte signer la mise en place d'une capacité de 400 MW en production photovoltaïque et 150 GW en matière d'efficacité énergétique

En 2023, l'entreprise a installé 1.320 centrales solaires (1.360 MWc de capacité) et signé 3 600 contrats de performance énergétique.

« Depuis 2022, nous constatons un changement de paradigme. A cette époque, 70% de nos commandes de production d'énergie solaire concernaient des installations avec injection dans le réseau. Désormais, les proportions se sont inversées : nous sommes toujours sur de la production solaire décentralisée, mais cette fois, il s'agit majoritairement d'autoconsommation. Les entreprises ont été fortement impactées par la hausse du prix de l'énergie, les risques de pénurie... elles veulent désormais maîtriser leurs coûts et avoir une visibilité à long terme», poursuit Otmane Hajji.

Pour accompagner ce mouvement, GreenYellow avait acquis fin 2023 la participation d'Engie (50%) dans Reservoir Sun, la coentreprise qu'ils avaient fondée ensemble en 2018, devenue l'un des leaders français de l'autoconsommation solaire des entreprises tertiaires et industrielles (350 installations à fin 2023, soit 150 MWc et un pipeline de projets annoncé à 1,2 GW). Une acquisition qui permet ainsi à GreenYellow d'asseoir sa position stratégique, en France, sur l'autoconsommation.

Cette montée en puissance de l'autoconsommation va s'accompagner du déploiement de solutions de stockage. Une tendance mondiale à laquelle veut répondre GreenYellow, qui y voit là un argument de différenciation. Selon l'AIE (Agence Internationale de l'Energie), le stockage d'électricité sur batterie a progressé en 2023 de 130% dans le monde par rapport à 2022.

GreenYellow testait jusqu'ici une offre de stockage en Afrique du Sud et à Mayotte, elle va désormais la faire monter en charge progressivement.  Par exemple, un accord a été signé récemment avec la Compagnie des Alpes pour solariser les parkings de ses parcs (Walibi, Asterix, Futuroscope etc), déployer des bornes de charges pour véhicules et donc installer un stockage local.

« L'autoconsommation permet de couvrir environ 20 à 30% des besoins électriques d'un site. Le stockage d'énergie est un vrai game changer pour mener nos clients vers une indépendance énergétique complète combinant production solaire en autoconsommation, performance énergétique et désormais stockage », note le président de l'entreprise.

Un partenariat est d'ailleurs en cours avec Schneider Electric pour développer des premiers projets de microgrid (micro-réseaux électriques locaux et intelligents) capable de faire communiquer entre elles les différentes briques technologiques de GreenYellow. « Le vrai enjeu de la transition énergétique, c'est bien celui-ci. Il ne faut plus compartmenterles différents métiers de production solaire locale, d'efficacité énergétique, d'arbitrage... tout doit communiquer et fonctionner ensemble ».

Renforcer l'Europe

Coté géographie, GreenYellow s'est aussi engagée, depuis la reprise par Ardian, dans une nouvelle stratégie. L'entreprise réalise actuellement 40% de son Ebitda en Europe, le reste en Amérique du sud, en Afrique et en Asie du Sud-Est. A horizon 2027, l'ambition est de réaliser les deux tiers de son activité en Europe, le reste sur ses hubs d'Amérique du Sud et d'Asie.

« Entre l'augmentation du prix de l'énergie et la trajectoire réglementaire de décarbonation mise en place par la France et l'Europe, nous sommes à un momentum de marché en Europe. On peut citer par exemple, l'obligation de solariser les parkings français. Le potentiel est de 15 GW lorsqu'aujourd'hui, on en est à quelques centaines de mégawatts. Nous renforcer sur l'Europe maintenant, cela nous permettra d'être plus résilients : le marché est solide et nous permet de multiplier les déploiements de sites multiples à l'échelle européenne ».

Soutenu par les financements de son puissant actionnaire, GreenYellow entend bien se poser en « consolidateur » d'un marché européen aujourd'hui très éclaté. Après l'acquisition de Reservoir Sun, une alliance stratégique en Espagne a été validée il y a quelques semaines avec le groupe Enhol pour investir ensemble 200 millions d'euros dans les cinq ans afin de déployer une capacité totale de 300 MWc.

Le mois dernier, c'est le leader du solaire au Portugal et en Pologne, l'entreprise GEM, qui a été absorbé par GreenYellow (soit une acquisition de 120 MW d'actifs solaires qui ont rejoint le portefeuille de l'ex-filiale de Casino). En Italie, l'acquisition de 6,2 MWc a également été annoncée tout récemment.

Pacte solaire

Dans cette montée en puissance, GreenYellow se positionne comme un interlocuteur clé de la filière industrielle européenne des panneaux photovoltaïques.

Le groupe est d'ailleurs signataire du récent Pacte solaire visant à promouvoir la production de panneaux photovoltaïques fabriqués en France ou en Europe. Toutefois, l'entreprise dit rester prudente quant à la réalité du marché : selon le président de GreenYellow, la demande européenne surpassera dans les premiers temps les capacités de production locales, nécessitant un mix de sources d'approvisionnement.

« Nous croyons en cette initiative. C'est la première fois en France qu'un tel effort est lancé pour fabriquer localement ces panneaux. Cependant, nous devons rester pragmatiques : le développement du photovoltaïque doit continuer de croitre rapidement pour atteindre les objectifs de 2030, alors que les gigafactories européennes ne sont pas encore opérationnelles. Le marché ne doit surtout pas se mettre sur pause », conclut Otmane Hajji.

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