Avion électrique : la startup ligérienne Eenuee veut lever 20 millions d’euros pour son prototype

La start-up stéphanoise développe un petit avion 100% électrique, capable d’accueillir jusqu’à 19 passagers en se posant n’importe où, sur terre comme sur l’eau (lacs, fleuves) avec un espace nécessaire de seulement 300 mètres. Sa cible : la mobilité régionale et interrégionale. Depuis quelques mois, elle fait voler un démonstrateur à l’échelle 1/7e. Avant d’arriver à un prototype « à l'échelle 1 » attendu en 2028, elle doit lever 20 millions d’euros. Une opération qu’elle espère finaliser avant la fin de l’année mais dont la réalisation est complexe en France.
Eenuee travaille sur un avion 100% électrique. C'est plus compliqué en étant implanté en Auvergne Rhône-Alpes de se tailler une image forte dans le domaine de l'aviation, relève toutefois son fondateur. S'il le faut, nous pourrions réfléchir à une présence en Occitanie.
Eenuee travaille sur un avion 100% électrique. "C'est plus compliqué en étant implanté en Auvergne Rhône-Alpes de se tailler une image forte dans le domaine de l'aviation, relève toutefois son fondateur. S'il le faut, nous pourrions réfléchir à une présence en Occitanie". (Crédits : DR)

Eenuee a récemment franchi une étape importante : elle fait désormais voler un démonstrateur à l'échelle 1/7e. Un démonstrateur piloté depuis le sol préfigurant l'étape finale, envisagée pour 2028 : un prototype « à l'échelle 1 » d'avion 100% électrique, aux lignes futuristes, doté d'un hydrofoil et capable d'accueillir jusqu'à 19 passagers en se posant n'importe où, sur terre comme sur l'eau avec un espace nécessaire de seulement 300 mètres.

700 kilomètres en propulsion 100% électrique

« Depuis un siècle, les avions sont construits sur un modèle de fuselage tubulaire. Nous sommes convaincus que la transition écologique de l'aviation passera par l'amélioration des performances aérodynamiques des aéronefs, comme dans le monde des planeurs. Nous avons choisi une architecture à fuselage porteur  », affirme Erick Herzberger, fondateur en 2019 d'Eenuee, après avoir porté le projet Akoya (biplace amphibie). Ainsi, « grâce à une meilleure distribution des forces aérodynamiques, la force de trainée est réduite et la structure allégée. Cela rend possible une propulsion 100% électrique sur batterie. On parvient ainsi à réduire de 85% les besoins énergétiques totaux. Alors que l'hydrogène et les carburants dits durables d'aviation (SAF) permettent en réalité une faible réduction du besoin en énergie fossile ».

L'entrepreneur, à la tête d'une petite équipe d'une dizaine de personnes, explique avoir pour ambition d'aller au-delà de l'innovation technologique. Son objectif : renverser le modèle actuel de la mobilité régionale et interrégionale.

« Nous visons les trajets de moins de 700 kilomètres. Notre solution d'atterrissage court permet d'envisager des liaisons décarbonées, en particulier entre des villes de taille moyenne, pour lesquelles l'offre disponible aujourd'hui n'est pas satisfaisante. Le gain de temps sera majeur. Par exemple, entre Saint-Etienne et la Rochelle, aujourd'hui seule une liaison ferroviaire existe. Le temps de parcours moyen est de 7 heures pour 400 kilomètres. Notre avion offrira une liaison en 1h40, avec un départ et une arrivée proches des centres-villes alors qu'aujourd'hui il faut souvent parcourir entre 50 et 100 kilomètres pour rejoindre un aéroport », promet le dirigeant de la jeune pousse stéphanoise, récemment labellisée Deeptech.

Lever 20 millions en 2024

Pour décoller, Eenuee doit désormais mettre les gaz. Pour cela, des fonds sont nécessaires. La start-up s'est engagée dans un process de levée de fonds. Montant cible : 20 millions d'euros en 2024. Et si le chemin industriel et technologique que doit encore survoler le futur avion électrique d'Eenuee s'annonce long et semé des embuches inhérentes à toute innovation, celui du financement pourrait bien s'avérer lui aussi complexe. Des contacts ont d'ores et déjà été noués avec des investisseurs. Mais l'essentiel d'entre eux est étranger.

« Lever des fonds sur l'aviation électrique en France semble assez compliqué », regrette le dirigeant d'Eenuee, pointant par ailleurs sa déception de n'avoir pas été retenu dans le cadre de l'appel à projets de l'État « Avions bas carbone ».

De l'autre côté de la France, le Toulousain Aura Aero a lui levé 35 millions d'euros en 2023 et espère un nouveau tour de table de plus de 100 millions d'euros cette année pour lui permettre d'avancer vers son futur avion régional hybride ERA de 19 places fonctionnant à l'électrique et aux biocarburants (500 précommandes).

Pour autant, à l'été dernier, son dirigeant Jérémy Caussade (nommé par l'Union européenne au comité directeur de l'Alliance for zéro emission aviation aux côtés d'Airbus pour représenter les constructeurs européens), confiait lui aussi (à l'occasion de l'événement The Village organisé par La Tribune) la difficulté de collecter des fonds en France.

« L'ambition qui a été posée par la Commission européenne, c'est net zéro émission pour le secteur aéronautique en 2050. Sachant qu'il faut à près de dix ans pour mettre sur le marché un nouvel avion et commencer à le livrer de façon régulière, il n'y a rien d'impossible. Par contre, si on continue à avoir des fonds qui sont aussi peu à la hauteur, il y a deux solutions : soit les sociétés vont mourir et se rendront à l'étranger, soit elles se retrouveront comme 90 % des sociétés européennes dans notre secteur avec des fonds chinois au capital ».

L'Occitanie, the only place to be?

Dans cette course vers l'aviation électrique, Eenuee ne sera probablement pas la première sur la ligne d'arrivée. AURA Aero, par exemple, est bien plus avancée.

Beyond Aero, toulousain lui aussi, a placé également ses pions en réalisant en février dernier le premier vol d'un avion ultra-léger doté d'une pile à combustible à hydrogène et de batteries électriques. Mais, pour Erick Herzberger, la différenciation d'Eenuee et de son avion baptisé Gen-ee est déterminante puisqu'elle est la seule en France, pour l'instant, à proposer une propulsion 100% électrique. Sa capacité à se poser sur l'eau représenterait aussi un argument différenciant.

Lire aussi Aéronautique : Aura Aero obtient le feu vert pour l'envol de son avion biplace électrique

En revanche, la start-up stéphanoise souffrirait d'un inconvénient géographique :

« Nous nous sommes installés à Saint-Etienne pour bénéficier des infrastructures de l'aéroport. Nous bénéficions d'un soutien local et de dispositifs intéressants, mais force est de constater que nous n'avons pas une visibilité comme peuvent en bénéficier les acteurs installés en Occitanie. A Toulouse, le soutien de l'écosystème économique et politique est très fort. C'est plus compliqué en étant implanté en Auvergne Rhône-Alpes de se tailler une image forte dans le domaine de l'aviation. S'il le faut, nous pourrions réfléchir à une présence en Occitanie », confie le fondateur d'Eenuee.

Ou dans les Hauts-de-France, puisque la start-up devrait annoncer à l'automne prochain un partenariat stratégique avec des fabricants de batterie.

Si le projet Eenuee atteint ses objectifs, un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros est envisagé pour 2030/2032. Avec au préalable des « centaines de millions d'euros » de financements nécessaires pour mener à bien l'industrialisation.

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