Endométriose : le service de santé au travail Agemetra veut dépister massivement

Alors que l’endométriose est devenue un enjeu de santé publique, cette maladie est progressivement prise en compte par les employeurs avec l’émergence ici ou là de congés dédiés. Mais encore faut-il que les femmes souffrant de cette maladie soient dépistées. Le Service de Prévention et de santé aux travail lyonnais Agemetra lance justement une initiative jusqu’ici inédite : le dépistage spécifique de l’endométriose lors des visites obligatoires, doublé d’un accompagnement des patientes dans leur vie professionnelle.
Agemetra a commencé à déployer sa démarche sur son site de Lyon 2. L'initiave sera progressivement déployée à l'ensemble de ses centres.
Agemetra a commencé à déployer sa démarche sur son site de Lyon 2. L'initiave sera progressivement déployée à l'ensemble de ses centres. (Crédits : JF Marin / Agemetra.)

Depuis le 1er octobre, les agents de la Métropole de Lyon peuvent bénéficier de deux jours de congés payés (ou de télétravail) en cas d'endométriose ou de règles douloureuses. Ces derniers mois, les initiatives de ce type se sont multipliées dans les entreprises et les collectivités publiques (comme la région Nouvelle-Aquitaine, ou encore le groupe Carrefour), sans non plus, et loin s'en faut, se généraliser.

Deux millions de femmes environ seraient atteintes, en France, d'endométriose selon l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Cette maladie gynécologique inflammatoire se définit par la présence anormale, hors de la cavité utérine, de tissu semblable à celui de l'endomètre, la muqueuse tapissant l'intérieur de l'utérus. Les conséquences de l'endométriose sont très variables et s'échelonnent entre une absence totale de symptômes jusqu'à une maladie invalidante se traduisant par des douleurs intenses (notamment au moment des règles), de la fatigue, des problèmes digestifs, ou encore des symptômes dépressifs.

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Un sujet majeur de santé publique, mais aussi d'égalité entre les hommes et les femmes, dont Emmanuel Macron s'était emparé, en février 2022, en présentant sa stratégie nationale de lutte contre l'endométriose visant à améliorer la prise en charge des patientes et à renforcer les moyens de recherche.

Sur ce dernier point, l'ex-Première ministre, Elisabeth Borne, avait confirmé en mars le déploiement de nouveaux moyens financiers en faveur de la recherche, dans le cadre de son plan interministériel pour l'égalité homme/femme. Plusieurs propositions de loi autour du congé menstruel (lié ou non à l'endométriose) ou de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé ont d'ailleurs été annoncées depuis le printemps. Aucune n'a cependant encore abouti.

Cibler spécifiquement l'endométriose

C'est dans ce contexte de prise de conscience autour de la problématique des règles douloureuses en général et de l'endométriose en particulier, que le Service de Prévention et Santé au Travail Inter-entreprises  (SPSTI) lyonnais Agemetra initie une démarche innovante : la mise en place d'une filière multidisciplinaire pour le dépistage de l'endométriose et l'amélioration de la qualité de vie professionnelle et personnelle des salariées atteintes.

L'initiative n'est pas neutre parce qu'avec ses 260.000 salariés suivis dans 19 sites, l'Agemetra est un des dix plus gros SPSTI français, ces associations à but non lucratif mutualisant les moyens des employeurs et dont la mission est d'assurer la préservation de la santé des salariés. En résumé, c'est ce qu'on appelle dans le langage courant les centres de médecine du travail. Pour rappel, l'adhésion à un SPSTI est obligatoire pour les entreprises de moins de 500 salariés. Pour les plus grosses, elles peuvent, si elles le souhaitent, opter pour leur propre service autonome de santé au travail.

« La question de l'endométriose est importante car elle peut impacter très fortement la qualité de vie de la personne qui en souffre. Il ne s'agit pas d'une maladie rare mais la disparité de ses symptômes et de leur intensité, en fonction des femmes, peut brouiller les pistes. En moyenne, le délai de dépistage est de sept à huit ans en France, c'est beaucoup trop long... », pointe Philippe Campana, médecin collaborateur en santé au travail chez Agemetra et pilote de cette action.

Concrètement, l'organisme ajoute un score de dépistage spécifique à l'endométriose au questionnaire sur les antécédents médicaux que les salariés remplissent habituellement à l'occasion de leurs visites médicales, notamment les visites dites « d'embauche ».

« Nous avions déjà un questionnaire sur les antécédents médicaux, bien entendu, mais en médecine, on trouve plus facilement ce qu'on cherche spécifiquement. Avec cinq ou six questions rapides très ciblées, nous allons réussir à évaluer rapidement le risque d'endométriose chez la patiente », poursuit Philippe Calamena, rappelant aux salariées qui craindraient de ne pas voir leur embauche validée après un tel dépistage, que dans un SPSTI comme chez son médecin traitant, les informations transmises tombent sous le sceau absolu du secret médical.

Le résultat de ce questionnaire permet ensuite d'approfondir le sujet pendant la visite. Le médecin du travail peut alors établir un courrier au médecin traitant lui demandant de suivre spécifiquement cette problématique, ou, en l'absence de plus en plus fréquente de médecin traitant, d'adresser la patiente vers EndAura, réseau de professionnels spécialistes de cette pathologie en Auvergne Rhône-Alpes, dont le SPSTI Agemetra s'est rapproché pour mener à bien cette démarche.

Adapter la vie professionnelle des salariées

« Nos centres s'occupent de très nombreux salariés du secteur industriel, avec des horaires de travail parfois décalés et des revenus moindres par rapport à d'autres secteurs. Tout cela contribue à un moindre accès aux réseaux traditionnels de soin, alors même que les conditions de travail peuvent être difficiles, notamment pour une femme souffrant d'endométriose. Ce dépistage apporte une vraie plus-value pour la santé des salariées », assure le médecin.

Sans compter que celui-ci doit permettre aux médecins du travail d'Agemetra de mieux accompagner leurs patientes souffrant d'endométriose dans leur environnement de travail.

« L'enjeu est de proposer des adaptations personnalisées qui permettront à la salariée de mieux vivre sa maladie au travail et le plus longtemps possible. L'employeur est évidemment gagnant aussi puisqu'une collaboratrice bien accompagnée sera moins absente et plus productive », conclue Philippe Calamena.

Lancée début octobre sur son centre médical d'Ainay (Lyon 2), cette nouvelle démarche a déjà permis d'identifier l'endométriose de plusieurs femmes qui n'étaient pas suivies médicalement jusqu'alors sur cette problématique. L'initiative devrait s'étendre progressivement aux 18 autres centres d'Agemetra.

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