Le lyonnais Ziwig signe une première mondiale avec son test salivaire pour l’endométriose, combinant IA et biomarqueurs

Elle vise rien de moins qu’à changer la donne, et notamment la détection de l’une des maladies chroniques qui a fait l'objet d'une stratégie nationale de lutte annoncée par Emmanuel Macron en janvier dernier, et qui suscite encore 8 à 12 années d’errance médicale. La biotech lyonnaise Ziwig vient de développer le premier test salivaire de détection de l’endométriose à l’échelle mondiale, Endotest, qui associe biomarqueurs et intelligence artificielle. Avec un envoi des échantillons biologiques par la Poste, elle vise dès 2022 les marchés européens, dont la France, où des discussions sont entamées avec la Haute Autorité de Santé pour son remboursement.
La biotech Ziwig ne veut pas de contenter de cette première mondiale dans le diagnostic de l'endométriose : elle travaille déjà à une étape supplémentaire de prédiction avec son module d'IA, et songe à élargir l'utilisation des biomarqueurs à d'autres cancers féminins.
La biotech Ziwig ne veut pas de contenter de cette première mondiale dans le diagnostic de l'endométriose : elle travaille déjà à une étape supplémentaire de prédiction avec son module d'IA, et songe à élargir l'utilisation des biomarqueurs à d'autres cancers féminins. (Crédits : Reuters)

C'est bonne nouvelle pour les femmes, dont 10% en moyenne sont atteintes d'endométriose, souvent sans le savoir. Depuis quelques jours, les messages des associations (Endomind, Endofrance, etc) affluent : inconnue jusqu'ici, la biotech Ziwig, qui emploie déjà une cinquantaine de personnes à Lyon, vient d'effectuer une percée de taille, en annonçant le marquage CE du premier test salivaire pour la détection de l'endométriose.

Une première mondiale pour cette maladie chronique et invalidante, pouvant aller jusqu'à l'infertilité, et qui toucherait, en France 1,5 à 2 millions de femmes (selon des données du Ministère de la Santé), contre 180 millions à l'échelle mondiale.

Or, l'une des principales caractéristiques de cette maladie était jusqu'ici l'insuffisance des moyens de détections disponibles, particulièrement invasifs (IRM pelvienne, échographie parfois insuffisantes, etc) et qui aboutissaient à une errance médicale estimée en moyenne à 8 à 12 années.

C'est en partant de ce constat, vécu par certaines membres de l'équipe, que quatre ingénieurs à la double compétence santé et data se sont penchés, à Lyon et dans le plus grand secret, sur le développement d'un test salivaire et non invasif, qui pourrait s'appuyer sur un élément : les micro-ARN, que l'on retrouve dans la plupart des fluides humains, dont la salive.

La voie des biomarqueurs associée à de l'IA

Après avoir démarré par une plateforme de diagnostic clinique composé des questions-réponses ciblées, la startup a rapidement vu que cette méthode ne suffirait pas. Elle s'est alors penchée sur l'étude des biomarqueurs, qu'elle a tenté d'appliquer à l'endométriose.

Avec un principe simple : « depuis 2018, des équipes à l'international avaient déjà identifié que des voies de signalisation avec de micro-ARN, dont 6 pouvaient être impliqués dans l'endométriose. Nous avons exploré cette piste, en nous rendant compte que grâce à des modèles mathématiques et à l'IA, nous pouvions analyser un grand champ des données préalablement séquencées à partir d'un liquide biologique (sang ou salive) », expose le vice-président de Ziwig, Gilles Doumer.

Résultat ? En collaborant avec cinq centres hospitaliers français spécialistes de l'endométriose, Ziwig est la première biotech à l'échelle mondiale à être parvenue à identifier 2.600 micro-ARN humains, pour en détecter 109 qui seraient impliqués dans les voies de signalisation de l'endométriose.

Avec une approche basée sur un appareil de séquençage haut-débit que l'on retrouve dans les laboratoires d'analyses, associé à des algorithmes d'intelligence artificielle développés en interne, Ziwig revendique aujourd'hui une fiabilité de son test atteignant les 98% (98% de performance diagnostique, 97% de sensibilité et une spécificité de 100%), « ce qui signifie que chez 100 femmes diagnostiquées, on peut diagnostiquer de manière certaine 98 d'entre elles » et quatre brevets qui viennent d'être déposés sur sa technologie.

L'IA au coeur du dispositif de détection

Mais pour cela, il lui aura fallu miser sur trois piliers : l'étude de biomarqueurs présents dans la salive bien sûr (et où la biotech a eu la bonne surprise de constater plus de pureté dans leur recueil que dans les échantillons sanguins), leur analyse par des outils de séquençage haut-débit en laboratoire, et enfin, leur traitement par des algorithmes d'intelligence artificielle maison. "Nous récupérons une très grande quantités de datas, de l'ordre de 4 gigaoctets, par prélèvement biologique. Détecter les voies de signalisation de l'endométriose sans l'intelligence artificielle n'aurait pas été possible", affirme Gille Doumer.

De quoi déboucher sur une formule simple : celle du recueil d'un prélèvement salivaire à domicile d'une patiente, qui peut ensuite être envoyé, avec une ordonnance, par voie postale à un laboratoire d'analyses partenaire qui le traitera au moyen de son outil de séquençage très haut débit couplé à l'algorithme propriétaire de Ziwig, pour un résultat qui pourra ensuite être transmis sous une dizaine de jours.

Un marquage CE obtenu : un ticket pour l'Europe

Et ce test pourrait très vite se retrouver dans les boites aux lettres, à commencer par celles de nos voisins européens : car après avoir obtenu désormais le marquage CE, l'Endotest peut déjà être commercialisé à travers l'Europe. Si son prix public fait encore l'objet de discussions, il pourrait être compris, selon son vice-président, dans large fourchette de « 400 à 2.000 euros ».

La biotech avait d'ailleurs bénéficié d'une mise de fonds de ses 4 cofondateurs ainsi que de business angels à hauteur de 5 millions d'euros depuis trois ans pour atteindre le stade actuel. « Nous n'avons à ce jour reçu aucune subvention ou aide pour développer ce projet », glisse Gilles Doumer.

En parallème, des discussions viennent de s'ouvrir avec la Haute Autorité de Santé et la Direction générale de la santé (DGS) en France, concernant la possibilité d'une prise en charge de l'Endotest par l'Assurance maladie.

Ziwig se montre confiant en brandissant les chiffres : « nous savons que le coût actuel de la prise en charge de l'endométriose, tout compris, atteint déjà 10 milliards d'euros par an, et que cette maladie touche 2 millions de femmes en France. Rien que les dépenses nécessaires pour arriver à un diagnostic peuvent s'élever à 5.000 euros par patiente ».

Et d'ajouter : « L'endométriose a déjà été vue comme une priorité de santé publique par Emmanuel Macron (à travers le lancement d'une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose le 11 janvier 2022, ndlr), et nous savons qu'en arrivant avec une solution de rupture, les délais pourront être discutés et accélérés ».

D'autres voies de diagnostic ouvertes ?

En plus du lancement du processus d'approbation avec la Food & Durg Administration (FDA) pour faire son entrée sur le marché américain, la biotech n'exclut d'ailleurs pas d'autres visées : depuis deux mois, une nouvelle étude, plus large, a été lancée sur 1.000 patientes des CHU de Lyon, Paris, Angers, Rennes et Bastia, avec l'ambition de mettre à l'épreuve le concept et notamment sa logistique à grande échelle, mais aussi d'ouvrir de nouvelles voies par la suite, en testant la validité du modèle sur des aspects plus prédictifs.

« L'idée serait de coupler les résultats de ce test, avec les données cliniques et d'imagerie permettrait de pouvoir prédire le stade d'endométriose que pourrait atteindre une patiente, et de lancer si nécessaire une prise en charge adaptée en amont au risque d'infertilité, sans attendre de le découvrir lorsque l'infertilité est déjà installée », fait valoir  Gilles Doumer.

Ziwig souhaiterait également s'ouvrir par la suite à la détection des autres pathologies liées à la santé de la femme à travers sa plateforme à ARN, comme les cancers féminins. « Toutes les pathologies ne disposent pas d'une voie de signalisation, mais celles-ci sont sur-représentées par exemple dans les maladies inflammatoires. Or, on sait que les femmes ont tendance à être prédisposées à faire 70% des maladies auto-immunes ».

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