Salaire, pénibilité, IA, climat : en Auvergne-Rhône-Alpes, « il n'y a pas de changement brutal de conception du travail, plutôt un renforcement de postures » (baromètre CEP VAE)

Conditions de travail, pénibilité, transition écologique, intelligence artificielle... Tous ces éléments déterminent en partie les perspectives d'évolution professionnelle des actifs. Le Conseil en évolution professionnelle vient de dévoiler le baromètre annuel de l'évolution professionnelle des salariés du secteur privé en Auvergne-Rhône-Alpes et dans cinq autres régions françaises, réalisé par l'IFOP. Décryptage.
Six salariés du secteur privé sur dix déclarent souhaiter évoluer professionnellement au sein de leur entreprise en Auvergne-Rhône-Alpes.
Six salariés du secteur privé sur dix déclarent souhaiter évoluer professionnellement au sein de leur entreprise en Auvergne-Rhône-Alpes. (Crédits : Adobe Stock fournie par Vitagora)

Quête de sens et de reconnaissance, pénibilité et conditions d'exercice, participation de l'entreprise à la transition écologique... Autant d'éléments que les salariés du secteur privé prennent aujourd'hui largement en compte dans leur évolution professionnelle. Le baromètre annuel du Conseil en évolution professionnelle (CEP) VAE, réalisé chaque année par l'IFOP depuis 2020, propose une lecture de ces critères qui deviennent, pour certains, des conditions. L'étude révèle que 70 % des salariés du secteur privé souhaitent évoluer professionnellement dans les deux ans, dont 59 % au sein de leur entreprise.

Une redéfinition progressive des critères d'évolution, à l'exception du salaire

Mais qu'entendent les salariés par le terme « évolution » ? Sans surprise, et c'est un invariant, le salaire arrive en tête. Et en Auvergne-Rhône-Alpes, un peu plus qu'ailleurs... 30 % des 400 sondés auralpins estiment qu'il s'agit du critère le plus déterminant, contre 25 % au niveau des cinq autres régions de l'étude (Grand-Est, Paca, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté). Cette part augmente légèrement, d'année en année, depuis 2020. « La réponse à cette question dépend de la conjoncture économique, » analyse Claudie Beguet, directrice de projet CEP. « Le souhait d'évolution salariale augmente au regard du contexte inflationniste. Mais ce n'est pas l'unique critère. La bonne santé économique du territoire d'exercice et du secteur d'activité sont également des déterminants très forts ».

Dans la deuxième région économique de France, plusieurs singularités sautent aux yeux : non seulement le salaire revêt une importance accrue, mais le critère d'un « meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle » est lui, légèrement en dessous de la moyenne des autres régions, à 9 % des réponses contre 12 %.

« Quand on pose la question des éléments importants, le salaire est toujours un facteur clé, mais d'année en année, on observe la progression de l'attachement aux engagements de l'entreprise en matière, par exemple, de responsabilité sociale et écologique (RSE). Aujourd'hui, 58 % des sondés déclarent que ce critère est important. »

Claudie Beguet, directrice de projet « conseil en évolution professionnelle »

Dans cette continuité, la prise de responsabilité arrive en deuxième position dans la région, à 14 % des réponses, mais tend à diminuer depuis 2020 (où 23 % des personnes la plaçaient en haut de leurs souhaits d'évolution). En troisième, arrive le changement de statut (12 %), à égalité avec la reconnaissance pour son travail. Tous ces éléments étudiés par le baromètre sont notamment mis au regard des effets de la crise sanitaire, apportant chaque année une prise de recul supplémentaire.

Réforme des retraites, transition écologique, IA : les principales préoccupations des salariés

D'autant que de nombreuses évolutions sociétales interviennent aujourd'hui. Si Claudie Beguet préfère le terme de « tendances de fond » à celui de « transformations », elle analyse bien des mutations à l'œuvre, notamment depuis la sortie de la crise sanitaire. Mais attention à ne pas généraliser l'idée d'une aspiration commune vers l'émancipation à tout prix : « Il ne s'agit pas forcément d'un changement brutal de conception du travail, mais plutôt de postures qui se renforcent d'année en année ».

« Les aspirations sont différentes dans les souhaits d'évolution. Certaines répondent à une logique d'épanouissement, avec de nouvelles missions, voire une reconversion, où on observe même, dans certains cas, l'acceptation de revenus plus faibles. Mais n'oublions pas que, d'un autre côté, l'évolution répond aussi à des besoins face à des situations de pénibilité, d'emploi fragilisé, d'inaptitude au poste. Elle peut aussi être vécue comme obligatoire, voire subie, parce que l'inaptitude contraint à penser à une reconversion. Tout l'enjeu est alors de pouvoir les anticiper au maximum et d'offrir un accompagnement pour éviter des ruptures de parcours, et finalement les voir comme des opportunités. »

Parmi les principaux éléments susceptibles de « transformer son travail », la nouvelle réforme des retraites, passant l'âge minimal de départ de 62 à 64 ans, arrive d'ailleurs en pole position des préoccupations des salariés du secteur privé, à 31 % des sondés. Largement devant la transition écologique (22 %), l'intelligence artificielle (21%) et l'automatisation des tâches physiques par des machines (16 %).

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Pour autant, l'actualité autour de la réforme peut constituer un biais, l'étude ayant été réalisée à la fin du mois de juin 2023. Les réalités sont aussi très différentes en fonction de l'âge, du genre, de la catégorie socio-professionnelle. Les plus de 40 ans la place en tête à 38 %, contre 23 % pour les moins de 40 ans, qui considèrent d'abord la transition écologique et l'Intelligence Artificielle comme les principaux facteurs de transformation de leur profession.

Six salariés sur dix préfèrent évoluer au sein de leur entreprise

En Auvergne-Rhône-Alpes, un tiers des salariés du privé signalent également vouloir évoluer dans les six mois. Une donnée assez inattendue, selon Claudie Beguet, directrice de projet CEP au sein du VAE : « Nous questionnions jusqu'ici différemment les salariés, sur la possibilité d'une évolution dans les deux ans. Les deux tiers nous signifiaient le vouloir, mais concrètement, combien allaient le réaliser ? Nous avons donc ajouté une question complémentaire : combien seraient prêts à évoluer professionnellement dans les 6 mois ? Un tiers, nous ne nous attendions pas à un tel résultat ». De « nouveaux défis » et une transition espérée rapide, surtout par les plus jeunes :

« Dans ce désir d'évolution, nous constatons une surreprésentation des jeunes, des personnes ayant peu d'ancienneté et celles qui ont déjà connu une évolution professionnelle. Par exemple, 43 % de ceux qui ont déjà connu une évolution dans les trois dernières années le souhaitent à nouveau, contre 18 % pour ceux qui n'ont pas évolué ».

De même, les salariés déclarent en majorité se renseigner auprès de leur employeur sur les possibilités d'évolution. « Actuellement, nous avons l'impression d'être dans un marché de l'emploi plutôt favorable aux candidats, parce qu'il y a des offres et que cela donne des perspectives de négociation. Mais avant de se dire "comment pourrait-on être plus attractif auprès d'eux", une entreprise peut aussi se demander comment les souhaits d'évolution professionnelle des salariés sont réalisables », conclut la directrice de projet CEP, dans l'idée de renforcer l'accompagnement de ces très nombreux souhaits d'évolution.

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