Fusion Crédit du Nord / Société Générale : les conséquences en Auvergne Rhône-Alpes

DECRYPTAGE. C'est finalement le scénario de la fusion qui vient d’être retenu. La Société Générale devrait ainsi absorber, d’ici 2023, sa filiale Crédit du Nord ainsi que ses huit établissements secondaires, qui comprend des réseaux fortement implantés sur le territoire comme la Banque Rhône-Alpes (BRA), ou encore les banques Laydernier (deux Savoie) et Nuger (Auvergne). Les salariés, inquiets, rappellent qu'un certain nombre d’inconnues demeurent cependant, à l'égard d'un projet qui pourrait bien redistribuer les cartes à l’échelle régionale.
Annoncée ce matin par les deux groupes, la fusion entre la Société Générale et le groupe Crédit du Nord aurait une triple conséquence en AURA, avec le passage sous le bandeau rouge et noir de trois marques : la Banque Rhône-Alpes (BRA), les banques Laydernier (deux Savoie) et Nuger (Auvergne).
Annoncée ce matin par les deux groupes, la fusion entre la Société Générale et le groupe Crédit du Nord aurait une triple conséquence en AURA, avec le passage sous le bandeau rouge et noir de trois marques : la Banque Rhône-Alpes (BRA), les banques Laydernier (deux Savoie) et Nuger (Auvergne). (Crédits : DR)

C'est peut être le début d'une nouvelle phase de concentration bancaire qui s'annonce.

Amorcé entre les deux vagues de Covid-19 en septembre dernier, la perspective d'un plan de réorganisation des réseaux bancaires de la Société Générale et du groupe Crédit du Nord se précise ce matin. A l'issue de la tenue de leurs deux conseils d'administration respectifs, les deux groupes ont entériné ce week-end le projet de fusion de leurs deux marques, rejetant ainsi d'autres options à l'étude comme le statut quo, ou encore, la création d'une nouvelle marque.

Avec, comme justification à cette décision, plusieurs facteurs économiques et juridiques énoncés : à commencer par la volonté de réduire les coûts et de réaliser des économies d'échelle pour faire face à un environnement défavorable, marqué par des taux de marché bas, une concurrence renforcée, mais également des contraintes réglementaires et des investissements en informatique élevés. Les deux réseaux ne s'en cachent d'ailleurs pas : la crise du Covid se serait révélée comme un « accélérateur ».

« Jusqu'à présent, il était vrai que les banques nationales avaient la puissance, mais pas nécessairement la proximité, tandis que les banques de proximité avaient cela, mais pas forcément la puissance souhaitée. C'était l'occasion qu'une banque commerciale puisse offrir un mix des deux », souligne Philippe Delacarte, président du directoire de la Banque Rhône Alpes.

« Ce rapprochement va nous permettre d'avoir un impact plus fort sur le territoire et d'être plus robuste demain, dans une logique de densification du maillage puisque nous serons présents, sans quitter de territoire, à travers des agences renforcées et des équipes où l'on pourra réinjecter différentes compétences », exprime à son tour à la Tribune AURA Karim Idrissi, délégué régional de la Société Générale.

Une nouvelle placée sous la création d'un « nouveau modèle de banque », qui se traduira toutefois par la disparition, à terme, des huit filiales du groupe Crédit du Nord à l'échelle française, dont fait partie le réseau de la Banque Rhône-Alpes (BRA) et pourrait s'échelonner sur 18 à 24 mois.

La création d'un nouveau géant en AURA

Avec une ambition : réunir leurs deux fonds de commerce pour atteindre les 10 millions de clients au niveau national, « soit environ 1 million au sein de la région Auvergne Rhône-Alpes ». De quoi rivaliser avec les scores revendiqués par le groupe Banque Populaire AURA, qui, avec ses 3.600 salariés, couvre désormais 15 départements depuis la fusion de plusieurs entités en 2017.

Car le nouveau né Crédit du Nord / Société Générale atteindrait ainsi, rien qu'à l'échelle régionale -même si les périmètres de certains établissements dépassent le périmètre strictement administratif- près de 331 agences et 3.235 salariés.

On sait cependant encore très peu de choses sur le volet social, ainsi que les impacts de ce plan au sein des territoires, excepté le fait que le nouveau groupe ainsi créé passera de 2.100 agences au niveau national à environ 1.500 d'ici fin 2025, pour une réduction nette de la base des coûts attendue « de plus de 350 millions d'euros » en 2024.

Et c'est justement ce qui inquiète les représentants du personnel des deux entités, qui avaient tout d'abord appris ce projet de réorganisation par voie de presse en septembre dernier.

Ils affirment ne pas en savoir beaucoup plus ce lundi matin, comme l'atteste Gilles Boubon, représentant UNSA pour la Banque Rhône-Alpes : « Nous n'avons pas pris grand-chose, si ce n'est que l'annonce officielle a été validée. Le petit dossier que nous avons reçu n'évoque ni les aspects RH, ni les impacts sur le réseau d'agences », affirme-t-il.

De l'autre côté, la direction se montre plus prudente : « Nous avons déjà entamé des études au niveau local, mais il est très difficile pour l'heure de déterminer les impacts sur les différents périmètres », indique Karim Idrissi. Et le patron de la Banque Rhône-Alpes (BRA), Philippe Delacarte, de compléter : « Nous comprenons qu'aujourd'hui les collaborateurs puissent se poser des questions, mais nous ne pouvons pas appliquer une règle de trois sans tenir compte des spécificités du territoire ».

Tous deux rappellent cependant un double engagement : « zéro départ contraint », ainsi que « des dépenses accrues en matière de formation pour accompagner la transformation des métiers », de l'ordre de 40 % en plus à travers cette nouvelle entité.

Un nouveau maillage en question

Le groupe Crédit du Nord comptait en effet trois marques sur le territoire d'AURA : à commencer par la Banque Rhône-Alpes, assise sur neuf départements et deux régions, à la suite d'une fusion réalisée en 1988 entre la BNLI (Banque Nicolet-Lafanechère et Banque de l'Isère) et de plusieurs agences du Crédit du Nord (Bourgogne, Auvergne, Franche-Comté et Rhône-Alpes).

Si elle n'est pas, à proprement parler « centenaire » -à l'image de ses voisines (banques Laydernier (deux Savoie) et Nuger (Auvergne)-, c'est elle qui pèse le plus lourd dans la balance régionale avec près de 570 collaborateurs, 70 agences et un fonds de commerce de 152.000 clients. Ses deux homologues demeurant à 42 agences et 315 collaborateurs pour la Banque Laydernier, et 21 agences et 150 collaborateurs pour la Banque Nuger.

Pas de quoi rivaliser cependant avec le réseau de la Société Générale qui affiche, au sein de la région, 2.200 salariés dont 300 au back-office et 80 au siège) et 198 agences pour 730.000 clients.

C'est également un facteur d'anxiété pour ses salariés : alors que les trois quarts des 80 agences actuelles de la BRA seraient situées dans un périmètre proche (moins de 1,5 km) des 200 agences de la « Générale » comme on l'appelle déjà, les craintes en matière d'emploi sont fortes.

Les représentants du personnel rappellent que jusqu'ici, le réseau du Crédit du Nord, et notamment de la BRA, n'avait pas eu recours à des réorganisations, contrairement à son actionnaire.

« Depuis quelques années, la stratégie du groupe Société Générale ne consiste qu'à réduire les coûts », regrette Ludovic Lefebvre, délégué national adjoint CGT à la Société Générale, qui évoque des plans ayant débouché sur la suppression de 2.135 emplois au niveau national entre 2018 et 2020 -"dont 900 demeureraient encore à réaliser"- ainsi que sur la fermeture de 10 agences en 2020.

Une donnée nuancée par la direction : « Le monde de la banque de détail en France ainsi que le groupe Société Générale ont connu entre 2015 et 2020 un certain nombre de plans de réorganisation et de réaménagement du business model. Mais il est clair qu'il n'y a jamais eu de départ contraint au cours des cinq dernières années », rappelle ke directeur général AURA, Karim Idrissi.

Deux cultures différentes ?

Déjà, les représentants des salariés craignent pour les agences situées au sein des agglomérations lyonnaise et grenobloise, où le tissu d'agences s'avère plus dense et où des « doublons » pourraient être évoqués. « Nous comprenons très bien qu'il ne serait pas pertinent de conserver deux agences d'une même marque face-à-face. Mais dans quelles conditions cela va se faire et pour quel projet », se questionne Ysabel Guadamuro, déléguée CFDT Banque-Rhône-Alpes.

Jusqu'ici, les ponts entre les deux entités demeuraient toutefois limités, la BRA, constituant une institution indépendante, et la Société Générale, un établissement actionnaire de sa maison-mère le Crédit du nord depuis 1997. « Le réseau de la Banque Rhône-Alpes était même jusqu'ici plutôt concurrent, même s'il s'agit d'une filiale. Nous n'avons en effet pas la même tarification, pas le même segment de clients, ni le même statut social et accord d'intéressement », résume le délégué CGT Ludovic Lefebvre.

Reste que pour son délégué général régional Karim Idrissi, les deux réseaux seraient toutefois « très complémentaires, même s'il est vrai que les cultures des deux banques sont restées assez distinctes ». Il en veut pour preuve le fait que près de 550 collaborateurs issus des deux entités aient déjà commencé à plancher sur les contours de cette nouvelle banque ensemble.

Une marque pas complètement abandonnée ?

Cette démarche sera-t-elle néanmoins suffisante pour lever les craintes ? Pas si sûr, car déjà, des différences de culture sont pointées par les représentants des salariés, dont l'un résume : « Face à la Société Générale, nous sommes un petit poucet. Nous n'avions pas les mêmes façons de travailler et comme nous n'étions pas le premier réseau sur le territoire, nous nous distinguions non pas par les tarifs, mais par un autre service, en prenant plus de temps avec les clients ».

Un autre abonde : « Dans une époque où le maître mot revient à la décentralisation, nous avons un siège à Lyon et Grenoble qui était chargé prendre les décisions localement ». Soit autant de pratiques que les représentants des salariés craignent de voir disparaître.

De son côté, Philippe Delacarte à la BRA veut avant tout rassurer : « L'idée est d'aller prendre le meilleur des deux modèles, en retenant par exemple le fait qu'un conseiller puisse suivre un client dans l'intégralité de sa relation bancaire privée et professionnelle ».

Il s'appuie sur des exemples clés, comme celui-ci, pour démontrer que la nouvelle entité visée devrait se traduire, selon lui, par « une organisation résolument décentralisée, avec la présence de 10 à 12 sièges régionaux étoffés et aux pouvoirs plus importants, avec notamment des délégations de crédits ».

Quant au sujet déterminant de la nouvelle marque adoptée -et donc, de l'abandon de la déclinaison territoriale actuelle-, il rappelle que « la question n'est pas tranchée à ce stade » et nécessite des travaux complémentaires.

« Ce qui est certain, c'est que la nouvelle marque devra comporter quelque chose de commun et d'unique qui permettent aux gens de se retrouver dedans, mais également un aspect territorial soulignant l'appartenance à un territoire, ainsi qu'un logo ou une marque qui soit compatible avec les réseaux sociaux », juge Philippe Delacarte. Un nouveau nom qui ne devrait pas être reconnu avant 2022...

Un calendrier qui court jusqu'à 2023

Désormais, une procédure d'information consultation devrait démarrer d'ici peu et se poursuivre durant deux à trois mois, avant que ne puisse s'amorcer une phase de négociations avec les partenaires sociaux. « Sans compter que le plus compliqué pour eux sera de mettre en place une informatique unique, avec probablement le système de la société générale qui serait choisi. Une telle procédure peut mettre jusqu'à 24 mois », rappelle Ysabel Guadamuro.

Un calendrier qui amènerait les premières synergies à démarrer à compter de septembre 2021, pour se poursuivre jusqu'à 2023. Nul doute que cette période qui s'avérera très probablement cruciale pour l'adoption d'un tel plan, qui représente l'une des concentrations les plus majeures du systèmes bancaire français à l'échelle des dernières années.

Alors que le dialogue ne fait que commencer, les représentants des salariés de la Société Générale ont même pris les devants : « Nous avons déjà adressé un courrier d'information aux salariés pour rappeler que la crise sanitaire ne devait pas être pour l'occasion d'une nouvelle concentration du secteur », met en garde Ludovic Lefebvre, délégué national adjoint CGT à la Société Générale, qui évoque ses craintes quant à la possibilité qu'une telle initiative puisse « ouvrir la boîte de pandore ».

« Cela fait quelques années une forme de consolidation européenne est exigée de la part des pouvoirs publics. Les salariés ne doivent pas en être une victime, cette stratégie doit se faire avec eux », ajoute-t-il.

« On nous annonce quelques détails comme le fait que la Société Générale pourrait se régionaliser un peu plus, mais nous n'avons pour l'instant rien de concret », regrette pour sa part Gilles Boubon, qui estime que « ce n'est pas une fête que de voir disparaître l'étoile bleue », symbole du réseau rhônalpin.

Déjà, les syndicats affirment qu'ils seront là pour négocier les conditions de cette fusion, et « exiger qu'il n'y ait pas de licenciements contraints ». « L'un des enjeux sera celui de la formation car si des agences ferment, que fera-t-on des postes de responsables d'agences par exemple, plus difficilement transférables ? », souligne Ludovic Lefebvre.

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Commentaire 1
à écrit le 08/12/2020 à 11:14
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Ici la banque Laydernier est sur la même place (Carnot) que la SocGen, y aura pas de doublonnage. la Banque Rhône-Alpes, connais pas, j'ai pourtant passé en revue tout ce qui existait dans la ville pour trouver où ouvrir un compte pour la copropriét...

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