Biogaz : " Dès 2030, nous pourrions nous passer du gaz russe avec le gaz vert" (GRDF)

DOSSIER BIOGAZ. En France, le gaz russe pèse 17 % de la consommation, tandis que le gaz d'origine renouvelable ne dépasse pas 1,5%, pourtant la filière gazière avait déjà amorcé, depuis plusieurs années, sa transformation vers le gaz vert. Et les dernières semaines lui ont donné l’occasion d’accélérer encore un peu plus ses ambitions, y compris en Auvergne Rhône-Alpes, où le gestionnaire du réseau de distribution GRDF note une dynamique très forte pour des projets de méthanisation qui fleurissent, un peu partout en région.
Nous vivons actuellement la troisième révolution gazière (...) Aujourd'hui, nous avons des gaziers qui se mettent à parler de sujets extrêmement nouveaux pour eux, comme la valorisation des déchets de cantine, estime Guilhem Armanet, délégué régional de GRDF, pour lequel la région Auvergne Rhône-Alpes est un territoire particulièrement dynamique sur le terrain des projets de méthanisation.
"Nous vivons actuellement la troisième révolution gazière (...) Aujourd'hui, nous avons des gaziers qui se mettent à parler de sujets extrêmement nouveaux pour eux, comme la valorisation des déchets de cantine", estime Guilhem Armanet, délégué régional de GRDF, pour lequel la région Auvergne Rhône-Alpes est un territoire particulièrement dynamique sur le terrain des projets de méthanisation. (Crédits : DR)

« En Auvergne-Rhône-Alpes, nous sommes à peu près dans les mêmes proportions, en matière consommation de gaz russe et de gaz renouvelable, que le reste de l'Hexagone, mais par contre, la dynamique du gaz vert est beaucoup plus forte », annonce Guilhem Armanet, délégué régional de GRDF.

Car après l'arrivée du premier méthaniseur sur le réseau GRDF en 2010, trois ans plus tard, on comptait déjà 13 installations de ce type capables de réinjecter du biogaz, contre 400 aujourd'hui.

Et dans cette montée en puissance, la région Auvergne Rhône Alpes a commencé à se taille une place puisqu'elle a déjà installé 130 de ces méthaniseurs, mais surtout, elle fait face à une croissance jugée exponentielle des projets.

« Nous avons deux à trois méthaniseurs qui viennent se connecter au réseau de gaz chaque semaine à l'échelle nationale, tandis qu'en Auvergne Rhône-Alpes, cela représentera environ une vingtaine d'installations supplémentaires d'ici la fin de l'année », affirme Guilhem Armanet.

Une dynamique qui s'est vue nécessairement accélérée par la crise sanitaire, puis dans une seconde mesure, par la guerre en Ukraine. « Mais la tendance était déjà là », souligne le délégué régional de GRDF.

 « Ce qui est nouveau, c'est que dans une France qui était assez centrée sur une décarbonation via l'électricité, il y a eu une prise de conscience du fait qu'il y a d'autres façons de décarboner. Le réseau de gaz permet en effet de sécuriser la transition énergétique, en ne mettant pas tous nos œufs dans le même panier ».

Une occasion de rappeler qu'à l'heure actuelle, le gaz assurera encore la consommation énergétique d'un logement sur trois (et même d'une maison individuelle sur trois et un appartement sur deux). « En hiver, le gaz contribue plus que le nucléaire pour chauffer les Français. Si on ne transforme pas le gaz, on met alors en péril l'ensemble de notre  système énergétique », fait valoir GRDF.

Une adaptation du réseau existant à réaliser

Côté distribution, Guilhem Armanet se veut rassurant : « Aujourd'hui, le réseau de gaz existe et a déjà été financé : il appartient aux collectivités locales et ne nécessite pas d'investissements jugés très lourds pour se développer ».

Pour autant, le réseau aura toutefois besoin d'être « adapté », en installant par exemple ce qu'on appelle des rebours, qui permettent à un agriculteur produisant du gaz avec son méthanier de pouvoir ensuite le réinjecter au sein du réseau.

« L'adaptation des réseaux gaziers, qui vise à acheminer les gaz verts jusqu'au client final, est estimée à 10 milliards d'euros. Mais ce chiffre est à mettre en regard avec les 250 à 350 milliards d'euros nécessaires sur les seuls réseaux électriques », avance Guilhem Armanet.

En Nouvelle-Aquitaine, on estimait également que 5.900 km d'infrastructures de distribution seraient à créer, ce qui représenterait un accroissement de 20% de la taille du réseau.

« En réalité, des investissements sont nécessaires lorsqu'il faut relier un méthaniseur au réseau car par définition, les réseaux se trouvent aujourd'hui plutôt dans les villes, alors que les méthaniseurs sont localisés plutôt sur des zones plus éloignées. Mais l'investissement est à remettre à l'échelle : on parle de 10 milliards d'euros en comparaison avec 350 milliards pour les réseaux électriques », reprend le directeur régional de GRDF.

Car le gaz vert demeure en réalité issu de la même molécule que le gaz fossile, il n'est donc pas nécessaire de modifier le réseau pour l'accueillir.

Mais pour atteindre la cible des 100% de biogaz à l'échelle nationale, il sera toutefois nécessaire d'installer de nouveaux moyens de production, et notamment des méthaniseurs. Soit là encore, un investissement estimé, à l'échelle nationale, "à 150 milliards d'euros pour une production de 200 TWh de gaz verts relève GRDF, à comparer à 750 à 1.000 milliards d'euros nécessaires sur le système électrique". 

« Ce qui veut dire que dans la transition, on a un mur devant nous, qui doit être franchi collectivement. Et il faut que ce type transition soit également soutenable pour les foyers qui vont devoir payer la note », estime Guilhem Armanet.

Vers une diversification des intrants

Ce développement des unités de méthanisation s'appuiera en premier lieu sur les agriculteurs, mais aussi sur la diversification des intrants, comme la valorisation de gaz issus des déchets ou de différents intrants. « Notre vision, c'est qu'il existe aujourd'hui trois sources principales pour produire du biométhane : les déchets agricoles, les déchets végétaux (tontes de la ville, pelouses, lisier de porc, le fumier des récoltes) ainsi que la méthanisation des boues de stations d'épuration », assure GRDF.

Sur le plan des déchets agricoles, le segment le plus développé, la France a déjà avancé ses pions en misant notamment sur de petites unités de méthanisation « à visage humain », pour une agriculture qui est dimentionnée pour nourrir en premier lieu la population, et non pas les méthaniseurs.

« On peut donc y traiter des déchets végétaux (tontes des pelouses, lisier de porc, fumier, canne des maïs, etc) mais aussi des boues de stations d'épuration. À Lyon, Saint-Fons et Pierre Bénite, deux énormes stations qui vont passer en méthanisation, ce qui est déjà le cas de la Feyssine et aujourd'hui, cette production permet déjà d'alimenter des bus en BioGNV », assure Guilhem Armanet.

Les déchets de l'industrie agroalimentaire sont également une autre source de valorisation possible, dans les Monts du Lyonnais, où l'on récupère déjà des restes de Cochonou pour en faire du gaz renouvelable. « Arrive également désormais une quatrième et nouvelle source d'intrants, que sont les biodéchets : à partir du 1er janvier prochain, une valorisation des déchets des cantines scolaires, hôpitaux, collectivités, Ehpads est prévue et pourront entre aussi bien dans du compost que dans la méthanisation ».

La question du tarif de rachat

Quel sera le modèle d'investissement de demain dans cette nouvelle filière ?

Actuellement, ce sont encore en grande partie les agriculteurs qui ont la charge d'investir directement dans les projets de méthaniseurs sur leurs exploitations. « Mais ils ont besoin d'avoir un modèle économique stable pour convaincre leurs banquiers. Or, c'est une énergie renouvelable qui a avancé plus vite que prévu et qui a même pris le pas sur les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie. Nous sommes au seuil de l'horizon qui nous était fixé pour 2028 », atteste Guilhem Armanet.

Résultat ? Les aides actuelles sont actuellement en train d'être revues pour être réadaptées. C'est par exemple le cas de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui allouait elle aussi une aide aux méthaniseurs en complément de dispositifs prévus par l'Admet par exemple, et « qui est actuellement rediscutée car les premiers objectifs ont été atteints », glisse GRDF.

Frédéric Bonnichon, vice-président délégué à l'environnement de la Région Auvergne Rhône-Alpes, confirme qu'avec 134 méthaniseurs présents en Auvergne Rhône-Alpes, l'enveloppe octroyée depuis le début du premier mandat de Laurent Wauquiez a déjà atteint 37 millions d'euros d'aides publiques, fléchées vers un total de 112 projets.

"Le SRADET (Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) lui-même prévoyait que 10% du gaz régional soit d'origine vert d'ici 2030 : aujourd'hui, nous sommes à un peu plus de la moitié de l'objectif, et nous sommes en train de réétudier les choses pour mettre à jour les objectifs, en prenant en compte d'autres sujets, que sont par exemple la souveraineté alimentaire, ainsi que les aides nécessaires au développement des autres énergies". La Région attend notamment la mise à jour des nouvelles générations de fonds européens pour calibrer ses futures aides à ce sujet.

Au niveau national, un premier pas a été fait avec les certificats de production de biogaz à l'attention des fournisseurs de gaz.

« La loi a prévu que tout fournisseur de gaz sera tenu de porter une offre de méthanisation et d'avoir un pourcentage de gaz vert dans son offre ce qui va tirer d'un coup la filière, sans peser sur les deniers de l'Etat », ajoute Guilhem Armanet.

Mais il manque encore aujourd'hui un tarif de rachat à la hauteur de ces nouvelles énergies : car si la question ne se pose pas dans le cadre d'une consommation en boucle locale, le coût du biométhane est en train de descendre en flèche à mesure que la filière s'industrialise et trouve des économies d'échelle.

« Si bien que l'on se situe aujourd'hui à près de 90 euros le kilowattheure de biométhane et on imagine qu'il puisse encore descendre à 70 euros du mégawattheure. En comparaison, le gaz naturel est plutôt arrivé à 120 euros du mégawattheure aujourd'hui », observe le délégué régional de GRDF, qui ajoute : « En fonction du tarif de rachat, c'est moins rapide aujourd'hui de rentabiliser leur investissement, qui prend en général entre 10 et 15 ans ».

Du remplacement du gaz russe en 2030 à "l'autonomie régionale" en 2050

D'autant plus que les ressources disponibles en Auvergne-Rhône-Alpes sur les différents intrants peuvent s'avérer de taille :

« En 2030, les gaz renouvelables pourraient représenter 20 % de la consommation de gaz française, soit plus que les 17 % de gaz russe importé aujourd'hui en France. Et en 2050, la région Auvergne Rhône-Alpes sera elle-même autonome en termes de production de gaz renouvelables », estime GRDF.

Le potentiel de production de gaz verts à échelle française s'élèverait ainsi à 420 TWh d'ici 2050, soit un gisement largement suffisant pour remplacer l'intégralité de la consommation de gaz fossile par des gaz verts à l'échelle française.

Actuellement, une centaine de projets déposés par des agriculteurs seraient en effet actuellement à l'étude pour un raccordement au réseau de GRDF.

« La Drôme, l'Isère, l'Allier sont trois départements sur lesquels il y a encore beaucoup de marge et qui tirent la dynamique. Aujourd'hui, par exemple dans l'Allier, que vous ne verrez pas beaucoup sur nos cartes de méthaniseurs, par contre, on sait que dans les deux années qui viennent,  plusieurs projets vont émerger en même temps », assure Guilhem Armanet.

Et sur les autres types d'intrants, Pierre-Bénite a déjà acté d'un gros projet XXL qui nécessitera près de 40 millions d'euros d'investissements tandis qu'il existe aussi une autre station, située elle aussi en région lyonnaise à Saint-Fons, et qui pourrait encore voir sa taille doubler voire même tripler.

« Tant qu'il y aura des humains, nous aurons une énergie qui sera renouvelable. Nous vivons actuellement la troisième révolution gazière, après celle du gaz fabriqué avec du charbon, puis celle où on allait rechercher le gaz en Norvège dans des poches souterraines. Aujourd'hui, nous avons des gaziers qui se mettent à parler de sujets extrêmement nouveaux pour eux, comme la valorisation des déchets de cantine », assure le directeur régional de GRDF.

Et d'ajouter : « De plus en plus de collectivités nous amènent cette envie de rentrer d'abord par le déchet, et de faire presque du gaz lui-même un sous-produit issu des déchets... Cela amène ainsi de nouveaux acteurs autour de la table, jusqu'à ce qu'ils assurent même un rôle de producteur ».

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Commentaires 3
à écrit le 23/05/2022 à 10:01
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... un me$$age pour Dame* Bettencourt , " la cousine de l ' oncle Picsou " ...! ( ? ) . L ' Oreal parce que ....... . AFF ISS .

à écrit le 11/05/2022 à 9:37
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Intéressant sous réserve d'en maitriser les contraintes au nombre de deux: que les plantations soient réservées à l'alimentation et pas directement à la production de gaz et que la question des bactéries pathogènes soit réglées.. Ce qui me dérange un...

à écrit le 10/05/2022 à 3:27
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BRAVO. Article tres interessant et montrant e potentiel français de reequilibrer les comptes de la nation. Pourquoi importer du gaz que l on peut produire avec nos dechets ? Tout cela avait ete sacrifie sur l autel du tout nucleaire. La guerre en Ukr...

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