Face au défi du changement de l’échelle, les trois questions qui attendent le nouveau dg de McPhy

Il était attendu, après l’éviction du dg du groupe, Laurent Carme en juillet dernier. La pépite drômoise McPhy, qui se pose depuis 2008 comme l’un des pionniers de l’hydrogène vert, vient d’annoncer la nomination d’un nouveau dg : il s’agit de Jean-Baptiste Lucas, en provenance du groupe néerlandais IPS, spécialiste des technologies d'emballage et qui traduit surtout plus largement un profil expérimenté à la fois en redressement d’entreprise, tout comme dans la gestion de fonderies industrielles. Sa feuille de route visera, sans surprise, à accompagner le changement d’échelle de l’entreprise, après une levée de fonds de 180 millions d’euros à peine digérée et réalisée en une nuit à l’automne dernier, mais aussi un projet de gigafactory à Belfort pour 2024.
La pépite drômoise, qui s'appuie sur des brevets issus de recherches menées au CNRS, change de directeur général en pleine phase d'industrialisation : elle avait en effet annoncé en début d'année la construction d'une gigafactory à Belfort pour 2024, mais également d'une unité de production de plus petite taille au coeur du bassin grenoblois dès 2022.
La pépite drômoise, qui s'appuie sur des brevets issus de recherches menées au CNRS, change de directeur général en pleine phase d'industrialisation : elle avait en effet annoncé en début d'année la construction d'une gigafactory à Belfort pour 2024, mais également d'une unité de production de plus petite taille au coeur du bassin grenoblois dès 2022. (Crédits : Barjane – GBL Architecture)

Jean-Baptiste Lucas, était, depuis janvier 2019, le directeur général du néerlandais IPS, un groupe de technologie d'emballage appartenant à Apollo Management. Et au sein duquel il a dû conduire le redimensionnement et le redressement de l'entreprise.

Si son nom est peu connu du grand public, il aura multiplié les expériences au cours des dernières années, comme en témoigne son CV : Jean-Baptiste Lucas a par exemple travaillé à l'étranger, et notamment à Bahreïn entre 2011 et 2017 pour des fonderies (comme Garmco et Alba) détenues par le fonds souverain du royaume, où il a dirigé notamment la construction de fonderies ainsi que leurs opérations.

Il a avant cela passé près de 13 ans au sein du groupe industriel français Pechiney (actif jusqu'en 2003 dans les domaines de l'aluminium, avant son rachat par le fabricant canadien d'aluminium Alcan), où il assumait notamment les fonctions de directeur général en Suisse, en charge de la division aéronautique, transport et industrie, et auparavant en charge du marketing et des ventes en Allemagne.

Jean-Baptiste Lucas est par ailleurs ancien Conseiller du Commerce Extérieur de la France et diplômé de l'ESCP.

A compter du 18 octobre, il rejoindra donc les rangs de la pépite drômoise McPhy, qui conçoit des solutions de stockage et de production d'hydrogène depuis... 2008. Soit bien avant que l'hydrogène ne soit propulsé sur le devant de la scène comme un facteur clé pour la transition énergétique.

Un retour à une gouvernance dissociée

La nouvelle signe tout d'abord un retour à la dissociation de la gouvernance du groupe, qui emploie une centaine de collaborateurs basés en France, en Allemagne et en Italie, après l'éviction de son précédent directeur général, Laurent Carme, survenue le 12 juillet dernier. A cette occasion, McPhy n'avait pas souhaité expliciter les raisons de ce départ, tout en affichant des ambitions équivoques à son futur patron : le groupe va devoir à l'avenir "allier un haut niveau de satisfaction de ses clients et une performance opérationnelle exemplaire".

Déjà à cette époque, Luc Poyer, qui était passé de la présidence du conseil à des fonctions de PDG de manière temporaire, y voyait là une étape transitoire :

« Comme nous l'avions annoncé en juillet dernier, le groupe a mené un processus de sélection exigeant et ouvert pour le recrutement d'un nouveau directeur général. Jean-Baptiste Lucas bénéficie d'une expérience solide et réussie à l'international, centrée sur le client, dans l'industrie de process, aussi bien à des fonctions de direction opérationnelle d'unités industrielles, de développement et de transformation, qu'à des postes de direction générale d'entreprises en forte croissance au sein de groupes mondiaux », a rappelé Luc Poyer.


Et pour ce nouveau dg, l'ambition est clairement affichée : « conduire, avec les équipes de McPhy, l'industrialisation à grande échelle de l'entreprise et la placer parmi les leaders mondiaux. »

Car depuis 2008, MC Phy dispose d'une innovation de rupture dans le domaine de l'électrolyse alcaline pressurisée, « technologie mature et éprouvée pour les projets hydrogène de grande taille » comme le souligne la société, et qu'elle espère désormais industrialiser à grande échelle.

Etape 1 : le défi du changement d'échelle

Pour son conseil d'administration, Jean-Baptiste Lucas serait donc « l'homme de la situation » susceptible de s'appuyer, entre autres, sur son expertise à la suite du redressement du groupe néerlandais, car l'heure est désormais au changement d'échelle :

Après avoir complété une levée de fonds XXL de 180 millions d'euros à l'automne dernier en une seule nuit auprès plusieurs grands industriels (dont Chart Industries, Technip Energies, aux côtés de ses actionnaires historiques EDF, qui détient 14,4% du capital et Bpifrance, 6%), le fabricant d'électrolyseurs et de stations hydrogène doit désormais dérouler ses ambitions et verser dans le concret.

Il a par exemple annoncé à la fabrication d'électrolyseurs à Belfort (Bourgogne-Franche-Comté) pour 2024, appelée à " jouer un rôle majeur dans le passage à l'échelle industrielle de l'électrolyse, condition indispensable pour que l'hydrogène vert atteigne les objectifs de décarbonation fixés par le gouvernement français et les autorités européennes", rappelait déjà l'entreprise dans un communiqué fin 2020.

Une seconde unité de production a également été annoncée, cette fois "au cœur de la ville de Grenoble" dès 2022.

Second challenge : insuffler une forme de stabilité

Son défi sera (aussi) celui de la stabilité, car en pleine phase de croissance du marché mondial de l'hydrogène, dont les applications liées à la mobilité explosent, ce n'est cependant pas la première fois que les commandes du groupe sont remises en jeu.

En novembre 2019 déjà, Laurent Carme (alors en provenance d'Alstom Renewable, puis de General Electric où il pilotait notamment les activités mondiales de R&D et d'ingénierie pour la branche hydroélectrique) avait succédé au fondateur de la société Pascal Mauberger, qu'il avait contribué à créer avec une équipe issue du CNRS.

Car malgré l'engouement présent sur le marché, McPhy avait cependant reconnu faire face à certaines difficultés face à cette nouvelle phase de développement qui l'attend, et notamment, en mai dernier, à une "une croissance limitée du chiffre d'affaires au 1er semestre", évoquant notamment "l'attentisme de certains acteurs économiques dépendant de mécanismes de financement publics".

Lors de son dernier exercice annuel, le spécialiste de l'hydrogène enregistrait en effet un chiffre d'affaires établi à 13,7 millions d'euros sur l'année 2020, en croissance de 20%, actant également d'un bond de de son carnet de commandes de +75% sur l'année (à 23 millions d'euros).

Mais son niveau de pertes demeurait cependant plus élevé que l'année précédente (à 9,3 millions d'euros, contre 6,3 millions un an plus tôt), en raison entre autres d'une stratégie forte en matière d'investissements marquée par le recrutement de talents, la poursuite du développement de solutions innovantes et l'industrialisation de son offre.

Troisième acte : redresser la barre des commandes

Et les résultats du premier semestre 2021, annoncés fin juillet dernier, n'ont fait que confirmer et appuyer plus sérieusement ce constat, puisque McPhy avait encore à cette occasion doublé sa perte nette (établi désormais à 8,6 millions d'euros sur les six derniers mois, contre 4,3 millions d'euros un an plus tôt), pour un chiffre d'affaires semestriel évalué à 5,2 millions d'euros (contre 5,4 millions d'euros l'an dernier à la même période).

A nouveau, la société affirmait avoir "observé un ralentissement des prises de commandes fermes, du fait en partie du contexte sanitaire mondial et des restrictions y afférentes et de l'attentisme de certains acteurs dépendant de mécanismes de financements publics", tout en soulignant que les perspectives du marché restaient "bien orientées, notamment en Europe".

Objectif que devra désormais incarner et conduire Jean-Baptiste Lucas : miser sur le second semestre 2021 pour atteindre un volume d'affaires "proche de celui constaté à la même période en 2020". Les attentes seront donc fortes, de même que les estimations du marché potentiel, dont certaines évaluations vont jusqu'à chiffrer 8 milliards d'euros sur la période 2020-2030 à l'échelle européenne, rien que sur les plans de la fourniture des stations (hors stockage).

En attendant, le cours de la société en Bourse n'a cessé, lui aussi, de fluctuer : lors de l'éviction de Laurent Carmes, le titre McPhy cédait, à la Bourse de Paris, près de 10% (à 18,19 euros à la mi-journée pour une valorisation de 506 millions d'euros).

Ce mardi, la nouvelle annonce semble avoir eu l'effet inverse et traduit un léger regain de confiance, engageant une petite remontée du cours de l'action à +4,36% ( à 17,03 euros), avec une valorisation globale en recul à 479 millions d'euros.

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Commentaires 2
à écrit le 01/01/2022 à 17:10
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je pense que la Gigafactory a du plomb dans l'aile. Laurent Carme était très liè à Belfort. Jean-Baptiste Lucas beaucoup moins. Une Giga factory dans la basse vallée de L Isère coté Drôme près du siège historique dela Motte Fanjas aurait plus de s...

à écrit le 01/01/2022 à 17:08
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je pense que la Gigafactory a du plomb dans l'aile. Laurent Carme était très liè à Belfort. Jean-Baptiste Lucas beaucoup moins. Une Giga factory dans la basse vallée de L Isère coté Drôme près du siège historique dela Motte Fanjas aurait plus de s...

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