Réutilisation des eaux usées : les agriculteurs de la Limagne vont pouvoir continuer à irriguer

Alors que le monde agricole est en pleine ébullition, c’est une bonne nouvelle pour 55 agriculteurs de la plaine de la Limagne. La Région Auvergne-Rhône-Alpes, en partenariat avec trois autres collectivités dont le département du Puy-de-Dôme, va acquérir 16 hectares de terrain pour permettre à ces exploitants de continuer à irriguer leurs terres grâce aux eaux usées issues de la station d’épuration de Clermont-Ferrand. Coût de l’opération : 2,7 millions d’euros. En contrepartie, les collectivités exigent plus de cultures légumières, des économies d'eau ou un effort sur le bio.
Le site, où se trouvent les bassins de lagunage permettant le traitement des eaux usées, sera racheté par quatre collectivités.
Le site, où se trouvent les bassins de lagunage permettant le traitement des eaux usées, sera racheté par quatre collectivités. (Crédits : DR Christophe Cautier)

La gestion de l'eau, c'est l'un des enjeux majeurs de l'agriculture aujourd'hui dans un contexte de réchauffement climatique avec des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents. Elle fait d'ailleurs partie des problématiques mises en avant ces derniers jours par les agriculteurs mobilisés partout en France.

En Auvergne, 55 agriculteurs sont été précurseurs. Depuis 25 ans, regroupés au sein de l'association ASA Limagne noire, ils irriguent 750 hectares de terres agricoles grâce aux eaux usées issues de la station d'épuration de Clermont-Ferrand.

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Une manière de ne pas prélever d'eau dans le milieu naturel et de valoriser cette ressource. Mais le modèle était menacé. Le site, sur lequel sont situés les bassins de lagunage indispensables pour le traitement de l'eau, était mis en vente par son propriétaire, le groupe coopératif Cristal Union.

« Nous n'avions pas les moyens financiers d'acquérir ces terrains de 16 hectares. Le prix du foncier était trop élevé pour l'association. 2,7 millions d'euros étaient demandés », explique Christophe Cautier, le président de cette association syndicale ASA Limagne noire.

Or les huit bassins de lagunage permettent une dépollution naturelle sans produit chimique, ni traitement mécanique de l'eau. Cette dernière chemine à l'air libre de bassin en bassin dans un cycle de treize jours minimum. Les ultraviolets du soleil permettent le traitement bactériologique, dans le respect de la réglementation française et européenne. Sans ce site, donc, impossible de continuer à utiliser l'eau pour l'irrigation des champs.

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Quatre collectivités engagées

La Région a donc décidé, il y a quelques mois, de porter ce projet et d'acquérir les terrains par l'intermédiaire de l'établissement public foncier local. La convention a été  signée mi-janvier.

 « Ce projet s'inscrit dans notre ambition de faire de notre Région un territoire d'avenir pour l'agriculture. Cet avenir passera par une bonne gestion de l'eau en lien avec l'ensemble des acteurs des territoires, en soutenant les démarches comme celle de l'ASA Limagne Noire, mais aussi en travaillant sur la constitution de réseaux d'eau et de stockage », assure Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui déboursera 1,2 million d'euros pour ce projet.

D'autres collectivités se sont aussi engagées : le Conseil départemental du Puy-de-Dôme à hauteur de 623.077 euros, Clermont Auvergne Métropole (415.385 euros) et Riom Limagne et Volcans (415.385 euros). L'objectif est de mettre à disposition de l'association ces terrains et de leur revendre d'ici trois ans, une fois que le site aura changé de statut.

« Aujourd'hui, le terrain est constructible, mais demain il sera déclassé en zone naturelle agricole. Ce qui fait que l'association nous le rachètera moins cher, environ 50% du prix actuel. Nous aurons donc une moins-value », souligne Christophe Vial, vice-président en charge de l'eau de Clermont Auvergne Métropole. Autrement dit, les collectivités vont subventionner le système.

« Nos cinquante exploitations auraient été en péril »

Il faut dire que pour ces agriculteurs, l'irrigation est devenue indispensable pour sécuriser leurs récoltes de mais, de blé mais aussi de pommes de terre ou d'oignons.

Situées sur la plaine de la Limagne, loin du lac d'Allier principal point d'irrigation dans le département, ces exploitations sont dépendantes de ce dispositif qui alimente leurs cultures grâce à 50 km de canalisations enterrées. 1,2 million de mètres cubes d'eaux usées, issues de la station, ont été utilisés l'an dernier. Mais en 2019, année de forte sécheresse, les besoins ont dépassé les 3 millions de m3.

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« Au commencement, il y a 25 ans, ces eaux issues de la station venaient en appoint, c'était une sécurité, aujourd'hui c'est une nécessité. Car nous avons de plus en plus de gros coups de chaud. Nous sommes aussi souvent contraints d'arroser nos blés en avril. Avant, nous le faisions pas car nous avions des hivers et des printemps plus humides », témoigne Christophe Cautier, qui possède une centaine d'hectares de terres.

Et cet agriculteur d'ajouter : « Sans l'aide financière des collectivités, nos cinquante exploitations étaient clairement en péril. Nous nous serions retrouvés dans une crise catastrophique qui aurait eu de graves conséquences pour le secteur et le territoire. Car la plupart d'entre nous travaille pour une filière locale et la coopérative Limagrain (1.300 agriculteurs adhérents ; 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, ndlr). »

Contreparties exigées par les collectivités

En contrepartie de cette contribution financière, l'ASA Limagne Noire a pris différents engagements pour les dix prochaines années, selon un cahier des charges imposé par les collectivités.

« Nous leur avons demandé d'augmenter la part de la production légumière dans le cadre de notre plan d'alimentation territorial, notamment pour fournir nos cantines scolaires », détaille Christophe Vial de Clermont Auvergne Métropole.

« Ils se sont aussi engagés à accompagner toute conversion vers une agriculture biologique. Il y également un travail autour des économies d'eau. Les agriculteurs sont appelés à poursuivre la transition vers du matériel plus économe en pression et en quantité, afin d'éviter le gaspillage. Même si c'est de l'eau usée, il faut qu'elle soit vraiment utile. Sur ce point, nous leur demandons aussi de s'équiper, si ce n'est pas déjà fait, d'outils de pilotage de l'irrigation, de vérifier par exemple via des sondes si le sol a réellement besoin d'eau », poursuit l'élu.

Projet de réservoirs d'eau 

D'autres agriculteurs de la Limagne se sont déjà manifestés pour devenir adhérents de l'association et bénéficier de cette irrigation. Mais l'installation est au maximum de sa capacité. La pompe et les canalisations ne sont pas calibrées pour accueillir d'autres exploitations, ni irriguer davantage ceux qui font déjà partie du dispositif.

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A quelques kilomètres de là, d'autres agriculteurs de la plaine de Limagne ont décidé, eux, de construire deux réservoirs artificiels d'eau, les plus importants de France à destination de l'agriculture. Ces réserves de 15 à 18 hectares pourraient leur assurer un meilleur approvisionnement en eau afin d'irriguer 800 hectares de cultures. Le projet est en cours. Et tous ces professionnels attendent justement la finalisation du plan eau annoncé il y a plusieurs mois par le gouvernement. Un fonds doté de 20 millions d'euros doit permettre un meilleur stockage de l'eau, une meilleure valorisation des eaux usées, une modernisation des systèmes hydrauliques...

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