Agriculture : l'INRAE mise sur le séquençage ADN dans la course face au changement climatique

Avec son nouveau séquenceur, le laboratoire Gentyane, installé à Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme, peut décrypter plus rapidement et plus efficacement les informations contenues dans l'ADN. L’outil, extrêmement rare, entend aider l’agriculture à s’adapter au changement climatique en caractérisant les variétés les plus résistantes aux maladies ou à la sécheresse.
Le laboratoire Gentyane s'est doté d'un séquenceur ultra rapide qui va permettre d'accélérer les études en vue d'améliorer les variétés de blé ou de tournesol par exemple.
Le laboratoire Gentyane s'est doté d'un séquenceur ultra rapide qui va permettre d'accélérer les études en vue d'améliorer les variétés de blé ou de tournesol par exemple. (Crédits : DR Gentyane INRAE)

C'est la machine de tous les superlatifs. Quinze fois plus rapide, capable de diviser par trois le coût d'un séquençage, avec une marge d'erreur proche de zéro. Le laboratoire Gentyane, rattaché à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), s'est doté d'un outil tout simplement « révolutionnaire » selon les ingénieurs.

Le système appelé « Revio » de Pacific Biosciences (PacBio) est un séquenceur capable de décrypter les informations contenues dans de l'ADN de tous les types d'espèces vivantes (humain, animal, végétal, microbe) en un temps record et générant une plus grande quantité de données.

« Grâce à son débit, nous pouvons accélérer nos études. Il nous fallait par exemple six jours pour séquencer un échantillon de blé. Désormais, cela se fait en huit heures. Ces dernières années, il y a eu d'énormes progrès technologiques. En 2016, dans le projet Investissements d'Avenir Sunrise, pour caractériser un génome de référence de tournesol, il avait fallu 1 an et demi. Plus d'un million d'euros avait été nécessaire. Aujourd'hui, avec cette nouvelle machine, cela nous prend 24h et cela coûte 3.000 euros », explicite Charles Poncet, responsable de la plateforme Gentyane.

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Mais cette machine, extrêmement rare (il n'en existe que deux en France) et sortie en juin dernier, coûte une petite fortune : 800.000 euros. Surtout, sa durée de vie n'est évaluée qu'entre quatre et cinq ans, car les technologies évoluent vite. Elle a été financée grâce au soutien de la Région, dans le cadre du fonds européen de développement régional octroyé par l'Union Européenne.

Aider l'agriculture face au changement climatique

Cet investissement onéreux trouve des applications concrètes dans l'agriculture. Car cette machine participe à l'adaptation des cultures et des élevages face au changement climatique. Ce séquenceur permet d'être plus performant dans la sélection génétique de nouvelles variétés. Le laboratoire Gentyane est d'ailleurs impliqué dans le Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Agrodiv, piloté par l'Etat et doté de 3,3 millions d'euros de financement. Ce projet doit permettre de caractériser et d'exploiter la diversité génétique ancienne des plantes et des animaux d'intérêt agricole, adaptée au changement climatique et à la transition agroécologique.

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 Une manière de répondre aux enjeux actuels de agriculture confrontée à de multiples contraintes entre les aléas météorologiques et les obligations de diminution d'intrants (pesticides, engrais, insecticides).

« A Clermont-Ferrand, nous avons un centre de ressource biologique qui compte 17.000 blés différents et notamment de vieilles variétés. C'est dans cette diversité génétique que nous pouvons trouver des caractères vraiment intéressants, notamment de résistance à certaines maladies ou à la sécheresse. Il est important de caractériser ces génomes, pour mieux les valoriser et les conserver. Nous allons pouvoir orienter des croisements avec les variétés cultivées aujourd'hui, afin de les améliorer », explique Charles Poncet, également ingénieur de recherche en biologie depuis 23 ans.

Cela permet d'accélérer le processus de sélection, et ceci pour de nombreuses espèces jugées d'intérêt agronomique comme le tournesol, le maïs (par ailleurs grand consommateur d'eau), le pois ou encore la lentille.

Dans ce programme AgroDiv, qui doit durer cinq ans, 24 espèces végétales (dont le maïs, le tournesol, le cerisier, le prunier) et autant animales (bovins, truites, ovins) vont être étudiées. Le laboratoire travaille également avec des vignobles de Montpellier, Bordeaux et de Colmar pour développer de nouveaux cépages résistants au mildiou ou à l'oïdium (un parasite).

Exploiter et conserver la diversité génétique

Dans cette course contre la montre face aux bouleversements climatiques, ce nouveau séquenceur trouve donc toute sa place. Ses concepteurs l'ont pensé afin de contribuer à sauvegarder les espèces et subvenir aux besoins alimentaires dans le futur. Depuis juin, la machine a déjà séquencé une centaine d'échantillons.

« Nous travaillons aussi sur les espèces animales, par exemple les poissons. Avec le réchauffement des eaux, nous assistons à l'apparition de maladies entraînant une mortalité plus importante dans les élevages ou les milieux naturels. Nous pouvons ainsi orienter les croisements pour sélectionner les poissons les plus résistants », continue Charles Poncet.

Laboratoire ouvert vers l'extérieur

Et la technologie de pointe de ce nouveau séquenceur est au service du plus grand nombre, se félicite la plateforme Gentyane, composée d'une quinzaine d'ingénieurs, techniciens et chercheurs. Car la particularité du laboratoire est d'être ouvert vers l'extérieur. Il collabore avec 350 autres laboratoires français publics, qui lui confient des projets d'études, comme l'IFREMER, le CNRS, l'INSERM ou encore des universités.

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Gentyane travaille aussi avec des entreprises privées et notamment Limagrain, quatrième semencier mondial, installé également dans le Puy-de-Dôme. Chaque année, le laboratoire participe à plus de 250 projets et son expertise est reconnue mondialement. Il est déjà intervenu dans 27 pays à travers le monde.

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