(article publié le 20 mars à 9:00, actualisé à 18:30)
Le tribunal de commerce de Paris acte le placement en redressement judiciaire de l'usine amiénoise de Metabolic Explorer (Metex), spécialisée dans la fabrication d'acides aminés. La date limite de dépôt des offres a été fixée au 6 mai à midi, afin de trouver des repreneurs ou investisseurs.
Le tribunal doit encore se prononcer, lundi, sur la procédure de sauvegarde concernant la maison-mère de la biotech et sur le placement en redressement judiciaire de l'autre usine du groupe, située à Carling en Moselle. L'avenir des deux sites de production (filiales opérationnelles Metex Noovista et Metex Noovistago) qui emploient 330 salariés est clairement en jeu. Grâce à ces procédures, le groupe, dont le siège social se situe à Saint-Beauzire près de Clermont-Ferrand (90 emplois), espère gagner du temps afin de surmonter une période difficile.
Enjeu de souveraineté alimentaire
Peu connue du grand public, cette entreprise produit et commercialise pourtant des ingrédients qui entrent dans la fabrication de produits de grande consommation. Elle avait même l'ambition de devenir un leader des ingrédients produits par fermentation destinés aux marchés de la cosmétique, de la nutrition animale et des biopolymères.
Créée en 1999, Metex a développé plus de 450 brevets autour des biotechnologies, essentiellement tournées vers la mise au point de procédés industriels durables grâce à la fermentation bactérienne.
« Metex est ensuite passée à l'industrialisation de ses technologies, avec la construction d'une usine en Moselle qui fabrique du PDO (1,3 propanediol, ndlr) selon un procédé de fermentation de matières premières végétales unique au monde. Cet ingrédient est utilisé pour la conservation des crèmes de soin en cosmétique et pour la fabrication de polymères élastiques en chimie », détaille Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint du groupe, coté sur Euronext.
Et le dirigeant de poursuivre : « Une deuxième usine a été acquise dans la Somme, dédiée cette fois à la fabrication d'acides aminés dont la lysine qui entre dans la fabrication de la nutrition animale. Cela permet de développer les muscles de la volaille ou des porcs notamment. »
L'entreprise de chimie verte revendique une production biosourcée, bas carbone et offrant une traçabilité totale. « Surtout nous sommes positionnés au cœur des enjeux de souveraineté alimentaire. Il n'y a que deux sources de lysine, nous et la Chine », poursuit le dirigeant.
Dumping chinois
Mais voilà, le groupe est confronté depuis plusieurs mois à un environnement économique plus que compliqué. Comme en témoigne son chiffre d'affaires, en forte baisse. De 226,5 millions d'euros en 2022, il devrait s'élever pour 2023 entre 130 et 140 millions d'euros.
« Nous avons fait face à deux tsunamis parallèles. La guerre en Ukraine a eu un fort impact sur le prix de l'énergie et surtout sur le cours du sucre. Or le sucre entre pour moitié dans le coût de fabrication des acides aminés dont la lysine. Nous avons perdu toute rentabilité et avons dû faire face à une restructuration financière en 2022. Notre résultat était de - 48 millions d'euros », explique Rudolph Hidalgo.
Mais le deuxième coup de semonce est venu d'Asie. Alors que 2023 devait être l'année du rebond, il a plongé l'entreprise dans une crise. « Les producteurs chinois ont accentué la saturation du marché avec leur lysine qu'ils n'ont pas pu écouler dans leur pays, à cause d'une grippe aviaire et porcine. Ils ont alors inondé l'Europe avec des prix bien inférieurs à leurs coûts de production, ce qui a déséquilibré le marché. Mais il faut comprendre que le modèle économique de Metex est viable, qu'il y a un marché et des débouchés. Nous sommes simplement confrontés à des problèmes exogènes à l'entreprise », continue le dirigeant.
Activité partielle depuis le début de l'année
C'est pourquoi Metex en appelle, depuis plusieurs mois, aux pouvoirs publics. L'entreprise demande notamment une réflexion sur une protection des frontières européennes, face à des produits asiatiques qui ne respectent pas les mêmes règles. Elle souhaite une procédure anti-dumping et attend, en parallèle, de Bercy une solution sur le sucre.
« Il faudrait la mise en place d'un mécanisme qui puisse nous permettre d'avoir accès à un sucre compétitif, en clair avoir un prix industriel proche du cours mondial. Nous avons des discussions avec l'Etat sur le sujet. Sans cela, il sera difficile de maintenir les emplois et sauvegarder l'outil industriel. Le risque est réel », s'alarme Rudolph Hidalgo, nommé en novembre dernier pour accompagner l'exécution du plan de transformation du groupe.
Les procédures devraient donner du temps à l'Etat pour apporter des solutions, veut croire l'entreprise qui reconnaît, en revanche, n'avoir aucune garantie. En attendant, l'activité se poursuit même si des mesures d'activité partielle ont été enclenchées depuis le début de l'année. Elles viennent même d'être renouvelées pour trois mois sur le site d'Amiens.
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