C'est par une communication bien rodée que Veolia révèle, le même jour que ses résultats semestriels, l'obtention d'un contrat de 100 millions d'euros avec la Métropole de Lyon. Un contrat particulièrement symbolique, un peu plus d'un an après avoir officiellement perdu la gestion du réseau d'eau potable du Grand Lyon, que la collectivité écologiste avait souhaité faire évoluer sous la forme d'une régie publique, sous la houlette de son président, Bruno Bernard.
Cette fois, c'est un autre sujet qui est en jeu : la gestion et la modernisation de la station d'épuration de Saint-Fons (Rhône), installée au cœur de la vallée de la Chimie qui traite les eaux usées de l'Est lyonnais. Et qui constitue un maillon essentiel de l'assainissement des eaux, comme le rappelle Jean-François Nogrette, directeur général de Veolia France :
« C'est un ouvrage historique et essentiel à la qualité de l'eau pour Lyon. C'est l'une des trois stations les plus importantes de Lyon, avec celle de Pierre-Bénite, et cela en fait l'une des plus grosses unités françaises ». Preuve en est, sa capacité de traitement des eaux s'élève à un million d'équivalent habitants.
Ce contrat offrira ainsi à Veolia l'occasion de combiner sa triple expertise : eau, déchet et énergie. Une stratégie que porte ouvertement l'entreprise depuis fin février, date à laquelle elle a présenté son programme de développement 2024-2027, nommé GreenUp. Et dans lequel elle insiste sur sa volonté d'accélérer le déploiement de solutions concrètes en lien avec la transformation écologique.
« Dans les demandes de l'appel d'offres, il y avait des enjeux de rapport qualité-prix après cette période d'inflation. On doit, et c'est tout le savoir-faire qu'on développe au sein du plan stratégique GreenUp, combiner nos trois métiers pour réussir à atteindre la transformation écologique nécessaire et une performance économique qui permette de réaliser cette transformation. Le cahier des charges et la demande du politique, qui sont les éléments directeurs, se prêtaient à notre stratégie avec des innovations qui étaient adaptés à Saint-Fons ».
Moderniser la STEP grâce à l'intelligence artificielle
Concrètement, Veolia annonce vouloir réduire la consommation en électricité de l'ouvrage de 15%, celle de gaz de 72%, celle d'eau de 10% et celle des besoins en additifs chimiques de 50%. Des montants loin d'être négligeables pour des ouvrages connus pour être très consommateurs d'énergie.
Reste à savoir comment la multinationale française compte s'y prendre ? La modernisation, répond le directeur France de Veolia. Car l'ouvrage date de 1977 et se trouve donc en activité depuis presque 50 ans.
« On développe des innovations technologiques et notamment, une solution d'intelligence artificielle, détaille le directeur France de Veolia. L'intelligence artificielle va améliorer et optimiser tous les gestes que vont réaliser les équipes, en les aidant sur des réglages effectués très régulièrement et de manière manuelle ».
A cet outil s'ajoutera également la révision de certains réglages et la mise en place de la régulation digitale. « Cela n'existait pas à l'époque de la construction de l'ouvrage. Grâce à ces améliorations, l'outil va retrouver une forme de jeunesse et de productivité qui permettra d'améliorer l'efficacité énergétique et hydrique et de répondre aux nouvelles normes environnementales ».
Réutiliser les eaux usées et l'énergie locale
L'empreinte carbone du site sera également réduite grâce à la récupération de la chaleur fatale des deux fours d'incinération tandis que la grande majorité des dépenses énergétiques (90%) sera couverte par l'énergie produite par les unités de valorisation énergétique des déchets de Veolia.
« Un ouvrage comme celui-ci est consommateur d'énergie. Nous avons réalisé un accord commercial, un contrat d'achat d'électricité, entre des activités de l'eau et le monde du déchet, détaille Jean-François Nogrette. Ce sont finalement les déchets français qui vont devenir l'énergie de la station d'épuration ».
Une solution qui trouve un autre intérêt : la stabilité des prix. Ainsi, « nous ne sommes pas liés aux aléas géopolitiques et du marché des matières premières, ce qui offre une certaine souveraineté et une stabilité forte des coûts. Cela permettra d'avoir des prix prévisibles ».
Veolia entend également s'appuyer sur la réutilisation des eaux usées in situ afin de répondre à divers besoins, comme la préparation des produits chimiques.
« Ce sont des éléments de modernité que l'on a souhaité apporter dans notre offre pour qu'un ouvrage historique comme Saint-Fons bénéficie des dernières technologies », conclut Jean-François Nogrette.
Ces éléments devraient être déployés dans les 12 à 18 mois, mais quelques projets pourraient nécessiter des travaux supplémentaires et demander plus de temps, comme la récupération de la chaleur.
La société souhaite également « aborder la stratégie du retour au sol », en facilitant le retour d'une partie des boues en amendement organique agricole, c'est-à-dire, un substitut aux engrais azotés dans le monde agricole. Une solution permise, selon Jean-François Nogrette, car « les éventuels effluents d'origine industrielle sont largement traités par ces acteurs en amont ».
Une fois modernisée, cette station d'épuration sera une « vitrine » pour Veolia. « A ma connaissance, en termes de digitalisation et d'énergie territoriale au défi de l'énergie, ce sera une première », résume t-il.
Hors dossier, les Pfas mis en avant dans la candidature
Le sujet des polluants éternels (PFAS) s'est également invité dans la candidature de Veolia. Si le sujet ne fait pas directement partie de l'appel à projets, le directeur France de l'entreprise reconnaît néanmoins que la multinationale a mis en avant son savoir-faire sur ce sujet dans son dossier de candidature.
« Veolia a présenté toutes les solutions qu'elle a pu déjà mettre en oeuvre concernant les PFAS. Cela ne fait pas partie du marché mais on a souhaité montrer qu'on peut apporter des solutions d'un point de vue plutôt assurantiel. Au cas où » , justifie le directeur France de Veolia.
Une compétence acquise grâce à l'étranger. « La réglementation est déjà en vigueur dans les pays anglo-saxons depuis longtemps. Une partie de notre R&D sur le traitement in situ dans le monde de l'eau se déroule plutôt outre-Atlantique, alors qu'on fabrique plutôt nos membranes en Europe. Avant même que la règlementation ne l'exige, nous avons effectué des prélèvements relatifs aux PFAS sur l'ensemble de nos contrats en France pour tester la qualité de l'eau potable. Elle reste complètement potable. Par contre, nous sommes encore dans l'incertitude pour les eaux usées », admet-il.
Ce qui a poussé la société à développer et breveter des solutions à la fois pour retenir les perfluorés et gérer leur fin de vie. Reste à savoir si et quand elles seront déployées sur ce site.
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