Sept jours après le spectaculaire éboulement qui a pris de court les habitants comme les collectivités, emportant en même temps une portion de la route départementale D1532 très fréquentée entre Grenoble (Isère) et Valence (Drôme), les services de l'Etat sont toujours à pied d'oeuvre.
Car si les premières recherches n'ont toujours, à ce jour, « rien donné qui ne laisse penser que des victimes pourraient se trouver sous les décombres », la sécurisation et les premières études de terrain sont loin d'être gagnées.
Car depuis jeudi dernier, le site qui aurait accueilli près d'un million de mètres cubes de terre, de roches et de gravats, selon les dernières estimations du Département de l'Isère, est toujours considéré comme instable et fait l'objet d'un arrêté préfectoral interdisant l'accès au site.
« Pour l'instant, nous n'avons pas de piste pour la stabilisation de cet éboulement, qui est toujours actif. Même si ce n'est pas dans les proportions que nous avons connues la semaine dernière, des blocs continuent à descendre de la falaise », s'inquiète Bernard Perazio, vice-président en charge des routes au Département de l'Isère, joint par La Tribune, et qui coordonne une cellule d'urgence mise en place suite à cet incident au sein de la collectivité.
« Nous avons la chance d'avoir en interne, au sein du Département, une équipe composée de géologues et de techniciens, mais leur travail est rendu beaucoup plus complexe par le fait que l'on ne peut toujours pas travailler sur la zone ». Du côté de la Préfecture de l'Isère, on confirme également que tout échéancier reste complexe à établir, en raison de l'instabilité des masses rocheuses qui persiste sur le terrain. Le préfet de l'Isère a d'ailleurs établi un arrêté interdisant toute circulation, que ce soit à pied ou en véhicule, sur et à proximité de la zone de l'éboulement.
Un possible déplacement de la future Départementale ?
Quelques jours plus tôt, l'élu départemental avait d'ailleurs commencé à soulevé une piste auprès de la presse locale, qui consisterait à étudier un possible déplacement de l'actuelle départementale, qui suivait jusqu'ici de près la falaise du Vercors, de quelques mètres supplémentaires vers le fleuve de l'Isère. « Mais nous n'en sommes pas encore là, puisque nous ne pouvons actuellement pas réaliser des études complètes qui étaieraient tel ou tel scénario », rappelle Bernard Perazio, qui souhaite se montrer plus que jamais prudent.
Jusqu'ici, les premières mesures - réalisées au moyen de vols de reconnaissance par drones et avions principalement - ont simplement permis aux services du Département de démarrer de premières modélisations. Mais rien n'est encore joué, tant que le site n'est pas considéré comme « sécurisé » de toute chute imminente de blocs rocheux.
« Nous étudions actuellement une option qui consisterait à drainer des poches d'eau afin d'assurer la continuité hydraulique et sortir l'eau qui peut encore stagner aujourd'hui au coeur des remblais du site de l'éboulement, car l'on sait qu'un ruisseau est toujours prisonnier de ces remblais », évoque l'élu, qui rappelle en même temps les importantes précipitations enregistrées au cours des derniers mois sur ce secteur, et qui auraient pu, selon les premières constatations, fragiliser cette falaise du massif du Vercors.
Un épisode qui intervient seulement quelques semaines après les crues torrentielles qui avaient également ravagé le village de la Bérarde, dans le massif de l'Oisans lui aussi situé en Isère.
Des déviations... et l'option de l'autoroute
Une autre course contre la montre qui est également sur le point de s'engager : celle de l'accessibilité de la rive gauche de cette vallée, qui relie les communes du bassin de Saint-Marcellin et du Royans à l'agglomération grenobloise et au secteur de Moirans (Isère).
« En temps normal, la route départementale qui est aujourd'hui coupée était un axe majeur (entre Valence et Grenoble, ndlr) qui accueillait en moyenne 7.000 véhicules par jour aller-retour. Aux côtés des maires de la communauté de communes de Saint-Marcellin Vercors Isère, nous avons donc engagé un travail de lobbying auprès de l'Etat et de la société d'autoroute AREA pour trouver une solution en vue de la rentrée scolaire qui s'annonce », rappelle Bernard Perazio.
Car aujourd'hui, les premiers arrêtés préfectoraux signés par le préfet de l'Isère consistent en un report des circulations sur la rive droite et ses communes de Tullins et Vinay pour les véhicules légers, qui accueillent déjà plusieurs milliers de véhicules et de déplacements pendulaires quotidiens. Les poids lourds sont quant à eux contraints de prendre l'autoroute et notamment l'A49.
« Nous interpellons l'ensemble des services de l'Etat, via la préfecture mais aussi les parlementaires du secteur, pour mettre le paquet afin de trouver des solutions car nous craignons des difficultés sociales pour les habitants qui travaillent sur Grenoble, et qui risquent d'avoir à la rentrée scolaire une surenchère en carburant et en péage », ajoute le vice-président du Département de l'Isère. Selon ses calculs, les 17 kilomètres qui relient la commune de Tullins à Vinay représenteraient un coût de 1,80 euros par aller pour un véhicule de tourisme : soit une facture supplémentaire de 3,6 euros par jour, et de 72 euros par mois.
Contactée, la Préfecture de l'Isère souligne que ce sont effectivement les communes concernées qui devront saisir ensemble la société AREA et le ministère des Transports pour une telle demande, même si le préfet suivra également le dossier.
Les tractations débutent avec la société AREA
Une pétition lancée par des usagers sur les réseaux sociaux et relayée par nos confrères du Dauphiné Libéré aurait par ailleurs déjà rassemblé plus de 430 signatures afin de demander la gratuité de l'autoroute A49 entre les communes de Vinay et Tullins.
« Nous avons déposé dès vendredi dernier une demande de gratuité sur la portion Vinay-Tullins auprès d'AREA et de l'Etat, nous attendons maintenant de premiers retours », assure à La Tribune Philippe Rosaire, maire de Vinay et second vice-président eau et assainissement de la communauté de communes Saint-Marcellin Vercors Isère (qui regroupe 47 communes et près de 45.000 habitants). D'autres pistes vont également être à l'étude comme le fait de favoriser le covoiturage.
« Il est très compliqué d'estimer aujourd'hui encore l'impact de cet événement, car il nous impacte dans les deux sens, avec à la fois les personnes qui vont travailler dans l'agglomération de Grenoble, et celles qui viennent travailler sur notre territoire et qui font vivre notre économie. Nous avons par exemple le cas emblématique de l'entreprise Depagne qui est actuellement coupée en deux car elle possède un site à la Rivière, et un autre de l'autre côté de l'éboulement, à Saint-Gervais, ce qui complexifie grandement ses opérations », reprend le vice-président de Saint-Marcellin Vercors Isère, qui pointe également des conséquences sociales pour les habitants qui devront effectuer régulièrement des détours de 30 kilomètres pour leurs déplacements quotidiens.
« Il faut que l'on trouve une solution », résume Bernard Perazio, qui sait que de longs mois attendent à présent le Département pour sécuriser puis ensuite entamer les travaux de déblaiement de la D1532.
Contactée, la société AREA affirme qu'il est à ce jour trop tôt pour répondre à ce sujet.
Mais il existe déjà des précédents : le même type de dialogue avait par ailleurs été engagé avec les services de l'Etat et la société AREA, lors de l'incendie du pont de Brignoud, de l'autre côté de l'agglomération grenobloise, qui concernait jusqu'à 22.000 allers-retours quotidiens réalisés par les usagers. Aucun accord n'avait cependant pu être trouvé durant les premiers mois de travaux pour le rétablissement des circulations sur ce pont, très emprunté dans la vallée du Grésivaudan pour rejoindre notamment l'un des bassins de la microélectronique grenobloise, malgré les appels du pied des différentes collectivités.
En Savoie, de récentes discussions entre la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) et le Département de Savoie avait permis de trouver un accord instaurant la « gratuité » pour les automobilistes détenteurs de véhicules classés 1, 2 et 5 qui empruntent la portion d'autoroute située entre Saint-Michel-de-Maurienne et Modane, à la suite de l'éboulement de la falaise de la Praz, qui a emporté la voie ferrée et la route départementale 1006 en août 2023. Le tout pour une enveloppe de 600.000 euros, compensée par le Département de la Savoie, mais qui demeurerait en-deçà du tarif habituel payé par les usagers.
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