Comment les territoires doivent bénéficier de la prolongation de concession du Rhône

En contrepartie de l'exploitation du fleuve du Rhône pour la production d'électricité, la Compagnie Nationale du Rhône répond à des exigences en termes de réinvestissement de l'argent dans les territoires. Le projet de prolongation de la concession du fleuve auprès de la CNR prévoit des investissements encore supérieurs.

L'attribution à la Compagnie Nationale du Rhône - concepteur et exploitant des centrales hydroélectriques, barrages et écluses sur le fleuve - de la concession du Rhône arrive à son terme en 2023. L'Etat souhaite prolonger cette exploitation jusqu'en 2041, toujours auprès de la CNR, avec de nouvelles exigences en matière de missions d'intérêt général.

Créée spécifiquement pour répondre à ces missions de production d'hydroélectricité, de gestion de la navigation et l'irrigation sur le fleuve, la Compagnie Nationale du Rhône porte la concession du Rhône depuis 1934. L'entreprise, dont le siège est basé à Lyon, compte environ 1370 collaborateurs. Premier producteur français d'énergie exclusivement renouvelable (hydraulique, éolien et photovoltaïquel), la société est structurée autour d'un actionnariat public/privé : le groupe Engie (49,97%) le groupe Caisse des dépôts (33,20%) et les collectivités territoriales (16,83%). Son chiffre d'affaires net pour l'année 2018 s'élève à environ 600 millions d'euros.

Bien que la législation française et européenne concernant les concessions prévoit désormais une mise en concurrence des acteurs de l'électricité à l'échéance du contrat, des exceptions sont possibles afin de prolonger cette concession auprès du même prestataire.

"Du fait de la nationalisation de la production d'électricité après-guerre, EDF a assumé la production d'électricité entre 1948 et 2001. La CNR a poursuivi l'aménagement du Rhône durant cette période. Cette nationalisation correspond à des 'circonstances imprévisibles' au sens du Droit des concessions, qui constitue un des cas où un contrat peut être prolongé" justifie l'Etat, via le ministère de la Transition écologique et solidaire, dans le dossier de concertation du projet.

Dans le cadre de cette exception historique, l'Etat propose de prolonger la concession du Rhône à la CNR de 18 années, soit jusqu'en 2041.

"La concession a été initialement attribuée pour 75 ans à compter de la date de mise en service du premier ouvrage hydroélectrique, la centrale de Génissiat, en 1948 [...]. La durée de la prolongation envisagée a été déterminée de manière à assurer une durée moyenne d'exploitation de 75 années à chacun des 18 ouvrages (situés sur le Rhône, ndlr)".

Pour une cohérence dans l'exploitation du Rhône et dans la volonté d'homogénéiser sa gestion, le domaine concédé serait également agrandit pour atteindre 550 km de fleuve, soit 80 km supplémentaires par rapport au périmètre actuel.

Des travaux obligatoires pour 500 millions d'euros

Afin que cette prolongation ne constitue pas une aide d'Etat pour la CNR, elle doit être "équilibré et neutre financièrement" pour le concessionnaire. Aussi, des investissements supplémentaires, obligatoires et encadrés dans un programme d'études et de travaux sont prévus, en plus des investissements de maintenance des installations. Leurs objectifs : poursuivre les aménagements pour l'hydroélectricité et la navigation, le tout dans le contexte du changement climatique qui pourrait induire l'augmentation des températures en vallée du Rhône, la diminution des pluies, un risque d'intensification des phénomènes climatiques extrêmes, l'assèchement des sols, etc.

Le projet prévoit, entre autres, l'analyse de faisabilité d'un nouvel aménagement hydroélectrique en amont du confluent de l'Ain, sur la commune iséroise de Saint-Romain-de-Jalionas.

La construction de cinq petites centrales hydroélectriques en Drôme, Ardèche et dans le Vaucluse est aussi au programme, afin de combiner production d'énergie renouvelable et contribution à la continuité piscicole. Au total, ces aménagements représentent un investissement de 500 millions d'euros.

Vers une redevance variable

De plus, la redevance versée par la CNR à l'Etat chaque année (actuellement fixée à 24% de son chiffre d'affaires) deviendrait variable, comptabilisée par tranche avec un taux progressif (à l'image du barème de l'impôt sur le revenu).

"Si les prix de l'électricité augmentent, les recettes de vente de l'électricité augmenteront également et le taux prélevé augmentera, pour aller jusqu'à 80% des ventes additionnelles en cas de fortes hausses".

Depuis 2003, cette redevance représente un cumul de 1 610 milliards d'euros versés à l'Etat, selon les chiffres du dossier de projet de prolongation.

Des missions d'intérêt général renforcées

Depuis 2003, la CNR réalise des missions d'intérêt général sur ses trois domaines historiques d'intervention (l'hydroélectricité et autres usages énergétiques, la navigation et le transport fluvial, l'irrigation et les autres emplois agricoles), ainsi que sur la préservation de l'environnement (restauration hydraulique et écologique des milieux naturels, restauration de l'axe de migration et des connexions piscicoles, gestion et valorisation des milieux naturels du domaines concédé) et l'aménagement des territoires du Rhône (amélioration des cadre de vie, valorisation économique, agricole, touristique, culturelle patrimoniale, accompagnement d'initiatives locales).

Ce schéma sera renforcé "afin de mieux encadrer le rôle du concessionnaire en tant qu'aménageur de la vallée et partenaire des acteurs locaux". Par période de 5 ans, la CNR devra investir 160 millions d'euros. Ces plans pluriannuels seront validés par l'Etat.

Depuis la mise en oeuvre de ce schéma directeur en Vallée du Rhône, 500 projets ont mobilisé 431 millions d'euros d'investissement.

Une concertation jusqu'à fin juin

Une concertation publique doit permettre d'exposer ces enjeux économiques, sociaux et environnementaux à la population. Organisée par le Ministère de la transition écologique et solidaire, elle est encadrée par la Commission nationale du départ public (CNDP), autorité administrative indépendante.

Le garant de cette concertation, Jacques Archimbaud, veillera à la "sincérité et au bon déroulement de cette concertation, à la transparence et la clarté de l'information, l'expression de tous et l'argumentation des opinions".

Ouverte depuis le vendredi 19 avril, la concertation se poursuit jusqu'au 30 juin, période durant laquelle plusieurs ateliers thématiques et réunions territoriales sont prévus.

"Deux mois et demi de concertation, c'est une période convenable pour que les acteurs et la population puissent s'exprimer," juge Jacques Archimbaud.

La population sera amenée à s'exprimer sur la pertinence du programme de travaux et orientations fixées dans le schéma directeur, sur leur ressenti concernant les priorités et les usages de l'eau indiqué dans le projet de prolongation, sur le nouveau mode de calcul de la redevance, ou encore la cohérence de ces priorités avec les autres politiques publiques.

Aucun tabou

En tant que concessionnaire, la CNR n'a en théorie pas de possibilité de s'exprimer durant la période de consultation. Cependant, il est probable que durant les réunions territoriales, elle soit représentée pour présenter son bilan.

"Il ne faut pas que la CNR s'exprime sur l'opportunité même du prolongation de la concession du Rhône. Mais elle pourra faire part de son retour d'expérience. Je redoute surtout qu'elle ne s'exprime assez," déclare le garant de la concertation.

Contactée, la CNR assure qu'elle sera bien présente pour "répondre aux questions éventuelles qui pourraient [lui] être posées sur les différentes actions menées dans le cadre de ses missions actuelles".

La question de conserver la Compagnie Nationale du Rhône comme concessionnaire n'est pas à l'ordre du jour, mais les habitants pourront poser toutes les questions qu'ils souhaitent.

"L'argent ne sera pas un sujet tabou" avance Jacques Archimbaud, évoquant le modèle économique de la Compagnie nationale du Rhône, société anonyme d'intérêt général à capitaux majoritairement publics.

"On ne peut pas empêcher les gens de se demander si le modèle économique tourne, quelle part revient aux actionnaires, qui gagne et perd de l'argent sur cette entreprise singulière... En revanche, il faut rappeler que la concertation ne remet pas en cause la gouvernance de la CNR."

A l'issue de cette période de concertation, Jacques Archimbaud rendra un rapport mettant en exergue les points de vigilance, d'alerte voire de contestation. Le maître d'ouvrage, soit l'Etat, pourra répondre à ce bilan en septembre 2019.

Après avis de l'autorité environnementale puis consultation des collectivité en 2020, un décret du conseil d'Etat sur la prolongation de la concession est prévu pour la fin 2020.

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