Usine Ferropem : trois dossiers de reprise toujours à l'étude, dont celui de l'aciériste Ugitech

Le dossier avait rebondi durant plusieurs mois avant de se terminer par un plan social, validé en mai dernier. Alors qu'une portion des salariés ont déjà retrouvé un emploi, les discussions se poursuivent concernant l'avenir du site Ferropem de Chateau-Feuillet (Savoie), dernier fabricant de dérivés du silicium à l'échelle européenne. Le ministère de l'Industrie avait insisté auprès de la direction du groupe Ferroglobe pour que la vocation industrielle du site soit préservée : ce sont désormais trois projets de reprise qui sont sur la table, dont l'un conduit par l'industriel savoyard Ugitech (filiale du groupe Swiss Steel Group) qui vise à bâtir une aciérie circulaire.
(Crédits : DR/ML)

Jusqu'à l'issue de plusieurs mois de négociations, l'Etat français et le cabinet de l'ex-ministre de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, avaient maintenu la pression sur l'avenir industriel du site Ferropem de Château-Feuillet (Savoie), qui employait jusqu'ici 256 salariés.

Car l'avenir du dernier fabricant de dérivés du silicium à l'échelle européenne était devenu un dossier jugé hautement stratégique pour l'industrie française.

Et même si le couperet est tombé en mai dernier, avec la validation du plan social (PSE) qui concernait l'ensemble des salariés, le combat ne se voulait pas tout à fait perdu : la direction de la maison-mère, l'américano-espagnol Ferroglobe, avait accordé cinq mois additionnels à la recherche d'un possible repreneur, comme le souhaitait l'Etat français.

Et ce délai pourrait même être abondé de quelques semaines, car depuis le mois d'octobre dernier, les candidats à la reprise de ce site, qui comprend plusieurs fours industriels ainsi qu'un accès routier et ferré situé en plein coeur de la Tarentaise (Savoie), sont désormais passés d'une demi-douzaine à seulement trois dossiers beaucoup plus resserrés.

Trois dossiers de reprise à l'étude

Avec parmi eux, deux propositions jugées particulièrement intéressantes :

« Nous avons reçu deux offres fermes et une troisième qui est arrivée plus tardivement, mais qui a retenu toute l'attention de Ferropem et des représentants du personnel car elle nous paraissait très intéressante. Nous avons donc demandé à la direction d'accorder un peu plus de temps pour étudier cette troisième proposition et pouvoir avancer », confirme à à La Tribune le secrétaire du comité central et élu CGT, Mustapha Haddou.

Si aucun des trois dossiers ne correspond désormais à l'ancienne activité du site, qui consistait à produire des dérivés du silicium pour les secteurs du bâtiment notamment, « nous restons sur des projets à vocation industrielle », confirme le représentant des salariés. Une donnée sur laquelle le cabinet de l'ex-ministre de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, avait mis un point d'honneur à faire respecter, lors de ses discussions avec le groupe Ferroglobe.

« L'un des deux repreneurs est déjà implanté sur la circonscription et représente industriel solide, sérieux et qui fait plutôt consensus, tandis que le second est un acteur plutôt régional », soulignait pour sa part le député de la 2e circonscription de Savoie, Vincent Rolland, qui a déjà échangé avec le cabinet du ministre de l'Industrie, Roland Lescure, à plusieurs reprises depuis sa nomination en juillet dernier. « Notre dernier échange remonte à un bon mois, et j'avais souligné qu'il fallait demeurer vigilant sur ce dossier afin de voir dans quelles conditions il était possible d'assurer l'emploi et la pérennité industrielle du site. »

Car au coeur de ce dossier, se trouve toujours des installations d'une dizaine d'hectares et déjà raccordées pour répondre aux besoins d'un industriel « hyper-électrointensif », et que personne sur place ne veut voir devenir une plateforme de services ou de logistique. Mais aussi des « savoir-faire » ancestraux, hérités d'un centenaire d'histoire industrielle cultivé au coeur du bassin de la vallée de la Tarentaise.

Le projet Ugi'Ring du premier employeur de Savoie, Ugitech

Depuis ce mardi, on sait que le repreneur local pourrait être l'aciériste Ugitech, situé à une trentaine de kilomètres de Château-Feuillet, à Ugine (Savoie). L'aciériste, filiale du groupe Swiss Steel Group, émarge au rang de premier employeur privé de la Savoie avec 1.800 salariés et 675 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Particulièrement touché cette année par les flambée des prix de l'énergie et l'arrêt de production provoqué par un accident ayant coûté la vie à l'un de ses ouvriers, il souhaite néanmoins développer une production renouvelable à travers son projet baptisé « Ugi'ring ».

Lancé en 2021 sur une durée de 10 ans, ce projet soutenu par une enveloppe de 9,4 millions d'euros de l'Etat français dans le cadre de France relance (et évoqué ici par La Tribune) vise à développer la première « aciérie circulaire » au monde en s'appuyant sur un procédé de pyro-métallurgie permettant de récupérer des objets traditionnellement peu recyclés, comme les piles, des coproduits (tels que le nickel, manganèse, etc).

Une nouvelle activité qui pourrait ainsi générer une cinquantaine d'emplois directs dès son démarrage, envisagé en 2025.

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Une nouvelle qui arrive malgré tout un peu tard pour une portion des salariés, qui avaient commencé à recevoir leurs lettres de licenciement en octobre dernier, comme le prévoyait le plan de sauvegarde de l'emploi, entériné en mai dernier.

« Mi-décembre, environ 80 personnes étaient déjà sorties du congé de reclassement en ayant trouvé soit un CDI, soit un CDD de longue durée, ou qui ont créé ou repris une entreprise », énumère Mustapha Haddou. Des chiffres auxquels s'ajoutent les 25 reclassements en interne déjà réalisés, 12 départs hors PSE mais aussi des démissions, actées durant le déroulement de la procédure, qui aura duré près d'un an. Résultat : ce sont aujourd'hui 110 salariés qui demeurent encore en recherche d'emploi.

« La chance que nous avons eue, c'est que le PSE qui a duré de longs mois, est arrivé dans une phase où l'industrie s'est finalement montrée très en tension et recherchait un certain nombre de profils. Une partie des salariés ont donc retrouvé, plus rapidement que prévu, un emploi dans l'industrie, chez des sociétés voisines (Ugitech, Carbone Savoie, etc) ou dans d'autres domaines comme la maintenance », résume l'élu du CSE.

Et désormais, les salariés espèrent que le projet de reprise du site puisse créer de nouveaux emplois, qui permettraient ainsi aux anciens salariés de Ferropem, et notamment à ceux qui résident encore à proximité du site, de « recandidater » et de se former grâce aux droits acquis au sein du PSE.

« L'ambiance est plus positive en cette fin d'année, également parce que la direction de Ferroglobe en France a changé, avec des personnes qui ont repris en main le dossier et avec lesquelles nous pouvons discuter », souligne Mustapha Haddou.

Pour le député LR de Savoie, ce dossier pourrait prendre un tournant aussi plus politique : « cette affaire montre qu'il devient nécessaire de faire évoluer la Loi Florange, qui date de 2014, à une période où le climat économique était très différent. Or, on voit bien aujourd'hui que si elle oblige les grands groupes à rechercher un repreneur, elle n'oublie pas à en trouver un ».

Une piste qui n'avait pas été retenue par le Conseil constitutionnel et que Vincent Rolland espère remettre au goût du jour à travers une proposition de loi qu'il souhaite reproposer sous cette nouvelle mandature. « Nous pourrions instaurer une obligation de cession dès lors que la production réalisée sur le site rentrerait dans une liste de productions jugées stratégiques pour la France et l'Europe », suggère-t-il.

Des négociations particulièrement tendues

Pour rappel, le PSE de Ferropem avait débuté avec l'annonce de la restructuration du groupe, le 29 mars 2021. Après de longs mois d'échange particulièrement tendus avec la direction, qui auront nécessité la médiation du Ministère de l'Industrie, un accord majoritaire avait finalement été signé par les trois syndicats représentatifs des salariés (CGT, CFDT, FO) lors de la dernière ligne droite des négociations, presque un an, jour pour jour après l'annonce du PSE.

La ministre Agnès Pannier-Runacher avait même tenté un ultime coup de poker en adressant un courrier à la direction de Ferropem, l'américano-espagnol Ferroglobe, lui demandant entre autres de revoir sa copie concernant le plan social, au motif que le contexte économique s'était renversé avec la forte demande sur la scène des composants électroniques. Et ce, alors que les représentants des salariés brandissaient également un rapport d'expertise indépendant remettant en cause l'argument économique du PSE déployé par leur direction.

Une requête qui n'avait pas réussi à faire infléchir la position du groupe, même si l'Etat avait obtenu en échange que "l'ensemble des familles de produits aujourd'hui fabriquées en France par Ferropem le demeurent", à travers notamment ses 5 sites restants, dont celui des Clavaux (Isère), où une partie de l'ancienne production de Château-Feuillet devrait être transférée "d'ici le 1er semestre 2023 au plus tard".

Avec la "sanctuarisation" d"une première enveloppe de 10 millions d'euros, nécessaire au transfert de la production savoyarde de Ferropem sur le site des Clavaux, et plus largement l'octroi d'une autre somme de 20 millions d'euros, d'ici fin 2022, en vue de moderniser son outil industriel en France.

Restait cependant la question de la vocation industrielle du site, sur laquelle le ministère de l'industrie demandait également un "engagement ferme" en ce qui concernait notamment la relance de la recherche de repreneurs industriels, "y compris auprès de ses concurrents". Réponse début janvier.

Contactées, la direction de Ferroglobe ainsi que le ministère de l'Industrie n'ont pas répondus à nos sollicitations au moment d'écrire ces lignes.

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