Ferropem : ce rapport d'expertise qui confirme que le motif économique du PSE "ne tient pas"

Déjà il y a quelques jours, Bercy confirmait à La Tribune que le retournement spectaculaire du marché du silicium avait changé la donne sur le dossier Ferropem, et mettait en avant les "très bons résultats annuels" du groupe pour tenter un nouveau coup de poker dans ses négociations avec la direction américano-espagnole. Et désormais, le rapport d'expertise qu'attendaient les salariés est sans appel, chiffres à l'appui. Selon ce document, le motif économique avancé pour fermer l'usine Ferropem de Château-Feuillet (Savoie) "ne tient pas" face aux bénéfices engrangés par sa maison-mère.
Après le coup de poker de Bercy, qui s'est à nouveau rapproché de la direction de Ferroglobe face au retournement du marché du silicium, c'est désormais le rapport d'expertise attendu par les salariés, rendu le 10 mars, qui confirme lui-même que le PSE nourri depuis avril 2021 par le groupe n'a pas de justification économique, face aux bénéfices engrangés par la maison-mère.
Après le coup de poker de Bercy, qui s'est à nouveau rapproché de la direction de Ferroglobe face au retournement du marché du silicium, c'est désormais le rapport d'expertise attendu par les salariés, rendu le 10 mars, qui confirme lui-même que le PSE nourri depuis avril 2021 par le groupe n'a pas de justification économique, face aux bénéfices engrangés par la maison-mère. (Crédits : DR/ML)

La semaine dernière, Bercy avait déjà confirmé à La Tribune que la rédaction d'un courrier était en cours par la ministre de l'Industrie visant à "rappeler à la direction de Ferropem son obligation de démontrer qu'elle a bien étudié toutes les offres qui pourraient permettre une pérennisation du site" et en même temps, "d'appuyer la demande des salariés qui proposaient un plan de remise en route de 2 des 4 fours du site de manière partielle, avec une clause de revoyure sous 6 à 12 mois afin de voir si le modèle serait rentable".

C'est désormais le rapport d'expertise attendu par les salariés, rendu le 10 mars, qui confirme lui-même que le PSE nourri depuis avril 2021 par le groupe Ferroglobe (lui-même détenu majoritairement par le conglomérat espagnol Villar Mir), pour se séparer de 256 salariés sur le site de Château-Feuillet (Savoie), n'a pas de justification économique, face aux bénéfices engrangés par la maison-mère Ferroglobe.

Déjà, la semaine dernière, les derniers résultats annuels du groupe laissaient entrevoir "des revenus trimestriels les plus élevés depuis 2018 et un Ebidta ajusté trimestriel record", comprenant notamment un "retour à la rentabilité au quatrième trimestre, avec un bénéfice attribuable à la société mère de 66,3 millions de dollars, contre une perte de (96,6 millions de dollars) au trimestre précédent".

Mais aussi un "retour à un flux de trésorerie disponible positif, générant 14,2 millions de dollars de flux de trésorerie disponibles au quatrième trimestre, contre 42,9 millions de dollars au trimestre précédent". Les liquidités du groupe s'amélioraient également avec un total disponible de 116,7 millions de dollars au quatrième trimestre, "en hausse de 21,6 millions de dollars par rapport au trimestre précédent."

Un Ebidta jamais vu dans l'histoire de l'entreprise

Et selon ce nouveau rapport d'expertise commandé par le CSE central, et dont La Tribune a également obtenu une copie après qu'il ait été révélé par l'AFP ce lundi, les résultats sont eux-aussi sans appel : ce document relève notamment qu'au quatrième trimestre 2021, la flambée des cours du silicium a généré un bond de 33% du chiffre d'affaires mondial du groupe, ainsi qu'un excédent brut d'exploitation (Ebitda) dépassant 92 millions de dollars.

Ce document note surtout que le Pdg Marco Levi a prévu, lors de la présentation des résultats le 2 mars dernier, une nouvelle "accélération" de la croissance à venir en 2022, avec un Ebitda estimé à 74 millions de dollars uniquement sur le mois de janvier, soit l'équivalent de 40% de celui dégagé sur l'ensemble de l'année précédente.

"Les évolutions des résultats économiques et de la situation financière du groupe comme de Ferropem rendent le motif économique de ce projet de restructuration contestable", affirme le rapport d'expertise, qui estime par ailleurs qu'en 2021, "les importants flux de trésorerie résultant des opérations ont surtout servi à refinancer la dette coûteuse du groupe et à reconstituer le besoin en fonds de roulement".

Alors que le groupe Ferroglobe a engagé, à l'échelle internationale, un plan de refinancement global dont le coût est jugé "prohibitif", le rapport d'expertise rappelle au contraire que pour l'entité Ferropem, "les éléments prévisionnels pour 2022 communiqués par la direction le 16 février 2022, montrent que la progression de la production vendue sera très importante et pourrait dépasser les niveaux historiques de 2017 et 2018".

Toujours selon ce document, la production vendue budgétée pour 2022 en valeur est largement dominée par le silicium (81%), la fonderie ne représentant plus de 7% du total, et prend également en compte la hausse des coûts de production.

Pour les experts mandatés, la préconisation est simple : l'usine de Château-Feuillet, jugée parfaitement "rentable" et "stratégique" pour l'industrie française mais aussi "de taille mondiale", doit repartir, tandis que sa fermeture "nuirait clairement à l'intérêt général en accentuant la dépendance nationale et européenne vis-à-vis de pays-tiers", indique le rapport.

L'Etat à la manoeuvre, mais...

L'usine de Château Feuillet de Ferropem se positionne en effet comme le dernier site en Europe à produire du silico-calcium (CaSi), un ferro-alliage qui entre dans la composition de différents matériaux pour le bâtiment et l'industrie notamment.

Un marché jugé plus que jamais stratégique à l'aune de la crise sanitaire et désormais de la guerre en Ukraine, qui a encore renforcé d'un cran l'attention en matière de souveraineté des approvisionnements français, et tendu les chaînes d'approvisionnements.

D'ailleurs, le rapport d'expertise note lui-même que son actuel et principal concurrent pour la fabrication du silicium en Europe, Elkem, détenu par des capitaux sino-norvégiens, connaît par ailleurs lui-même une explosion de la demande sur son site lyonnais et anticipe lui-même "une situation très favorable en 2022 pour le silicium et pour les produits de fonderie", rappelle le rapport.

Pour accompagner cette industrie jugée stratégique, l'Etat français avait d'ailleurs déjà oeuvré à travers différentes mesures : en proposant notamment des avances sur les compensations indirects du CO2 et en défendant, auprès de la Commission européenne, une barrière antidumping européenne depuis octobre dernier sur les importations chinoises de silico-calcium (CaSi). Enfin, Bercy avait mis sur la table des aides à la décarbonation pouvant aller jusqu'à "plusieurs dizaines de millions d'euros". En vain jusqu'ici.

Ferroglobe, qui dispose au total de 6 sites en France, avait renoncé à l'automne dernier à fermer son usine des Clavaux, en Isère, en vertu d'un accord de production trouvé avec l'un de ses clients, le chimiste allemand Wacker. Mais depuis, le PSE sur son second site de Château-Feuillet courait toujours, avec, comme échéance, le 1er avril prochain. Selon le rapport remis aux élus du personnel, le groupe envisagerait de continuer à alimenter le marché européen, mais avec du silico-calcium qui serait produit sur un autre site, basé quant à lui en Argentine.

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