C'est une première en France : les quelque 2.000 élèves de l'école d'ingénieurs Centrale Lyon peuvent désormais calculer leur propre empreinte carbone. La démarche est obligatoire pour les étudiants ayant intégré en septembre dernier la première année du cursus ingénieur. Et elle est fortement recommandée pour tous les autres, ainsi que pour le personnel enseignant et administratif.
Depuis la rentrée dernière, plus de 95 % des étudiants se sont ainsi lancés en répondant aux quelque 70 questions disponibles sur l'outil interactif « MyCO2 », développé initialement par le cabinet de conseil Carbone 4 pour les entreprises, désormais adapté à un profil étudiant, en collaboration avec Centrale Lyon. Tous les aspects de leur vie quotidienne sont passés au crible : modes de déplacement, alimentation, logement, habitudes numériques, mobilités internationales etc. Les élèves peuvent ainsi visualiser leur empreinte carbone et prendre conscience de l'envergure, plus ou moins importante, selon leur mode de vie, de leur impact environnemental. En toute connaissance de cause, et c'est bien là l'un des principaux intérêts, ils peuvent décider d'agir à l'échelle individuelle.
« Beaucoup d'étudiants n'avaient pas conscience de leur impact. Certains nous ont dit qu'ils allaient essayer de regarder moins de vidéo en streaming, ou de manger moins de viande par exemple », observe Stéphanie Lanson, directrice du développement des grandes transitions au sein de Centrale Lyon.
Dans le détail, les élèves de l'école lyonnaise génèreraient en moyenne environ 6,4 tonnes de CO2 par an. Moins qu'un Français moyen avec ses 9 à 10 tonnes annuelles de CO2, selon Centrale Lyon et Carbone 4. Les élèves pourront refaire ce calcul chaque année, s'ils le souhaitent, afin de constater l'amélioration (ou la dégradation) de leur bilan en fonction de l'évolution de leurs habitudes de vie.
Précision importante : si l'élève ingénieur a accès au détail de son bilan carbone, ce n'est pas le cas de l'école qui ne peut, elle, visualiser que des données anonymisées. « Cela nous permettra de faire un suivi au fil des années et de mesurer l'impact des mesures de sensibilisation de l'école », ajoute Stéphanie Lanson.
Intégrer le climat aux grilles de lecture
Au-delà de la sensibilisation des élèves, la mise en place de cet outil de calcul de l'empreinte carbone a un objectif pédagogique. Les données anonymisées des élèves serviront de support de cours à l'enseignement de la lecture d'un bilan carbone.
« Dès la deuxième année, nos élèves seront désormais formés à l'analyse, l'interprétation et la réalisation d'un bilan carbone en entreprise. Il est aujourd'hui fondamental que nos élèves, les futurs architectes de l'innovation de demain, sachent aussi bien lire un bilan carbone qu'un bilan financier. Demain, ils devront être capables de proposer des actions concrètes au sein des organisations qu'ils intégreront pour conduire des politiques de décarbonation. Leur rôle dans les innovations de demain devra forcément inclure cette dimension prioritaire », insiste Pascal Ray, le président de Centrale Lyon.
Cette initiative s'inscrit dans un mouvement général des écoles d'ingénieurs françaises, vivement « encouragé » par la Commission des Titres d'Ingénieurs (CTI), qui accrédite les diplômes. Depuis mars 2022, le référentiel « Références et Orientations » - bible à laquelle doivent se référer les écoles sollicitant des accréditations - intègre de manière très détaillée les enjeux environnementaux et leur déclinaison dans les différentes activités des écoles (vie étudiante, campus, recherche etc).
A l'occasion des Journées Nationales de l'Ingénieur (JNI) au printemps 2022, la Conférences des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs (CDEFI) indiquait ainsi qu'en termes d'enseignement, un simple module de sensibilisation généraliste n'était aujourd'hui plus suffisant : « Le travail global de refonte des maquettes pédagogiques, des cursus et du contenu des enseignements pour inclure de manière effective ces enjeux dans toutes les formations est à poursuivre et à approfondir », expliquait-t-elle.
Une plateforme expérimentale sur la pollution atmosphérique
Centrale Lyon estime s'inscrire dans cette voie à travers ses enseignements, mais aussi via des incitations financières à l'adoption de mobilités décarbonées, ainsi qu'en matière de recherche. Dernière initiative en date sur le sujet : la mise en place d'une plateforme expérimentale et numérique sur la pollution atmosphérique, en partenariat avec la Métropole de Lyon. Celle-ci s'appuie sur la soufflerie atmosphérique du laboratoire de mécanique des fluides et d'acoustique de l'école, doublée d'un jumeau numérique de l'atmosphère urbaine créé à partir de données urbaines collectées à Lyon et d'algorithmes d'apprentissage automatique. Elle se concrétisera par un outil d'aide à la décision pour les politiques publiques d'aménagement urbain.
« Notre ambition est de devenir un acteur majeur sur les grandes transitions », conclut Pascal Ray. Une nécessité sociétale, environnementale mais aussi concurrentielle pour Centrale Lyon, dans un contexte où l'engagement RSE des écoles devient un critère d'attractivité de plus en plus important. Pour les étudiants mais aussi (et surtout pour le moment) pour les enseignants-chercheurs.
Nommé l'année dernière président de Centrale Lyon, après avoir présidé l'Ecole des Mines de Saint-Etienne, Pascal Ray a bâti un plan stratégique autour des grandes transitions : écologique, numérique et la décarbonation des transports et de l'industrie. Il se traduira par une transformation des enseignements, la création d'un « transition lab », un lieu totem sur le campus d'Ecully pensé comme une résidence de chercheurs, un campus international amené à accueillir des projets de recherche collaboratifs avec de grandes universités internationales et enfin, le développement d'un campus sur les mutations industrielles avec une diversification de l'offre de services aux entreprises.
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