RER Métropolitains : cinq projets retenus par l'Etat en Auvergne-Rhône-Alpes

À quelques jours des élections législatives anticipées, l'Etat a révélé jeudi soir la liste des 15 premières agglomérations françaises dont les projets de transports ont été labellisés « services express régionaux métropolitains » (SERM). En Auvergne-Rhône-Alpes, où cinq des six candidats ont été retenus, les collectivités sont invitées à enclencher une nouvelle phase de négociations d'ici à la fin de l'année, malgré des désaccords persistants pour le projet lyonnais, l'une des pierres angulaires du réseau ferré régional.
Le désengorgement de l'étoile ferroviaire lyonnaise, aujourd'hui saturée, fait partie des principaux enjeux des échanges à venir autour du projet de SERM lyonnais, en Auvergne-Rhône-Alpes. Ici, la gare de Lyon Part-Dieu.
Le désengorgement de l'étoile ferroviaire lyonnaise, aujourd'hui saturée, fait partie des principaux enjeux des échanges à venir autour du projet de SERM lyonnais, en Auvergne-Rhône-Alpes. Ici, la gare de Lyon Part-Dieu. (Crédits : ER/La Tribune)

L'annonce a été faite jeudi soir, à quelques jours des élections législatives anticipées : l'Etat vient de dévoiler la liste des 15 projets accompagnés dans la première vague de labellisation des « services express régionaux métropolitains » (SERM), comprenant les fameux « RER » en régions, notamment évoqués par Emmanuel Macron en novembre 2022.

Parmi eux, les agglomérations de huit des treize régions françaises sont concernées : Grand-Est (Mulhouse, Strasbourg, Lorraine-Luxembourg), Occitanie (Montpellier, Toulouse), Nouvelle-Aquitaine (Bordeaux), Pays-de-la-Loire (Nantes), Hauts-de-France (Lille), Centre-Val de Loire (Tours), Normandie (Rouen) et Auvergne-Rhône-Alpes, comptant le plus grand nombre de projets retenus, avec cinq agglomérations sur six candidates (Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, Chambéry et Clermont-Ferrand).

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«  Les régions et les collectivités des territoires (ici concernés) sont invitées à poursuivre les travaux d'élaboration de leur SERM en vue de l'obtention du statut par arrêté », indique à ce titre le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.

« Cette décision sera prise sur la base d'un dossier approfondi, qui devra préciser les objectifs, la feuille de route pour les atteindre, le plan de financement ainsi que la gouvernance du projet », ajoutent les services de l'Etat, tandis que le calendrier pourrait bien être bousculé par un potentiel changement de gouvernement dans quelques jours.

Des arrêtés prévus fin 2024

L'annonce de cette première vague était en effet attendue au début de l'été. Les choses se sont finalement un petit peu précipitées, avec un bouclage des négociations cette semaine entre l'Etat et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dont cinq des six projets de SERM ont été retenus dans cette première liste.

Le projet de SERM Genève-Annemasse, qui comprend déjà la ligne « Léman express », mise en service en 2019, pourrait quant à lui être labellisé dans un second temps.

Des labélisations « SERM » qui visent, à terme, à développer différents moyens de transports à l'échelle de grandes aires métropolitaines. Lignes de trains (RER), mais aussi « bus à haut niveau de service », ou encore covoiturage : les investissements concerneront plusieurs modes de transport, ce qui implique désormais une concertation de l'ensemble des acteurs à l'échelle territoriale.

Car il reste encore à définir les contours de ces projets. Ainsi, l'idée de fusionner certains SERM a été soulevée ces derniers mois (à l'instar de Lyon avec Saint-Etienne, ou encore de Grenoble avec Chambéry) : « Le débat va s'ouvrir maintenant », relève Frédéric Aguilera, vice-président de la Région, délégué aux transports.

« Le fait d'avoir six SERM ne veut pas dire que demain, il y en aura toujours six, mais peut-être plus que cinq, avec une fusion de Lyon et Saint-Etienne. Pour autant, la tendance ces dernières semaines était plutôt de dire qu'il en faudrait deux. Mais cela ne change rien à la jonction, car la région reste l'autorité organisatrice ».

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Désormais, les négociations devraient s'accélérer d'ici à la fin de l'année afin de détailler les priorités et les niveaux de maturité de chaque projet, en vue d'obtenir de premiers arrêtés fin 2024, afin d'enclencher les opérations (études, travaux). Le premier concerné pourrait notamment être le SERM grenoblois, plus avancé, notamment pour passer à un train tous les quart d'heure la branche Grenoble/Brignoud, dans le Grésivaudan.

Pour autant, malgré des temps de concertation « où nous avons recueilli l'unanimité des acteurs », soutient Frédéric Aguilera, certaines collectivités peinent encore à s'accorder en Auvergne-Rhône-Alpes. La région est pourtant marquée par un besoin conséquent en infrastructures ferroviaires afin de désengorger certaines voies aujourd'hui saturées, mais aussi rehausser les fréquences de trains.

À Lyon, des désaccords entre la Région et la Métropole

Car il s'en serait fallu de peu pour que le projet de SERM de la région lyonnaise, comptant près de 4 millions d'habitants, ne soit pas retenu par l'Etat, selon la Région et la Métropole de Lyon, qui se reprochent l'une et l'autre d'avoir polarisé les échanges.

Si des réunions de travail se sont pourtant déroulées dans le courant du mois de juin entre les services de la Région présidée par Laurent Wauquiez (LR), compétente sur les TER, l'Etat, la SNCF et la Métropole de Lyon (EELV), celles-ci n'ont pas abouti à un accord final dans ce dossier.

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président du Grand-Lyon, délégué aux déplacements et aux intermodalités, annonçait ainsi la couleur lors du Conseil d'administration du Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (Sytral), ce mercredi 26 juin : « On devait déposer cette semaine un "dossier minute" auprès du ministère (...) Mais la Région a décidé de ne pas respecter ce que souhaitaient la Métropole et le Sytral. Nous allons informer le ministère que nous ne participerons pas à cette façon de faire ».

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Parmi les principaux points d'achoppement, figurent notamment la participation du Syndicat des mobilités des territoires de l'aire métropolitaine lyonnaise (SMT AML) aux réflexions à l'invitation de la Région. Mais aussi la réalisation d'études nécessaires sur les infrastructures de transport, pour lesquelles les deux collectivités ne s'accordent pas, revenant chacune sur le calendrier de réalisation et leurs compétences en matière de financement.

La Métropole a par exemple voté, lundi dernier, une enveloppe de 143.500 euros pour co-financer avec le Sytral, l'Etat et la Région des études (à hauteur d'1 million d'euros) sur 59 passages à niveau, sur les gares et les pôles d'échange en vue de renforcer, dans un premier temps, les fréquences de trains sur certaines lignes à Lyon (Saint-Paul/Brignais, mais aussi Givors/Lyon Perrache). En revanche, selon Jean-Charles Kohlhaas, « la Région ne finance que ce qu'elle finance chaque année, c'est-à-dire son plan de transports, mais rien sur les infrastructures ».

Bruno Bernard, président du Grand-Lyon, y voyait quant à lui de profonds désaccords politiques, devant les élus du Sytral : « Quand la Région décide de dépenser plus de 200 millions d'euros pour faire un périphérique au Puy-en-Velay, c'est un choix politique ».

« Et quand la Région Auvergne-Rhône-Alpes est la seule de France qui ne veut pas financer l'infrastructure ferroviaire, c'est naturellement une position qui est bloquante », ajoutait mercredi l'élu écologiste.

Dans l'attente des détails du CPER Mobilités

Face à ces difficultés, venant compliquer l'avancement du dossier lyonnais, Frédéric Aguilera s'oppose pour sa part à un jeu de « politique politicienne ».

« Nous prenons d'abord part à ce qui est dans notre cœur de compétences. Ensuite il y a des études qui intègrent des plans de financement qui sont en train d'être élaborés. Toutes les études prévues pour le SERM auront lieu en temps et en heure », indique ce vendredi le vice-président de la Région, par ailleurs maire de Vichy (Allier).

Certaines d'entre-elles devraient à ce titre intégrer le prochain Contrat plan Etat-Région (CPER) Mobilités 2024-2027, prévoyant des investissements sur les infrastructures de transports, et dont un accord de principe a été signé entre Etat et Région mi-mai.

Or, pour l'heure, les lignes de financement ne sont pas encore connues : si les grandes masses ont été annoncées (avec 322 millions d'euros fléchés par l'Etat et la Région pour les six SERM en Auvergne-Rhône-Alpes), le détail du premier budget (entre projets ferroviaires et bus) n'a pas encore été révélé par l'exécutif régional. Car « le temps de concertation n'est pas terminé », soutient Frédéric Aguilera.

Désengorger le nœud ferroviaire lyonnais

Parmi les principaux enjeux du SERM Lyonnais, pierre angulaire du réseau ferroviaire régional, figure notamment le passage à quatre voies de la ligne entre Saint-Fons et Grenay, sur l'axe Lyon-Grenoble, aujourd'hui saturé.

Un projet fléché par les autorités depuis maintenant plus d'une dizaine d'années afin de désengorger Lyon et permettre une augmentation des fréquences de trains, tout en accompagnant le développement du fret ferroviaire. Mais celui-ci est toujours en phase de concertation, et SNCF Réseau vise une enquête publique en 2025, pour une mise en service à l'horizon 2035.

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Un objectif aujourd'hui « difficilement tenable » selon Jean-Charles Kohlhaas côté Grand-Lyon, étant donné le retard qui aurait été pris ces dernières années. L'élu craint un report de cet horizon aux alentours de 2038. D'où une position plus tranchée : « il n'y aura pas de SERM lyonnais sans le contournement ferroviaire de Lyon, sans augmentation de la ligne Saint-Fons/Grenay.

« Si la position de la Région est de dire, telle que je la connais, qu'elle ne met pas un centime sur ces infrastructures, alors nous ne pourrons pas la remplacer », souligne le vice-président de la métropole lyonnaise, questionnant ainsi le type d'engagement de la Région.

Car lors de la présentation du CPER Mobilités, Laurent Wauquiez a notamment insisté sur le projet de ligne de bus à haut niveau de service entre Lyon et Trévoux (Ain), budgétisé à près de 200 millions d'euros.

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Un projet routier, et non ferroviaire. Mais Frédéric Aguilera temporise, se rapportant au calendrier : « Nous aurons le détail des financements du CPER en fin d'année, ou début 2025, une fois qu'on aura complété avec les territoires. Pour l'instant, nous n'avons que les grandes masses : tant pour les SERM, mais pas encore sur quels SERM ; tant pour le ferroviaire, mais pas sur quels projets ; tant pour les routes, mais pas sur quelles routes ».

« Il faut maintenant ventiler. Mais aussi rajouter l'appui des territoires : peut-être que la Métropole va rajouter des crédits sur le Saint-Fons Grenay ? Les discussions vont avoir lieu. Je dois rencontrer en principe les douze préfets et les principaux élus des territoires dans les semaines à venir », remarque le maire de Vichy.

Ajoutant par ailleurs que « sur le Saint-Fons/Grenay » et plus largement les SERM, « ce n'est pas à coup de 140 millions d'euros tous les quatre ans (enveloppe de l'Etat pour les six SERM en Auvergne-Rhône-Alpes, ndlr) que nous allons financer les 10 milliards d'euros nécessaires ».

Une conférence des financeurs très attendue

Pour cela, une conférence des financeurs est pour l'instant prévue à la rentrée au niveau national. Elle vise à structurer les modèles économiques de financement de ces projets d'infrastructures de transports. « Cela passera peut-être par une partie du financement mobilités, ou encore de la taxe d'aménagement des métropoles ? », questionne Frédéric Aguilera.

« Il s'agit d'élaborer un système pérenne qui permettrait de verser tous les ans pendant les vingt prochaines années une somme par exemple à la Société des grands projets (SGP, anciennement Société du Grand Paris), qui permettrait de lever des millions voire des milliards d'euros pour financer le système », complète l'élu régional.

Autant d'éléments restant à déterminer, dans un contexte politique fluctuant. Laurent Wauquiez pourrait en effet bientôt quitter la présidence de la Région, en cas d'élection dans la 1ère circonscription de Haute-Loire.

Par ailleurs, un nouvel élément pourrait venir brouiller les pistes d'ici l'été : la Chambre régionale des compte prépare en ce moment un rapport sur la gestion ferroviaire de la Région, pointant notamment des un « manque d'anticipation » et des « retards » dans certains projets, comme l'ont révélé nos confrères de Mediacités cette semaine.

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