Matières premières, composants... Le Groupe Seb prêt à faire face « aux vents contraires » (et à 300 millions d'euros de surcoûts)

STRATEGIE. Ce mercredi, le groupe Seb inaugurait son nouveau pôle mondial d'innovation sur son Campus d’Ecully (Rhône), une journée après la publication de ses résultats, qui s’affichent en belle progression. Le n°1 mondial du petit électroménager domestique table désormais sur une croissance annuelle (réhaussée) de +14% pour l'année 2021. Et ce, malgré les tensions sur le marché des matières premières et des composants, qui ont forcé le groupe à s’organiser pour absorber 300 millions d'euros de surcoûts, et à appliquer une hausse de 5 à 10% sur le prix de certains produits, effective depuis septembre.
Conforté par des solides résultats enregistrés sur l'ensemble de son offre, le n°1 du petit électroménager a néanmoins dû s'outiller pour absorber une facture Covid de 300 millions d'euros, alourdie par la hausse du coût des matières premières et la pénurie des composants électroniques, fortement présents dans ses 360 millions de produits vendus par an.
Conforté par des solides résultats enregistrés sur l'ensemble de son offre, le n°1 du petit électroménager a néanmoins dû s'outiller pour absorber une facture Covid de 300 millions d'euros, alourdie par la hausse du coût des matières premières et la pénurie des composants électroniques, fortement présents dans ses 360 millions de produits vendus par an. (Crédits : DR)

L'année 2021 s'annonce bien meilleure que prévue, alors que 2020 avait déjà réussi à limiter la chute. Le fabricant lyonnais Seb (34.000 collaborateurs et 41 sites industriels, dont 11 en France) vient de signer ce qu'il qualifie de « très bons résultats » dans le contexte actuel consécutif à la crise sanitaire, mais également face aux tendances du segment de l'électroménager lui-même.

Le groupe présidé par Thierry de La Tour d'Ar­taise enregistre en effet des ventes atteignant les 5,570 milliards d'euros pour le 3e trimestre 2021, en croissance de 19,2%, tandis que son résul­tat opéra­tion­nel se hisse à 528 millions sur les neuf premiers mois de l'an­née, soit une hausse de 62,8% par rapport à la même période en 2020.

De quoi permettre à Seb de tabler désormais sur une prévision annuelle de croissance de 14% au lieu des 10% communiqués, précédemment, et d'une marge opéra­tion­nelle inchangée, qui devrait se situer autour de 10%. Des résultats déjà largement salués par les marchés, puisque l'action du groupe a grimpé de 12,38 % ce mercredi.

Pour Stanislas de Gramont, directeur général délégué du Groupe Seb, ces chiffres s'appuient sur l'ensemble des géographies et des catégories de produits desservi par le groupe. « Nous enregistrons une croissance solide à deux chiffres sur l'Europe au cours des neuf premiers mois de l'année, tandis que notre business progresse plus vite que les autres ».

Même sur le marché chinois, où une contraction se profile depuis cet été, le fabricant d'électroménager n'est pas inquiet : « Les ventes en ligne se développent fortement et même si les prix sont un peu inférieurs sur ce canal, des niveaux de marge supérieurs ainsi que la croissance des ventes sont vues avec confiance », souligne le dg, qui compte sur le nombre de foyers, ainsi que sur le taux d'équipement des ménages, encore modéré en Asie, pour renouer avec « une croissance modérée sur le long terme. »

Matières premières, fret maritime : «  Les surcoûts ont été très importants »

Mais l'élément qui pouvait s'avérer le plus préoccupant pour un groupe multimarques comme Seb (propriétaire de Krups, Moulinex, Rowenta ou encore Tefal), c'est plus précisément la hausse des prix des matières premières, couplée à celle des coûts de transport qui explosent (allant jusqu'à +300% sur un an pour des produits comme les grilles pain), ainsi qu'aux pénuries de composants électroniques, enregistrées sur les marchés mondiaux.

Un cocktail explosif et consécutif à la crise sanitaire, qui aura largement pesé sur les comptes :

« Les surcoûts ont été très importants et le marché était particulièrement inquiet des tarifs du fret maritimes, ainsi que des disponibilités des composants et de leur coût. Malgré cela, nous avons annoncé que nous maintiendrons nos prévisions sur un niveau de marge de l'ordre de 10 %, ce qui démontre que l'on se sent capables de faire face aux vents contraires ».

Un impact de la crise sanitaire qui a même depuis été légèrement revu à la hausse lui aussi, passant de 250 à 300 millions d'euros sur le résultat opérationnel d'activité (ROPA), a indiqué le groupe, et qui inclut notamment les surcoûts liés aux matières premières, aux composants, au fret ainsi qu'aux devises.

D'ailleurs, c'est avec une légère amertume que Seb constate que son anticipation des surcoûts à venir, qui s'est traduite par une augmentation des prix de 5 à 10% annoncée dès juin dernier aux marchés « en toute transparence », n'a pas été comprise, selon lui. « Il s'agit d'une décision qui a été tirée par la conjoncture des coûts ayant frappé l'ensemble de l'industrie, avec des hausses qui sont pour certaines temporaires, et d'autres pérennes », explique le directeur général délégué.

Cette augmentation des prix a pris effet en septembre dernier sur près de la moitié des références du groupe. Mais face à d'autres concurrents qui ne se sont pas exprimés sur le sujet, le groupe tricolore affirme pour autant qu'il demeure, à l'issue de ce réajustement, « dans les prix du marché ».

« Nous avons été attentifs à expliquer notre démarche et à passer ces mesures sur des produits qui le pouvaient, de manière modérée. D'ailleurs, nous ne promettons pas d'augmenter notre propre marge en parallèle... », glisse la direction.

D'ailleurs, l'essentiel de la facture de la crise ne pesera pas uniquement sur les consommateurs : car pour réussir à contenir les surcoûts, le fabricant français aura également dû mobiliser d'autres leviers. « Nous avons par ailleurs augmenté nos stocks et passé des surcommandes dès le milieu de l'année 2020 afin de nous préparer. Cela se reflète d'ailleurs dans notre bilan puisque notre niveau d'inventaire est fortement supérieur à l'an dernier et représente un poste de dépenses ».

Le tout, en comptant également sur quelques effets plus "favorables", liés à la croissance de ses ventes, qui lui ont permis d'utiliser au maximum ses capacités de production. Un pari global qui semble avoir permis au n°1 du petit électroménager, vendant plus de 360 millions de produits par an, "de ne pas connaître d'impact matériel" sur ses approvisionnements.

Dans l'électroménager aussi, l'électronique est partout

Il faut dire que sur les segments du petit, comme du gros électroménager, qui ont tous deux connu un regain d'intérêt suite à la crise sanitaire, les composants électroniques sont désormais partout, ou presque. « Nous avons des composants électroniques dès qu'il existe du guidage digital dans un produit, comme dans le réglage de température d'un fer vapeur... », illustre Stanislas de Gramont.

Des composants électroniques donc très présents, y compris en volume, mais qui ont également eu l'avantage d'être (en partie seulement) stockés pour un autre usage...

Le fabricant était en effet déjà engagé dans une démarche de réparabilité visant à garantir l'approvisionnement en composants de l'ensemble des pièces nécessaires à ses appareils, sur une durée de 15 ans. Ce qui le conduit à disposer aujourd'hui d'un stock de près de 20.000 pièces dans son usine de la Faucogney-et-la-mer, dans les Vosges.

« Nous avons eu la chance de pouvoir fabriquer en interne une partie des cartes électroniques dont nous avons besoin pour notre usine de Saint-Lô (ex-Moulinex) en Normandie. C'est encore très peu, car cela ne couvre que 10 % de nos besoins, mais cela nous a permis de faire tampon, en plus de l'anticipation des commandes que nous avons réalisée ».

Sur ce terrain comme sur celui de la production, le °1 mondial du petit électroménager domestique est sans équivoque :

« Aujourd'hui, il est encore possible de produire de la valeur ajoutée en Europe. Nous continuons d'ailleurs nous-mêmes à fabriquer des machines à café avec broyeur en Normandie, ou des centrales vapeurs à en Isère, et nous avons également des sites du groupe en Europe et en Asie (sept usines et 12 000 salariés en Chine, ndlr), lorsqu'il s'agit de plus gros volumes ».

Pour Stanislas de Gramont, tout l'enjeu sera de recréer des filières d'approvisionnement plus développées sur l'amont, et notamment dans le domaine des batteries où encore des pédaliers de vélo, où il n'existe pas d'alternative à l'Asie.

Les relais de croissance pour 2022 (et au-delà)

Le groupe mise désormais sur l'attrait renouvelé des consommateurs envers leur intérieur et les équipements domestiques, afin de continuer à porter le marché de l'équipement de la maison au cours des prochains mois. Et ce, que ce soit en Europe, mais aussi aux États-Unis ou en Chine.

« Dans les pays où le taux d'équipement des consommateurs est déjà très bon, ceux-ci vont avoir tendance à monter en gamme et être plus attentifs aux fonctionnalités tandis que dans d'autres marchés, on va plutôt se diriger vers une poursuite le taux d'équipement vers de premiers prix ou des équipements utiles », explique le directeur général délégué.

Selon les chiffres du Gifam (Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager, le segment du gros électroménager a progressé de 30 % au cours du premier semestre dernier, tandis que celui du petit électroménager a également augmenté de +15%. « Et ce, alors que la tendance de notre marché était plutôt de l'ordre de 3 à 5 % : il y a donc bien un effet d'accélération Covid ».

Le fabricant tricolore a également fait de l'innovation l'un de ses piliers, avec un postulat simple : « 60 % du chiffre d'affaires du groupe est aujourd'hui réalisé par des produits qui ont moins de trois ans. Chaque année, nous renouvelons un tiers de notre offre », rappelle Stanislas de Gramont.

L'an dernier, ce sont donc près de 240 millions d'euros qui ont été investis, Covid ou pas, en matière d'innovation « et ce chiffre devrait être supérieur en 2021 », estime-t-il.

Rien que la construction du nouveau centre d'innovation mondial du groupe, dédié au petit électroménager et qui était inauguré ce mercredi au sein de son siège d'Ecully (Rhône), représente un investissement de 12 millions d'euros.

Ses pistes d'innovations se résumeront en trois axes : tout d'abord, bien comprendre et connaître les besoins des consommateurs, qu'ils soient en France, en Chine aux États-Unis, « car les habitudes culinaires diffèrent ». Mais aussi anticiper davantage, en utilisant les data ainsi que les technologies prédictives.

« Nous travaillons par exemple sur la manière d'adapter nos appareils à de nouveaux usages et modes de cuisine comme les régimes sans gluten ou vegan, dont les temps et modes de cuissons changent également ».

Enfin, ajouter des fonctionnalités comme le sans-fil restent possibles mais ne sont pas sans contraintes, comme dans le domaine des centrales-vapeur ou des autocuiseurs électriques, dont la puissance demeure un frein. « Mais le jour où l'on pourra proposer une centrale-vapeur de repassage sans fil, on amènera en vrai service aux consommateurs », évoque le directeur général délégué.

Même principe avec le développement de la gamme Includeo de Seb, qui vise à proposer par exemple un ensemble de produits destinés au petit déjeuner (grille-pain, cafetière à filtre, bouilloire) adaptées aux personnes malvoyantes par exemple.

« Parfois, l'innovation c'est aussi de faire des modes d'emploi en braille, même si cela peut paraître moins glamour, car c'est là qu'on touche la vie des vrais gens ».

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