Du déchet au gaz vert, Waga Energy vise désormais les 100 millions pour son entrée en Bourse

Six ans après sa création, la spin-off d’Air Liquide Waga Energy, spécialisée dans la production de biométhane à partir de déchets provenant de sites d’enfouissement, se prépare désormais entrer sur le marché réglementé d’Euronext Paris. Ce jeudi, elle a levé le voile sur son intention de réunir jusqu'à 100 millions d'euros. Un bon timing pour cette pépite qui, après avoir installé 10 unités de valorisation en France, dispose de grandes ambitions d'ici 2026.
Avec ses wagabox, l'isérois Waga Energy veut revendre également du gaz vert à un prix qui se veut compétitif, alors que le marché fait justement face à l'accroissement de la demande au niveau mondial, et à une forte flambée des prix.
Avec ses "wagabox", l'isérois Waga Energy veut revendre également du gaz "vert" à un prix qui se veut compétitif, alors que le marché fait justement face à l'accroissement de la demande au niveau mondial, et à une forte flambée des prix. (Crédits : DR/Waga Energy)

(Publié le 05/10/2021 15:00 et actualisé le 14/10/2021 à 10:23)

Elle veut se donner les moyens d'investir dans la montée en puissance de ses unités de traitement des biogaz (« Wagabox »), en France et à l'échelle mondiale.

Ce jeudi, l'isérois Waga Energy a livré les détails de son introduction en Bourse, sur le marché réglementé d'Euronext Paris : c'est désormais une enveloppe de 100 millions d'euros qu'elle espère lever à compter du 26 octobre prochain, dont 11 millions d'euros de clause d'extension.

La période de souscription initiale s'ouvrira dès ce jeudi 14 octobre 2021 et ce, jusqu'au 26 octobre prochain, avec une fourchette indicative de prix de l'offre comprise entre 19,26 et 23,54 euros par action.

Près de 45 millions d'euros auraient d'ailleurs déjà été sécurisés sous la forme d'engagements de souscription, annonce la société. Avec parmi ses premiers investisseurs, de grands acteurs de l'industrie pétrolière comme Vitol et Viva Energy, mais aussi l'armateur CMA-CGM et plus largement, des investisseurs dans la transition environnementale comme la banque nordique Svenska Handelsbanken, dans le cadre de la conclusion de protocoles d'accords stratégiques.

Une pépite qui suscite l'intérêt car depuis sa création en 2015 par des anciens d'Air Liquide, la pépite iséroise Waga Energy, est assise sur un marché de taille : en proposant de valoriser les biogaz issus des déchets, elle dispose, face à elle, d'un marché potentiel de 20.000 sites d'enfouissement présents à l'échelle mondial, dont 220 en France.

« Même avec nos prévisions de construire jusqu'à son unité de traitement d'ici 2026, nous ne pesons que 0,5 % du marché mondial. Bien que nous ne pourrions pas livrer, du jour au lendemain, 1.000 unités supplémentaires car il faut demeurer réaliste, le potentiel de marché est colossal », indique Mathieu Lefebvre, cofondateur et CEO de Waga Energy.

Car chaque année, l'humanité produit en effet plus de 2 milliards de tonnes de déchets. Plus de 70 % d'entre eux aboutissent sur des sites de stockage (appelés "sites d'enfouissement" ou "décharges"). « Ces sites émettent spontanément du méthane, un gaz au pouvoir de réchauffement 84 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) sur une période de vingt ans », précise la jeune pousse.

Libérés dans l'atmosphère, ces millions de mètres cubes de méthane contribuent au réchauffement climatique mais lorsqu'ils sont au contraire épurés de tous leurs polluants et réinjectés dans les réseaux de gaz, ils deviennent une énergie renouvelable.

Et c'est sur ce procédé de valorisation que Waga Energy a développé une technologie unique au monde, combinant filtration membranaire et distillation cryogénique, issue de 10 années de travail au sein du groupe Air Liquide.

Après deux premières levées de fonds menées en 2015 (1,8 millions) et en 2019 (10 millions) qui lui auront permis de commencer à proposer ses premières « wagabox » en France ainsi qu'en Espagne et le Québec, les voyants étaient au vert (malgré le Covid), pour envisager une nouvelle phase d'accélération, nourrie cette fois par une entrée en Bourse.

Objectif : passer de 9 à 200 millions d'euros de chiffre d'affaires

« Depuis 2019, nous avons démontré que notre modèle et notre technologie fonctionnaient. Nous avons même réussi à signer de premiers contrats en Espagne, au Canada et aux États-Unis, malgré le Covid », glisse son Ceo.

Et ce sont justement ces premiers contrats, et notamment celui en Espagne, qui l'a conduite à passer à un autre stade. Avec désormais, l'approbation de son document d'enregistrement par l'Autorité des marchés financiers (AMF), le 28 septembre dernier.

Avec déjà, un objectif chiffré : celui d'atteindre les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en cinq ans (contre 9,8 millions d'euros l'an passé et un résultat net de -1,9 millions d'euros, selon un périmètre qui n'intègre pas les 10 unités actuellement en construction).

Un objectif assorti de « la sécurisation d'un chiffre d'affaires récurrent de 400 millions d'euros, dès 2028 », ajoute Mathieu Lefebvre.

Pour cela, la deeptech, déjà lauréate du programme French Tech Green20 (qui vise à accompagner 20 startups à devenir des « leaders technologiques de la transition écologique ») table sur la consolidation de sa cible visant à installer jusqu'à 100 unités de valorisation des biogaz d'ici fin 2026, en France et à l'international.

Soit une production de 4 térawattheures. « Pour l'atteindre, nous aurons nécessairement, de l'ordre de plusieurs millions », précise le Ceo de Waga Energy.

La transition énergétique veut se faire une place en Bourse

C'est donc dans cette optique, assortie de celle de « conserver son autonomie et notre indépendance », que l'entrée en Bourse est également un argument tout choisi pour doper la notoriété de cette deeptech française aux grandes ambitions.

Une manière pour elle de démontrer à la fois la solidité financière de son modèle, mais aussi faire connaître sa technologie de rupture à de futurs clients et investisseurs en dehors des frontières de l'Hexagone, en se faisant un nom sur les marchés.

« Jusqu'ici, il existait encore peu de sociétés cotées dans le domaine du gaz : il s'agit d'un domaine qui demeure assez méconnu du grand public, mais qui demeure pour autant un sujet essentiel du point de vue de la transition énergétique, avec tout le potentiel que représentent les gaz renouvelables au sein du mix énergétique », fait valoir Mathieu Lefebvre.

Car rapidement, Waga Energy voit grand et vise non seulement l'Europe, mais aussi les Etats-Unis et le Canada, où elle vient de mettre un pied avec deux projets : l'un aux côtés d'Enercycle (ex-Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie) afin d'exploiter un site d'enfouissement situé à Saint-Étienne-des-Grès (Québec) puis revendu à l'énergéticien canadien Énergir.

Et l'autre avec la Régie intermunicipale de gestion des matières résiduelles de Brome-Missisquoi (RIGMRBM) pour produire du biométhane sur le site de stockage des déchets de Cowansville (Québec).

Un modèle pour les gestionnaires de déchets, comme les énergéticiens

Avec 10 premières wagabox déjà en exploitation, principalement en France, et neuf autre en cours de construction, Waga Energy (qui dispose d'un siège en région grenobloise, mais aussi désormais de plusieurs bureaux à Paris, Barcelone, au Québec et aux Etats-Unis), joue la carte du « multilocal ».

Elle a notamment déjà convaincu des acteurs du déchet comme Suez et Veolia, avec un 4e projet récemment annoncé avec ce dernier afin de valoriser le gaz du Pôle stockage-énergie de Chatuzange-le-Goubet (Drôme) sous forme de biométhane.

A chaque fois, l'objectif est bel et bien de permettre à Waga Energy de valoriser les émissions de leurs sites d'enfouissement, pour revendre ensuite le biométhane produit à des énergéticiens qui le réinjectent dans leur réseau de gaz naturel.

Un modèle «jugé « gagnant-gagnant » puisque pour les énergéticiens clients, « l'objectif demeure d'acquérir le biométhane le moins cher du marché, afin de pouvoir le proposer à leurs consommateurs, qui souhaitent désormais avoir de plus en plus souvent une alternative aux énergies fossiles », affiche Mathieu Lefebvre.

De quoi revendre également du gaz "vert" à un prix qui se veut compétitif, alors que le marché fait justement face à l'accroissement de la demande au niveau mondial, et à une forte flambée des prix : de son côté, l'isérois compte proposer un biométhane qui serait compris entre 40 et 70 euros du mégawatt-heure, avec un tarif dégressif en fonction de la capacité de son site.

Le tout, pour alimenter ensuite des usages dans le domaine de la mobilité (transport poids lourds), de l'industrie ou de l'alimentation des réseaux de chaleur.

Un modèle capitalistique, pensé sur du temps long

A date, les wagabox exploitées par Waga Energy ont déjà injecté plus de 30 millions de mètres cubes de biométhane, soit 320 GWh d'énergie, évitant ainsi l'émission de 52.000 tonnes d'equivalent CO2 dans l'atmosphère.

Reste que pour chaque unité assemblée et livrée, le modèle se veut capitalistique : à titre d'exemple, son projet acté avec Veolia à Claye-Souilly (Seine et Marne) est estimé à 10 millions d'euros d'investissements, supportés par la pépite iséroise qui l'exploitera ensuite sur des contrats de longue durée (15 ans en moyenne). Le groupe Veolia réalisera quant à lui les aménagements nécessaires à l'accueil de l'équipement sur son site pour un montant de 1 million d'euros.

Appelée à démarrer en février 2022, ce projet permettra par exemple d'injecter 120 GWh de biométhane par an dans le réseau de GRDF. De quoi alimenter plus de 20.000 foyers du bassin parisien (et éviter l'émission de 25 000 tonnes de CO2 par an dans l'atmosphère), ce qui en fait également la plus grosse wagabox de la société, et « l'un des plus importants projets d'injection de gaz vert en France et en Europe ».

La conception de ces wagabox, qui nécessite 12 à 18 mois de travail, est confiée à des partenaires chaudronniers notamment du bassin grenoblois, tandis que la rentabilité d'un tel équipement est conçue sur du long terme : bien que discrète sur les chiffres à ce sujet, Waga Energy confirme que son objectif prévoit une marge d'Ebitda comprise entre 30 et 50% à horizon 2026.

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