Agrivoltaïsme : dans la Drôme, Agnès Pannier-Runacher promet un meilleur encadrement des pratiques au profit de l'agriculture

Trois jours après la publication du décret sur l’agrivoltaïsme, le 9 avril, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, a choisi de se rendre dans la Drôme pour visiter l'exploitation « Clair Fruits », qui teste cette solution depuis quelques années. L’occasion pour la ministre déléguée de mettre en avant l’ambition et les mesures du décret, tout en essayant de rassurer sur les flous et les inquiétudes qui demeurent.
Installation d'agrivoltaïsme réalisée par Sun'Agri.
Installation d'agrivoltaïsme réalisée par Sun'Agri. (Crédits : Sun'Agri)

C'est en terrain presque conquis, au sein de l'exploitation agricole « Clair Fruits », située à Loriol (Drôme), que s'est aventurée Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, ce vendredi matin :  trois jours après la publication du décret sur l'agrivoltaïsme.

Ce site a, en effet, fait le choix d'installer des panneaux solaires depuis trois ans sur ses parcelles.

« Les cerises craignent énormément le soleil. Avec mon fils, on s'est rendu compte que si nous ne trouvions pas un système pour apporter de l'ombre aux arbres, on devrait arrêter de cultiver ces fruits », introduit Christian Clair, à la tête de l'exploitation. Son déplacement au salon international agricole Tech&Bio, qui se déroule tous les deux ans dans la Drôme, lui a permis de découvrir il y a quelques années l'entreprise « Sun'Agri », spécialiste de l'agrivoltaïsme depuis 2009. Une collaboration débute alors en 2021 sur une première parcelle avant une extension, en 2023, de la surface couverte par des panneaux photovoltaïques.

« Trois ans après, on voit la différence avec les arbres témoins » qui n'ont pas bénéficié de la solution. « Ceux situés sous les panneaux se comportent beaucoup mieux, la couleur des feuilles est différente. Le résultat est probant. » A ce premier bilan visuel s'ajoute une économie significative avec la réduction de « 30% des besoins en eau », ajoute l'exploitant.

Un bénéficie également constaté par Sun'Agri sur les autres exploitations qu'elle accompagne. Et qui s'explique par une réduction de la température sous les panneaux de quelques degrés.

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« Les principaux résultats agronomiques portent sur la protection face aux canicules et à la sécheresse, avec une température de l'air sous les panneaux inférieure de 4°C et sur feuille de 10°C », confirme Boris Marchal, responsable des relations institutionnelles de Sun'Agri en Auvergne-Rhône-Alpes.

Une meilleure tolérance aux aléas climatiques qui fonctionne également en hiver avec, à l'inverse, un gain de 2°C sous panneaux, permettant de réduire l'impact du gel dans une certaine mesure.

« Les panneaux protègent également les arbres contre la pluie et permettent de récolter lorsqu'il pleut », ce qui offre une meilleure conservation des fruits, confie Christian Clair.

Disposés à des hauteurs comprises entre 4,5 m et 6 m de hauteur pour ne pas gêner la mécanisation agricole et maintenir les conditions d'agriculture, les panneaux « sont inclinables à plus ou moins 90 degrés afin de piloter l'ensoleillement de la plante et répondre à ses besoins en lui évitant un stress hydrique », détaille Boris Marchal. L'objectif étant de prendre en considération les besoins et les contraintes spécifiques de chaque culture, mais aussi des agricultures pour apporter une solution sur-mesure.

Un modèle économique variable

Le modèle de Sun'Agri se distingue de certains de ces concurrents, puisque la société n'est pas un énergéticien. Un cahier des charges est d'abord établi avec un agriculteur. Puis une société de projet, qui deviendra le producteur, est ensuite créée.

Cette entité sera portée par des investisseurs qui se rémunèreront sur la production. En tant que prestataire de pilotage de persiennes agricoles, « nous sommes indépendants de la production énergétique », insiste Boris Marchal, qui défend ainsi ne pas avoir d'intérêt à pousser au maximum les rendements productifs d'électricité.

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Pour Christian Clair, le gain est uniquement agronomique, assure t-il : « Pendant trente ans, la durée de l'engagement, il aura accès à cet outil de protection afin de maximiser son rendement agricole. C'est son seul intérêt dans ce projet. » Ce qui n'empêche pas les agriculteurs de prendre eux-mêmes des parts dans la société de projet s'ils le souhaitent, ajoute t-il.

Mais dans d'autres cas, cette solution peut également apporter un complément de revenus à l'agriculture via, justement, cette production d'électricité.

Ce « complément de revenu peut être une garantie de maintien de l'activité, notamment pour l'élevage ovin. Avoir un complément de revenu régulier, pendant 20 ans, permet de gagner en sécurité », a réaffirmé Agnès Pannier-Runacher lors de son déplacement.

Rassurer les voix qui s'élèvent

Un des principaux risques serait de voir des terres agricoles se muer en champ de panneaux photovoltaïques, sans qu'aucune culture n'y pousse plus. « Le risque est d'avoir un système agrivoltaïque qui n'en a que le nom, et où la production agricole va rapidement disparaître par manque de rentabilité », mettait en garde Christian Huyghe, directeur scientifique à l'Inrae, en décembre dernier. La recommandation de l'institut, de limiter la couverture de panneaux à 20 à 25% de la surface agricole, n'a d'ailleurs pas été suivie, le décret annonçant un taux maximum de 40%.

« Sur le terrain agricole, il y a un ordre de priorité, production agricole d'abord, production photovoltaïque ensuite », a pourtant martelé Agnès Pannier-Runacher. C'est pourquoi , cette activité « nécessite d'être bien encadrée pour éviter les projets prétextes et l'installation de panneaux photovoltaïques au sol ». Cette pratique est d'ailleurs interdite par la loi et a été réaffirmée dans le décret.

« On parle de développer l'agrivoltaïsme sur 1% de la surface agricole utile d'ici à 2030. On fera des panneaux au sol sur des zones qui ne sont plus exploitées depuis longtemps et sont impropres à l'exploitation, poursuit-elle. On a demandé à la chambre d'agriculture de nous aider à définir tous les terrains propices à des installations au sol. »

Des contrôles seront réalisés, a minima, au moment de l'installation et après six ans d'exploitation. Des contrôles aléatoires pourront également intervenir. L'Ademe aura la charge de compiler les installations, a également mis en avant Agnès Pannier-Runacher sur France Bleu. Et les sanctions pourront être fortes. En cas de fraude, le contrat de fourniture d'électricité pourrait être annulé et l'agriculteur condamné à rembourser la totalité des gains perçus.

Si la ministre déléguée pointe ici les avancées réalisées pour encadrer cette activité, elle reconnaît qu'il « y a encore beaucoup de questions, tout n'est pas encore ficelé. »

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De son côté, Boris Marchal salue l'arrivée de ce décret, estimant qu'il « va donner naissance à l'agrivoltaïsme en lui donnant comme définition celle d'un outil à vocation agricole. Et offrir un cadre réglementaire qui devrait faciliter l'instruction des projets. » Ce qui était, selon Christian Clair, le véritable point noir de ce système.

Mais une autre voix se fait plus dissidente : celle de la confédération paysanne. « Par ce texte, le gouvernement fait même tomber les rares garde-fous instaurés par le législateur pour préserver les paysans et les paysannes et le foncier de l'appétit des énergéticiens. [...]  Lorsque le texte estime que couvrir plus de 40% d'une surface agricole avec des panneaux est un avenir désirable, nous affirmons que c'est autant d'autonomie qui est enlevée aux paysannes et paysans et à la production alimentaire de la France. »

La confédération paysanne a également, assuré, le jour de publication du décret, qu'elle prendra ses responsabilités et déposera un recours contre ce décret, afin de contraindre le gouvernement à revoir sa copie.

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Commentaire 1
à écrit le 13/04/2024 à 8:17
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Nous voilà un peu dans la même situation que dans le médical, compter sur une industrie chimique qui ne cherche ni ne trouve plus rien depuis des décennies pour nous osigner ou nous faire manger sans nous empoisonner n'est pas raisonnable, ils ne cha...

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