Crise de l'agriculture : les apiculteurs ne digèrent pas la mise en pause du plan Ecophyto

Peu entendue jusqu’ici, la filière apicole n'en attendait pas moins des mesures fortes de la part du gouvernement. La troisième salve de mesures annoncées par le Premier ministre, Gabriel Attal, ce jeudi, n’a pas convaincu. Au contraire, la mise en pause du plan Ecophyto 2030, censé réduire l'usage de produits phytopharmaceutiques devient, selon eux, une menace pour les abeilles. Un mécontentement qui devrait donner lieu encore à une série de blocages dans la région, dès lundi.
Apiculteur en Provence
Apiculteur en Provence (Crédits : Apiculteurs en Provence)

Plus modeste à l'échelle nationale que la viticulture ou l'arboriculture, la filière apicole est particulièrement active en Auvergne-Rhône-Alpes. En 2016, la région était la première en nombre d'apiculteurs. Comme le reste du monde agricole, l'apiculture fait face à une crise, entamée depuis longtemps, qui menacerait sa survie.

La concurrence étrangère dans le viseur

Anthony Mercier, apiculteur et président du groupement des apiculteurs professionnels de Savoie (GAPS) dénonce une crise du miel due à  « l'importation de miel à bas coût en provenance de l'Union européenne et d'autres pays, hors de l'Union européenne. » Selon lui, le miel ukrainien serait ainsi vendu, en vrac, à moins de 2 euros le kilo aux négociants et conditionneurs européens et français. « Aucun pays européen ne peut produire un miel à un tel prix », assène t-il. Face à une telle tarification, les apiculteurs français qui vendent en moyenne leur « miel en vrac autour de 6 euros le kilo » sont étouffés par la concurrence. Résultat, « tous les apiculteurs enregistrent une baisse des ventes de 30 à 50% sur les volumes qu'ils réalisent habituellement », constate Anthony Mercier.

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Ce phénomène s'ajoute à un autre, étroitement lié, l'importation de miel adultéré provenant majoritairement de Chine. Cette technique consiste à diluer le miel en y ajoutant du sirop de sucre afin de réduire les coûts finaux du produit. Dénoncé depuis plusieurs années, cet artifice poursuit son essor. En mars 2023, la Commission européenne publiait une étude signalant que près d'un miel sur deux (46%) importé au sein de l'Union européenne était suspecté d'adultération. Cette concurrence déloyale et imperceptible, engendre une méfiance des consommateurs envers la filière, indique l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) sur son site.

Un manque de clarté sur les provenances

Anthony Mercier souligne, toujours sur cet enjeu d'emballage, un manque de clarté sur l'indication de l'origine du miel. Aujourd'hui, les conditionneurs sont obligés d'indiquer, par ordre pondéral, la provenance des regroupements de lots sur un pot de miel. Une règle jugée insuffisante. « Nous avons demandé à ce que soit ajouté le pourcentage pour chaque provenance », détaille le président du GAPS. « En grandes et moyennes surfaces, on trouve des pots de miel avec une double indication, Espagne et France. En réalité, on peut avoir 99,9% de miel d'Espagne et seulement 0,1% de miel français, et indiquer une provenance française. » Certains acteurs n'hésiteraient pas à ajouter des signes distinctifs comme une carte de la France ou un drapeau tricolore pour renforcer leur message. « À partir du moment où le packaging induit le consommateur en erreur en flattant une origine douteuse, cela est une fraude qui doit être condamnée. »

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Face à cette situation, que la filière apicole n'est pas la seule à constater, le gouvernement s'est engagé à augmenter le nombre de contrôles dans les années à venir. Une mesure attendue qui ne convainc pas totalement l'apiculteur, sceptique sur sa possible mise en oeuvre. « Les agents de la répression des fraudes nous expliquent qu'ils ont moins de fonctionnaires et plus de champs de compétences et de prérogatives. L'État annonce plus de contrôles dans les grandes surfaces, c'est ce que nous souhaitons. Mais s'il n'y a pas plus de professionnels pour les réaliser, c'est juste un effet d'annonce », lance t-il, amer.

L'annulation du plan Ecophyto ne passe pas

Souvent nommées les sentinelles du climat, les abeilles sont « très exposées aux changements climatiques qui stressent les végétaux et à l'emploi des produits phytosanitaires. » Dans ce contexte, la mise en pause du plan Ecophyto, qui vise à réduire les usages de produits phytopharmaceutiques de 50% d'ici 2025 et de sortir du glyphosate d'ici fin 2020 pour les principaux usages et au plus tard d'ici 2022 pour l'ensemble des usages, n'est pas vu d'un bon œil par les apiculteurs. « Nous voulons l'annulation de cette décision, rétorque le président du GAPS qui pointe le danger direct de ces produits pour les abeilles et les sols. Or, ces insectes « contribuent à la pollinisation de 80% des fruits et des légumes que l'on retrouve sur les étales, rappelle t-il. L'abeille aura une mission d'utilité publique dans les années à venir, à condition qu'on la protège. »

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Même si de telles normes créent un effet de distorsion par rapport à la concurrence étrangère, en faisant peser davantage de contraintes sur la filière, Anthony Mercier les estime essentielles. Pour faire entendre leurs voix et leurs mécontentements, les apiculteurs de la région ont prévu des actions. « Nous allons organiser une opération « Ruches mortes » dès lundi en bloquant le péage de Saint-Quentin-Fallavier », confie t-il. Signe que le dossier sur les phytosanitaires est loin d'être clos et risque de créer des dissensions avec d'autres secteurs agricoles en accord avec l'usage de ces produits.

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Commentaires 2
à écrit le 04/02/2024 à 7:44
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Mais que valent les abeilles face aux paradis fiscaux de ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant ? Que dalle ! Elles savent pas ce qui est important, elles ne peuvent pas comprendre les abeilles allez ouste !

à écrit le 03/02/2024 à 23:17
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Encore des empêcheurs de polluer en rond.

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