Crise agricole : Lyon à son tour menacée d'être « prise en tenaille » par les agriculteurs

Après l’annonce d’un blocus de Paris ce lundi, la crise agricole semble s’exporter également au coeur de la deuxième ville de France. Les syndicats FRSEA et Jeunes Agriculteurs ont annoncé leur volonté de « prendre Lyon en tenaille » dès cet après-midi. Une opération qui pourrait provoquer un effet domino avec celle des taxis lyonnais, également attendus dans les rues ce lundi.
Après Grenoble où des agriculteurs se sont relayés tout le week-end pour bloquer une portion de l'A480, plusieurs syndicats veulent bloquer Lyon. (Photo d'un blocage à Grenoble)
Après Grenoble où des agriculteurs se sont relayés tout le week-end pour bloquer une portion de l'A480, plusieurs syndicats veulent bloquer Lyon. (Photo d'un blocage à Grenoble) (Crédits : ML)

Ce week-end n'aura été qu'une courte accalmie en région lyonnaise. Car aux dires des agriculteurs, « les annonces du Premier Ministre ne sont pas à la hauteur ». A l'issue des premiers blocages mis en place la semaine dernière - et de la tenue d'un congrès départemental de la FDSEA 69 qui s'était déroulé vendredi, en plein coeur de l'axe routier M6, en présence du ​​président de la branche nationale, Arnaud Rousseau-, les syndicats agricoles FRSEA et Jeunes agriculteurs ont décidé de mettre en place ensemble « une tenaille lyonnaise, avec des ramifications partout dans la région ». Et ce, dès ce lundi après-midi.

Objectif : appuyer les revendications portées la semaine dernière aux quatre coins de l'Hexagone, et faire une démonstration de force au coeur de la deuxième ville de France, en écho au blocage de Paris, annoncé ce lundi.

Car la Région Auvergne Rhône-Alpes, qui fait partie des poids lourds en matière agricole, ne souhaite pas être oubliée dans un combat qui a pourtant démarré en Occitanie, avant de s'étendre comme une traînée de poudre au sein de l'Hexagone : avec ses 175.000 actifs agricoles et 48.500 exploitations pour une surface agricole moyenne de 59 hectares par exploitation (contre 69 hectares moyens en France), Auvergne Rhône-Alpes demeure en effet la troisième région française sur le plan des exploitations agricoles, et sur la quatrième marche du podium en matière de surfaces agricoles cultivées.

Un territoire particulièrement marqué par l'ensemble des filières d'élevage (lait, viande bovine, ovine, porcine, lapins, mais aussi aviculture et apiculture) ainsi que par les filières végétales (viticulture, légumineuses, semences et fruits), mais aussi par des productions très spécialisées comme la lentille, les noix et l'agriculture de montagne.

L'Ain et le Rhône déjà très mobilisés

Aux portes de Lyon, la mobilisation a débuté à 5 heures avec une opération escargot initiée dans les Monts du Lyonnais, en direction de l'A450. Un blocage est prévu au niveau d'Oullins Pierre-Bénite.

« Plus de 80 tracteurs étaient déjà présents en milieu de matinée », a confirmé à La Tribune Michel Joux, président de la FRSEA, qui a rappelé la volonté du syndicat agricole de bloquer la ville de Lyon, sans toutefois avoir l'intention d'y entrer pour le moment. « Une mobilisation d'ampleur, avec un blocage de Lyon sur ses quatre entrées, est envisagée dès mardi après-midi. »

Les forces en présence estiment que leur occupation du terrain pourrait durer jusqu'à vendredi, en raison de la forte mobilisation observée à l'échelle départementale et régionale.

Dans l'Ain, les préparatifs étaient encore en cours ce matin. « Nous sommes toujours en visio pour déterminer les lieux de départ », confie à La Tribune Jonathan Janichon, Président FDSEA de l'Ain, qui confirme également la volonté d'installer un blocage du péage de Villefranche-sur-Saône, le plus important du département, « au plus tard à partir de 17 heures ce lundi ».

Le départ de la mobilisation est prévu en début d'après-midi à Châtillon-sur-Chalaronne pour une rencontre à Belleville avec les agriculteurs du département du Rhône.

Les agriculteurs de Saône-et-Loire pourraient également rejoindre le dispositif ce mardi ou mercredi, en fonction de la durée de la mobilisation. Ce qui permettra de tenir les positions « au moins jusqu'à vendredi » et ce, sans difficulté, confie le président FDSEA de l'Ain. La durée de la mobilisation dépendra des annonces du gouvernement, « qui devront être fortes » prévient-il.

L'attente d'un sursaut

« On a essayé d'autres solutions pour se faire entendre. On a tenté d'alerter l'Etat en retournant les panneaux, en rencontrant les représentants de l'Etat dans les régions », souligne à La Tribune Jocelyn Dubost, président des Jeunes Agriculteurs Auvergne Rhône-Alpes, qui regrette de devoir en arriver à une telle mobilisation.

L'objectif n'est pas d'empêcher le passage des citoyens et des urgences, a tempéré Jonathan Janichon, mais de bloquer économiquement la ville en espérant voir le « président de la République s'emparer du dossier. »

Bloquer « la capitale, la deuxième, la troisième et d'autres villes de France » est un « choix stratégique » visant à « mettre la pression sur le gouvernement », reconnaît Michel Joux.

L'embrasement devrait donc se poursuivre et se renforcer au cours de la semaine si le gouvernement n'apporte pas une réponse forte et concrète aux agriculteurs.

La FRSEA, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs Aura attendent tous la construction d'un pacte de confiance avec l'Etat basé sur des mesures concrètes. Jonathan Janichon dénonce « des effets d'annonce qui ne prennent pas en compte la réalité des agriculteurs » et des discours « qui ne se concrétisent pas dans le temps ».

La préfecture du Rhône appelle à éviter les déplacements inutiles

La « tenaille lyonnaise » pourrait se ressentir d'autant plus fortement que, dès ce lundi matin, les taxis conventionnés pour le transport sanitaire appelaient eux aussi leurs membres dans la rue. Ils dénoncent quant à eux les tarifs de la nouvelle convention proposée par l'Assurance maladie, jugés insuffisants, et annoncent une série d'opérations escargot et de points filtrants sur la route métropolitaine M6, le boulevard périphérique nord de Lyon ainsi que les boulevards périphérique D383 (depuis Lyon 7°, Plaine des Jeux de Gerland), D383 (au niveau du secteur Villeurbanne / Porte de Cusset) ainsi que le boulevard Chambaud de la Bruyère.

En conséquence, la Préfecture de région a d'ores et déjà appelé les automobilistes à « différer tout déplacement non indispensable » et à « faciliter le recours au télétravail pour les salariés ».

Contactée par La Tribune, son cabinet indique que « compte-tenu de la volonté d'assiéger Lyon comme il a été annoncé et au regard de ce qui se passe en région parisienne, des consignes pour sanctuariser Lyon intra-muros et notamment ses bâtiments publics et les biens privés ont été prises ». Et de préciser cependant qu'à ce stade, « aucune velléité particulière n'a été détectée. Nous avons de bons contacts avec les organisateurs de ces manifestations, et notamment la FDSEA, auprès de laquelle la Préfète de région s'était déjà rendue vendredi lors du congrès départemental, et durant lequel elle a prononcé un discours de clôture ».

Des blocages à l'échelle régionale également

Par ailleurs, d'autres blocages à l'échelle régionale étaient appelés à se poursuivre dès ce début de semaine sur l'ensemble de la région, notamment sur l'autoroute A6 au niveau du péage de Villefranche-sur-Saône / Limas (Rhône) dans les deux sens, sur l'A43 au niveau du péage de Saint-Quentin-Fallavier (Nord-Isère) également dans le deux sens, ainsi que sur l'A47, à hauteur l'aire de repos du Gier (Loire) à partir de la mi-journée.

Dans l'agglomération grenobloise également, le blocage d'une portion de l'A480 au niveau de la sortie Vallier-Catane s'est poursuivi tout au long du week-end et devait être maintenu « au moins jusqu'à mardi », selon des sources syndicales, entraînant d'importants embouteillages sur les axes secondaires et en coeur de ville.

Du côté de Chambéry (Savoie), le principal point de blocage du péage de Chignin a finalement été levé samedi midi à l'issue de plusieurs jours de mobilisation, dans un week-end de fort trafic, où près de 70.000 véhicules étaient attendus vers les stations de ski.

C'est dans ce contexte explosif que le ministre de l'Agriculture, Marc Fresneau, tentait encore ce lundi matin de rassurer sur le plateau de France 2 en annonçant que le gouvernement émettrait au cours des deux prochains jours de nouvelles mesures, en réponse à la colère des agriculteurs. « Dans les 48 heures, on aura un certain nombre de choses qu'on pourra poser sur la table », assurait-il. Des réponses particulièrement attendues, tant au coeur de la capitale que sur le bassin lyonnais et auralpin.

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