Wesk : le pari de l'ex-président de Navya pour une mobilité... sans bornes de recharges

Enquête (2/5). Deuxième volet de notre série de cinq enquêtes sur le business complexe des bornes de recharge électrique, qui sont publiées chaque jour depuis hier jusqu'à vendredi. La Tribune a sélectionné plusieurs pépites françaises qui dynamisent le marché des bornes. C'est notamment le cas à Lyon du spécialiste de l’autopartage Wesk. Au moment de sa création, Christophe Sapet, ancien PDG de Navya, voulait concrétiser un pari technologique : proposer une mobilité électrique sans bornes de recharge, à l'aide de batteries dites "swappables" (échangeables). Avec un double objectif : réduire les coûts d'accès aux infrastructures de recharge, tout en facilitant le déploiement de solutions d'autopartage.
La jeune pousse lyonnaise a déjà acquis une cinquantaine de véhicules auprès de l'italien Estrima (avec son modèle Biro), et se prépare à lancer des expérimentations au sein d'une à deux villes françaises à compter de septembre prochain.
La jeune pousse lyonnaise a déjà acquis une cinquantaine de véhicules auprès de l'italien Estrima (avec son modèle Biro), et se prépare à lancer des expérimentations au sein d'une à deux villes françaises à compter de septembre prochain. (Crédits : DR)

[Article publié le 26.05.2021 à 13:00, réactualisé le 10.09.2021]

La nouvelle aventure de Christophe Sapet se confirme. Il vient de boucler en mai dernier son premier tour de financement de 3 millions d'euros, finalisé notamment auprès de l'accélérateur dédié aux transitions écologiques du studio lyonnais Waoup, Greenpact.

Avec, en ligne de mire, le marché de l'autopartage en forte croissance : « le concept de Wesk est né en collaboration avec le startup studio Waoup, car nous avions identifié le marché de l'autopartage comme un secteur d'avenir, qui va connaître une forte croissance au cours des prochaines années », explique Christophe Sapet.

Car dans la mouvance du déploiement de nouveaux réseaux innovants comme celui du service de location de scooters électriques en libre-service Cityscoot à Paris, l'ancien pdg de Navya croit toujours à l'aventure de l'autopartage électrique, malgré les échecs de certains concurrents comme Bluely, qui s'est retiré du marché lyonnais en septembre dernier, en dépit de ses quelques 10.000 abonnés actifs.

« Pour nous, l'avenir se situe dans les micro-véhicules à quatre roues, qui présentent des avantages à la fois en matière de sécurité par rapport aux scooters, mais qui sont aussi moins sensibles aux aléas climatiques, tout en conservant une faible empreinte au sol ».

Tandis que du côté du modèle économique, sa jeune entreprise Wesk avait identifié le point faible des installations actuelles : celui du montant capitalistique nécessaire à la mise en place d'un réseau de bornes de recharge.

« Je crois que les gens se sont rendus compte qu'il était difficile de déployer un réseau de bornes en ville, ce soit en vertu des investissements nécessaires ou encore, des travaux de génie civil, qui peuvent venir fortement retarder le développement des flottes ».

Une société italienne à l'avant-garde du concept

La jeune pousse lyonnaise a donc fait le choix de lancer et opérer un concept de flotte de petits véhicules électriques « Shaary », munis d'une batterie « swappable », c'est-à-dire amovible, de la même façon qu'une pile. De la taille d'une valise et d'une puissance de 3,5 kWh, celles-ci permettraient d'offrir une autonomie de 60 km. Avec une cible d'utilisateurs urbains, utilisant ces véhicules pour de petits trajets de 10 minutes environ.

Et si le concept existait selon Christophe Sapet depuis quelques années, il n'avait pas encore trouvé sa place aux côtés des technologies plus conventionnelles jusqu'ici...

« Pour autant, il existait par exemple déjà une entreprise italienne, Estrima (et son modèle Biro, concurrent de la Renault Twizy), qui avait lancé ses premiers modèles il y a cinq ans et avec laquelle nous travaillons désormais », rapporte-t-il.

Et si ce fournisseur italien fait partie des premiers modèles retenus par Wesk, la pousse lyonnaise oeuvre également actuellement à développer des partenariats avec d'autres constructeurs à ce sujet.

« Nous pourrions faire appel à des véhicules qui soient pensés dès leur origine en mode swappable, ou bien qui proposent une version spécifique pour notre offre », envisage-t-il.

D'ailleurs, fort de l'expérience de plusieurs anciens de l'aventure Navya -dont l'ex directeur du développement commercial international, Henri Coron-, Wesk ne s'interdira pas de s'impliquer dans des travaux de conception de ses propres batteries à l'avenir, en vue de participer à breveter éventuellement son propre système...

Car le pari technologique représente, pour la jeune pousse, un pilier stratégique de son offre, dont découle ensuite un modèle économique qui se veut plus rentable que celui de ses concurrents.

En commençant par des coûts d'exploitation plus restreints, puisque Wesk fait le pari de se passer des investissements réalisés habituellement au sein des stations de recharge, au profit d'un local technique central au sein de chaque ville. Celui-ci serait ainsi équipé d'une armoire de recharge avec des tiroirs, où les batteries pourraient être rechargées sur des prises standards et acheminées quotidiennement par des techniciens.

Des coûts d'exploitations tirés au plus près

« Dans ce modèle, les véhicules pourraient ainsi être loués en tous temps, ce qui représente un gain de temps et de rentabilité considérable, contrairement à nos concurrents qui devaient compter avec une amplitude horaire amputée trois à quatre heures dédiées à la recharge », illustre Christophe Sapet.

Car chaque véhicule Shaary est prévu pour être équipé de deux batteries, permettant de prendre le relais durant le temps de charge.

Avec, à la clé, une technologie de géolocalisation, signée par l'entreprise niçoise Vulog, déjà leader dans son domaine, qui permettra de savoir précisément où se trouvent les véhicules ayant besoin d'être chargés à un instant T.

« Nous avons également réussi à diviser le coût de revient de nos véhicules par quatre, en comparaison de celui des flottes utilisées par d'autres concurrents. Nous sommes ainsi aujourd'hui plutôt dans une fourchette autour de 12.000 euros par véhicule », ajoute-t-il. Avec des batteries qui présenteraient la même durée de vie qu'une batterie traditionnelle, c'est-à-dire près de 1.500 cycles, ce qui représenterait quatre années de fonctionnement, en moyenne.

De quoi imaginer une offre de service qui se situe entre 30 et 0,50 euros la minute à l'utilisation, assortie d'une commission de prise en charge de 1,5 à 2 euros, afin d'assurer une facturation minimale et d'éviter ainsi les faibles trajets de 500 mètres...

Avec comme principale cible, des trajets de l'ordre de 1,5 à 4,5 km, « que ce soit sur des zones urbaines peu ou mal desservies, ou qui présente des contraintes géographiques comme par exemple les montées de la Croix-Rousse à Lyon ».

Restera cependant un défi de taille à adresser pour Wesk : celui de l'intégration du coût des incivilités au sein du modèle économique de sa future flotte.

Christophe Sapet l'affirme : bien que l'objectif de proposer des véhicules de petite taille et légers, ceux-ci devront être suffisamment résistants afin de demeurer dans la durée. « nous aurons tendance à privilégier des modèles peut-être un peu plus chers, mais plus résistants ».

De premières expérimentations d'ici septembre

Cette première levée, qui en appellera nécessairement d'autres d'ici 2022, permettra ainsi à ce nouvel acteur lyonnais de déployer, à compter de septembre prochain, « un à deux sites d'expérimentations » de sa flotte à l'échelle française.

Il a, dans cet objectif, déjà acquis une flotte d'une cinquantaine de véhicules, qui sera bientôt portée à une centaine d'ici quelques semaines, et s'apprête à renforcer ses effectifs en passant de dix à une trentaine de salariés d'ici la fin de l'année, sur son site de Dardilly (Rhône), près de Lyon.

« Pour l'instant, nous ne pouvons pas annoncer leur nom, mais des discussions sont très avancées avec quelques territoires », précise Christophe Sapet. Pour l'heure, Auvergne Rhône-Alpes ne figurerait cependant pas encore à l'agenda des tout premiers déploiements...

La jeune pousse vise notamment l'obtention du label auto-partage qui, permis par la Loi Grenelle 2, pourrait ainsi lui permettre d'aller plus vite, en signant des conventions d'occupation de la voirie aux côtés des collectivités locales, selon leur propre cahier des charges.

Wesk cible d'ailleurs en premier lieu les municipalités les plus actives dans le déploiement des zones à 30km/h, auxquels correspondent particulièrement bien les capacités de ses propres véhicules.

Et bien que le lyonnais vise en premier lieu les territoires urbains, il regarde déjà attentivement les perspectives qui pourrait s'offrir à lui au sein des territoires ruraux, où l'offre de transports en commun ne parvient pas à combler les besoins.

« Pour autant, l'équation économique n'est pas du tout la même en milieu rural et nécessitera de se rapprocher des collectivités, afin de prendre en charge une partie des coûts d'exploitation, compte-tenu du plus faible nombre d'utilisateurs potentiels », reprend le fondateur, qui ne s'avère toutefois pas vaincu pour autant.

« Les collectivités locales sont déjà engagées dans le financement des transports en commun : tout l'enjeu sera de leur démontrer tout l'intérêt et la complémentarité d'un système d'autopartage de ce type ». Avec, comme autres pistes de développement, celle d'une utilisation au sein des sites industriels, tout comme son ex-société, Navya.

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