Depuis quelques mois, ils planchaient sans relâche sur un second axe de recherche, contexte sanitaire oblige. Les chercheurs de la jeune pousse Grapheal, une spin-off du CNRS de Grenoble, à l'origine spécialisés dans le développement d'un pansement connecté à base de graphène pour le suivi de la cicatrisation des plaies, ont depuis quelque temps réorienté leurs recherches pour répondre aux besoins de la pandémie.
Avec, à la clé, un test salivaire Covid-19 numérique (TestNPass) qui permettrait d'obtenir un diagnostic de manière simplifiée et à grande échelle, mais aussi à prix modéré. Concrètement, un signal est capturé électroniquement sur le biocapteur, dont le résultat est mémorisé ensuite au sein d'une étiquette RFID garantissant la confidentialité des utilisateurs. Le tout, sans utiliser de batterie ni pile, pour un résultat qui peut être transmis et lu en l'espace de quelques sur smartphone.
« Il s'agit d'une électronique minimaliste, basée sur la même technologie que le pansement, et qui permet de reconnaître la présence du virus ou d'une protéine virale du virus », avance le Ceo, Vincent Bouchiat.
A terme, son idée est de se saisir de cet outil pour proposer des diagnostics rapides en vue de délivrer une forme de passeport sanitaire, sous forme d'une étiquette RFID qui peut être récupérée et apposée sur un document administratif, comme un passeport par exemple. Objectif : certifier du résultat du test tout comme de l'identité biométrique de celui qui l'a réalisée, pour un tarif unitaire qui pourrait atteindre les 10 euros.
Des tests cliniques en cours au CHU de Grenoble
Si pour l'heure, le dispositif n'a pas encore reçu d'approbation par les autorités de santé, il fait l'objet d'un essai au Centre de virologie du CHU de Grenoble. Objectif : tester désormais sa fiabilité en conditions réelles, auprès d'une cohorte d'une soixantaine de patients au cours de ce printemps, en comparant les résultats obtenus par ce nouveau test salivaire à la technique de référence de la RT-PCR.
Et la jeune pousse de dix collaborateurs n'est pas complètement partie de zéro, comme en témoigne Vincent Bouchiat :
« Cela peut sembler très différent à première vue du modèle de pansement connecté que nous étions en train de développer, mais en réalité, jusqu'à 80% de la technologie est la même », s'amuse-t-il.
Car derrière ce test salivaire nouvelle génération tout comme le pansement connecté en cours de développement par grapheal, se cache le graphène-sur-polymère. Un nanomatériau composé de carbone ultra-fin, qui présente différentes propriétés techniques (électriques, mécaniques et de résistance à la corrosion) mais aussi utiles au domaine médical, comme ses vertus biostimulantes, et sensibles à la détection de certains phénomènes biologiques.
Des partenariats avec des industriels déjà en poche
Le dispositif est déjà pensé pour être compatible aux exigences RGPD, et pourrait être dans un premier temps proposé aux lieux de forte affluence (aéroports, congrès, festivals culturels, voire même ehpads, etc), sous réserve que cette innovation soit bien entendue approuvée par les autorités de santé. Le cycle pourrait cependant être accéléré, puisqu'il existe désormais un guichet spécifique d'urgence depuis la pandémie de Covid-19.
« Pour l'instant, il est un peu tôt pour évoquer le pourcentage de fiabilité car les tests cliniques sont encore en cours, mais nous avons beaucoup travaillé dessus au cours des derniers mois afin qu'il présente un bon niveau de fiabilité et qu'il détecte notamment les protéines S et N du virus», indique Vincent Bouchiat.
Selon le pdg, des contacts auraient même déjà été noués avec des industriels spécialistes des dispositifs médicaux, et capables de produire de la petite électronique embarquée sur des grands volumes. Avec toutefois, un petit regret à ce stade : « Pour l'instant, plus nous éloignons et plus l'intérêt pour notre produit est élevé... ».
Signe que la lourdeur administrative française ne penche pas encore pour ces nouvelles générations de tests de dépistage, pourtant déjà massivement utilisés dans d'autres pays comme la Chine par exemple ?
De son côté, Grapheal espère qu'il pourra, à terme, nouer des partenariats avec des fournisseurs locaux, d'autant plus que l'écosystème local en matière de medtechs s'avère particulièrement dynamique en Auvergne Rhône-Alpes.
Une commercialisation « au plus tôt » à l'automne
Son test de dépistage présenterait même un autre atout supplémentaire dans sa manche pour adresser ce marché, puisqu'il serait également capable de fonctionner avec les variants actuels du virus. « Il pourrait même permettre, pourquoi pas à terme, de les distinguer », espère Vincent Bouchiat.
En fonction des résultats de l'étude clinique en cours, Grapheal ambitionne une sortie de son test salivaire « au plus tôt » à l'automne prochain, en s'appuyant sur la possibilité d'avoir recours à une procédure d'urgence, destinée aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, le DMDIV. Il compte sur sa première levée de fonds de 1,9 millions d'euros, tout juste complétée auprès du fonds d'investissement belge Novalis Biotech et d'investisseurs privés, ainsi que des subventions et prêts et obligations convertibles de Bpifrance, pour financer la suite de ses travaux de R&D sur le test Covid, mais également sur son pansement connecté, attendu également d'ici 2023.
« Il existe déjà des tests sur le même principe, mais basées sur une technologie différente comme un test actuellement développé par l'Université de Lille », ajoute le Ceo de Grapheal. Avec bien souvent, une différence en matière de prix « car ils sont basés sur des électroniques plus coûteuses ». De quoi donner une grenoblois une longueur d'avance ? La suite, d'ici quelques semaines.
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