Santé : à Lyon, ce nouvel IHU veut devenir la pierre angulaire de la recherche liée aux maladies du foie

Premier institut lyonnais à être labellisé IHU, pour institut hospitalo-universitaire, l’institut d’hépatologie de Lyon regroupe quatre co-tutelles avec les hospices civils de Lyon (HCL), l’Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), l’Inserm, le CNRS et le Centre Léon Bérard (CLB) autour d’une ambition : créer un centre d’excellence dédié à la recherche et au transfert de technologie des maladies du foie, rayonnant à l'international. Le projet franchit un nouveau cap en annonçant la construction d’un bâtiment qui regroupera les principales équipes de recherche sur le site de l'hôpital de la Croix-Rousse, avec néanmoins un budget qui demeure à boucler.
L'institut d'hépatologie de Lyon, seul Institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié aux maladies du foie, s'installera, dès 2027, sur le site de l'hôpital de la Croix-Rousse.
L'institut d'hépatologie de Lyon, seul Institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié aux maladies du foie, s'installera, dès 2027, sur le site de l'hôpital de la Croix-Rousse. (Crédits : Inventiva)

Près de deux millions de personnes meurent chaque année de complications liées à une maladie du foie dans le monde dont 17.000 en France ; plus de de 11.000 nouveaux diagnostics de cancer du foie sont comptabilisés dans le pays. Et au total, 1,5 milliard de personnes souffrent d'une maladie touchant cet organe dans le monde.

Des chiffres colossaux qui témoignent de l'enjeu de santé publique que constitue la promotion « d'un foie sain », ambition portée par l'IHU lyonnais, nommé « IHU Everest ». Qui n'est autre que le seul IHU de France entièrement dédié à cet organe qui filtre le sang, transforme et stocke les substances absorbées par le tube digestif et fabrique la plupart des protéines.

Un fléau qui a poussé les principaux acteurs lyonnais travaillant sur ce sujet, à s'associer, dès 2021, soit bien avant l'appel à projets d'IHU relancés par Emmanuel Macron début 2022.

« On a beaucoup de forces à Lyon qui travaillent sur le foie, mais elles sont invisibles. On voit l'infectieux, la cancérologie, la neurologie, mais pas les maladies du foie. En 2021, nous avons fédéré les équipes lyonnaises autour d'un institut virtuel, hors les murs, qui a été labellisé par les instances locales qui sont aujourd'hui les fondatrices de l'IHU » , introduit le professeur Fabien Zoulim, directeur de l'IHU.

Un projet initié par conviction qui a permis à ce consortium, alors formé de candidater à l'appel à projets de labellisation d'IHU lancé début 2022. « Les équipes étaient déjà fédérées et cela a été l'une des clés du succès. Il n'y a pas eu d'enjeu de pouvoir ou de leadership. Chacun a ses spécificités et l'objectif est de travailler ensemble : depuis 2021, nous organisons des séminaires mensuels et nous partageons les appels d'offres », poursuit-il.

Fédérer les acteurs du foie et attirer les talents

Présenté comme un centre d'excellence en recherche, en soin et en formation, l'Institut d'hépatologie lyonnais intègrera les aspects de recherche fondamentale et de recherche clinique aux sciences sociales en rapprochant les équipes. L'idée étant de réussir à promouvoir « un foie sain » dans un contexte pour le moins inquiétant : le nombre de cancers du foie pourrait plus que doubler (+55%) au niveau mondial d'ici à 2040 en raison, notamment de la hausse du nombre de maladies dit du foie gras (NASH- stéatohépatite non alcoolique), détaille les Hospices civils de Lyon (HCL) sur leur site.

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Avec cet institut d'hépatologie, « on va revenir ainsi à une vision plus large des maladies du foie », résume le professeur Zoulim. En s'intéressant, non pas seulement à des pathologies comme le cancer du foie mais aussi aux hépatites virales, à la problématique du foie gras ainsi qu'aux défaillances hépatiques. Ce, de manière collégiale.

« On officialise une fédération, une collaboration autour des maladies du foie en cherchant à stimuler de nouvelles collaborations sur le projet foie ».

Le projet défendu pour obtenir ce label comporte quatre volets essentiels et complémentaires : la recherche et le développement de nouveaux médicaments et diagnostics et leur transfert vers le patient, la promotion de l'excellence pour accueillir et former les talents, la promotion d'un « foie sain » afin d'avoir un impact sociétal et la formation des futurs leaders du domaine.

« Notre ambition à terme est d'amener les innovations vers la clinique et d'avoir un impact en santé ainsi qu'un rayonnement national et international. Afin d'avoir un effet transformant au niveau de la discipline pour avoir un impact chez nos patients » , confirme le directeur de l'IHU.

Ce, grâce notamment à un laboratoire prévu dans le futur bâtiment visant à favoriser les collaborations avec des acteurs industriels, des startups, et même à créer des startups.

L'objectif de ce rapprochement est également de devenir une référence pour la formation des jeunes scientifiques, des médecins généralistes mais aussi des infirmières. Avec déjà des MD-PhD programs et des écoles d'été qui se profilent sans que tout soit encore décidé.

Et l'une des clés du succès sera de rassembler les scientifiques, les professionnels de santé, les patients et les partenaires industriels au sein d'un même lieu « totem ». D'où la construction d'un bâtiment au sein du site de l'hôpital de la Croix-Rousse (Lyon, 4e arrondissement) qui aura aussi pour objectif d'améliorer la reconnaissance et l'attractivité de la place lyonnaise hépatique à l'échelle internationale, insiste le professeur Zoulim.

Un lieu de recherche et d'innovation hépatiques dès 2027

L'institut d'hépatologie de Lyon regroupe actuellement 450 professionnels répartis dans 13 services cliniques des HCL et au sein de 18 équipes de recherche - Université Claude Bernard Lyon 1, l'Inserm, le CNRS et le Centre Léon Bérard dont 9 unités mixtes.

L'objectif est donc de réussir à intégrer le travail réalisé par tous ces spécialistes au sein d'une entité et d'un bâtiment emblème.

« L'un des attendus de la labellisation IHU est bien de regrouper l'excellence sur un même site et donc de rassembler chercheurs et cliniciens autour des patients », cadre le directeur de l'IHU, qui explicite : « seules les équipes principales de recherche migreront sur le site de la Croix-Rousse (qui accueillera le bâtiment de l'IHU, à construire, ndlr) qui est l'épicentre de l'hépatologie à Lyon ».

L'idée n'étant surtout pas de « déstructurer les unités qui fonctionnent » mais de rapprocher des services qui travaillaient déjà ensemble avec les désavantages liés à la distance, les unités de recherche étant actuellement situées cours Albert Thomas.

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Le cœur de cet institut dédié au foie repose sur la création d'une UMR (pour unité mixte de recherche), qui prendra ses quartiers au sein d'un bâtiment, construit sur le site actuel de l'hôpital de la Croix-Rousse.

D'une surface de 4.700 m2, il s'élèvera sur plusieurs étages afin d'accueillir également, pour plus de synergies, la plateforme de séquençage sur les maladies infectieuses et émergentes genEPII (génomique épidémiologique des maladies Infectieuses) et un laboratoire commun de recherches HCL BioMérieux.

Visuel

L'UMR accueillera, dans un premier temps, 68 professionnels de santé avec l'ambition de quasi doubler cet effectif d'ici à 3 ans. « C'est un potentiel de croissance qu'il faut être capable d'accueillir », insiste le professeur Zoulim, pointant le fait qu'il s'agisse d'un projet d'avenir à anticiper.

Le lieu sera ainsi composé d'espaces pour accueillir les plateformes d'équipements de pointe, d'autres pour les scientifiques de haut niveau qui seront recrutés mais aussi d'espaces tertiaires pour accueillir des conférences, des séminaires ou réaliser des formations. Sans oublier des espaces de collaborations avec des industriels. L'institut collabore déjà avec quelques acteurs locaux : BioMérieux, GenOway, Evotech ou encore IGL (Institut Georges Lopez) et espère bien, à travers cette labellisation et ce nouveau lieu commun, attirer d'autres entreprises.

Le coût total de l'opération s'élèvera à 34 millions d'euros divisés comme suit : 26 millions d'euros pour le projet d'IHU et 4 millions d'euros pour les deux plateformes précisées.

« La course au financement est lancée »

« L'IHU de Lyon est une chance pour notre Région et nous avons à cœur de soutenir la dynamique de ce pôle d'excellence de niveau mondial. Depuis un an, la Région est le premier partenaire de l'IHU », introduisait d'ailleurs Catherine Staron, vice-présidente de la Région AuRA déléguée à l'Enseignement supérieur, lors d'une conférence de presse organisée le 12 juin dernier pour annoncer un « soutien exceptionnel » à l'IHU pour la construction du bâtiment.

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Un engagement de 7 millions d'euros sera en effet voté lors de la prochaine assemblée régionale, le 27 juin prochain. « Il est important car il a permis de lever un verrou pour démarrer le processus de construction et donner le feu vert » pour lancer le projet, reconnaît Fabien Zoulim. Une mise en concurrence sera réalisée pour sélectionner les prestataires avec l'ambition de déposer le permis de construire à l'été 2025 pour une mise en service courant 2027. Soit d'ici trois ans.

Une vision partagée par Raymond Le Moign, directeur général des Hospices Civils de Lyon : « Il fallait qu'une autorité de financement se lance et c'est le conseil régional qui a pris le premier risque. Nous bouclerons le financement de l'opération et les hospices civiles prendront leurs responsabilités ».

Les HCL indiquent également participé au financement de l'opération pour un montant estimé entre 5 et 7 millions d'euros, le budget n'ayant pas été encore finalisé. De même que l'UCBL, à hauteur de 2 à 3 millions d'euros. L'inserm interviendra, de son côté, sur l'acquisition d'équipements.

La course au financement est donc lancée pour boucler le budget avec quelques pistes déjà bien avancées. En attendant, « nous assumerons le risque financier » a assuré à plusieurs reprises Raymond Le Moign.

Cette aide de la Région Auvergne-Rhône-Alpes vient compléter le financement complet, à l'automne 2023, d'un spectromètre de masse. Dont on « ne compte qu'un exemplaire en France et cinq en Europe » et qui constitue « la pierre angulaire des équipements de l'IHU », a développé Catherine Staron. Ce qui monte à 8,7 millions d'euros le soutien de la Région au projet.

Cet équipement facilitera l'étude des protéines, des métabolites, de l'ARN à l'échelle d'une cellule. Ce, afin de réaliser un prototypage en fonction des maladies et des patients et d'essayer de trouver des biomarqueurs capables de prédire des maladies à traiter en urgence ou non.

« S'il n'y a pas de risque imminent, nous ne sommes pas obligés de réaliser un suivi intensif, ce qui ouvrira du temps dans les filières de soin », analyse le directeur de l'IHU.

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Si l'Etat ne participe pas au financement de cet actif immobilier, la labellisation IHU s'accompagne d'une enveloppe de 20 millions d'euros sur dix ans. Celle-ci permettra notamment l'acquisition de gros équipements mais aussi le recrutement de doctorants et post-doctorants, qui sont également un élément central du projet.

La dotation de l'IHU et les accords avec le HCL ont permis le sécuriser trois chaires de chercheurs haut niveau mais également des postes. L'idée étant que les scientifiques qui rejoindront l'institut puissent candidater aux appels d'offres du plan France 2030 sur les chaires d'excellence. Mais également de promouvoir les jeunes formés à des positions permanentes dans les quatre co-tutelles.

Promouvoir l'excellence de la recherche et la formation en santé

Emanation des programmes « d'investissements d'avenir » amorcé par Nicolas Sarkozy en 2009, les instituts hospitalo-universitaires (IHU) visent à développer et renforcer l'excellente en matière de recherche et de formation en santé. Après une première vague de labellisation en 2010, et un nouvel IHU nommé en 2018, Emmanuel Macron relance le processus en 2022. Ce nouvel appel à projets fait émerger, en mai 2023, 10 nouveaux IHU et 2 IHU émergents pour une dotation totale de 300 millions d'euros.

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