Les quelque 1 000 personnes réunies dans le grand salon de l'hôtel de ville de Lyon, et dans les salles adjacentes, ont-elles assisté au discours du ministre de l'Économie ou d'un futur candidat à la Présidentielle ? Invité par Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, Emmanuel Macron a livré un plaidoyer hautement politique devant les forces économiques du territoire. Grands comptes, startups, représentants institutionnels et élus ont pu assister à ce qui pourrait bien s'apparenter à un début de campagne électorale. Les thèmes de l'éducation, de la sécurité, de l'Europe et du renouveau démocratique ont été abordés, loin des prérogatives actuelles du locataire de Bercy.
Soutien de Gérard Collomb
Si le trublion du gouvernement a souvent joué avec la ligne rouge et réaffirmé à plusieurs reprises son indépendance, il a cette fois-ci été mis sur orbite par Gérard Collomb. L'édile a d'abord vanté les convergences économiques qui existent entre les deux hommes, notamment sur la nécessité d'alléger une réglementation toujours plus abondante, de la mise en réseau entre les acteurs, de la prise de risque, et de l'innovation. Il a surtout affirmé la nécessité d'une industrie forte face au "mirage d'une économie puissante sans industrie performante", alors que les deux responsables ont passé la matinée sur les sites pétrochimiques de l'agglomération, et notamment celui d'Arkema, "une usine emblématique des enjeux de notre économie", a rappelé le président de la Métropole. Une visite pendant laquelle 400 manifestants s'étaient donnés rendez-vous devant l'usine pour protester contre les derniers propos du ministre et contre la loi Travail.
Mais au-delà d'une sensibilité économique clairement affichée, et cela depuis quelques semaines, c'est bien l'animal politique que semble vouloir pousser un Gérard Collomb particulièrement laudateur :
"C'est parce que vous représentez à nos yeux un tel changement que j'ai souhaité vous inviter [...] Vous tenez un langage neuf, vous exprimez des idées qui correspondent à la société d'aujourd'hui, vous ne vous contentez pas de ressasser les dogmes d'hier désormais périmés. [...] Je suis persuadé que notre société attend le signal qui ferait que chacun aurait à nouveau envie de prendre un nouveau départ. Cher Emmanuel, la venue de beaucoup est ici un acte de confiance. C'est à toi maintenant de montrer que tu es à même de répondre à cette espérance".
Réfléchir à un "projet radical pour l'école"
Suite à cette déclaration de Gérard Collomb, qui sonne comme une alliance entre les deux hommes, le ministre de l'Économie a laissé de côté ses notes pour se lancer dans un exposé d'une vingtaine de minutes, construit en quatre axes.
Le ministre a réaffirmé sa vision économique, dans laquelle la place centrale est conférée à l'innovation, notamment pour transformer le modèle productif. Mais surtout, il a une nouvelle fois érigé la prise de risque comme la clef de voûte d'un rebond, appelant à un changement d'état d'esprit, et même à "une révolution culturelle qui doit être à l'œuvre dès l'école", appelant dans son discours à un "projet radical pour l'éducation et la formation continue"
C'est sur le thème de la "société du travail" qu'a ensuite enchaîné Emmanuel Macron.
"On ne peut plus être dans un pays de statuts, qui pense que la rente ou les forces historiques du pays suffisent".
Il a aussi estimé que le débat n'était pas forcément autour de "la durée hebdomadaire du travail ou du système de cotisation, car tout ce cadre classique va évoluer."
"Opportunité pour tous"
Mais, face à une double France - "l'une voit les opportunités et l'autre la peur" -, le ministre aspire à ce que chacun trouve sa place dans un monde qui se transforme. Il a longuement insisté sur la nécessité de repenser la formation afin de donner à tous la capacité de s'émanciper. "Il faut repenser la manière d'éduquer pour que chacun ait la possibilité d'affronter les défis du monde actuel", faisant l'éloge notamment de la formation continue.
Car Emmanuel Macron a distillé ensuite le troisième axe de sa réflexion : la lutte contre les inégalités, qui "polarisent la société", aussi bien au niveau territorial qu'au niveau social. "La transformation du monde actuel bouscule les classes moyennes et les équilibres politiques." Il appelle à une troisième voie, "entre la stigmatisation de ceux qui réussissent et une France où il faudrait choisir entre les bons et les mauvais", en redonnant "la vraie égalité, c'est-à-dire l'égalité des opportunités pour tous", tout en apportant à chacun une protection individuelle.
Refonder l'Europe
Enfin, c'est un argumentaire sur l'Europe qu'a tenu le ministre de l'Économie.
"Il faut refonder une Europe des projets, a-t-il appelé, afin d'éviter que l'UE ne se disloque devant nous, ce qui est en train d'arriver."
Parmi les initiatives, il propose la fondation d'une Europe de la sécurité et de la défense, ou encore le renforcement du marché commun. Mais surtout, face au "défaut de volonté à décider", il prône une reconstruction du cœur européen par quelques membres au sein de la zone Euro, tout en gardant un "projet de solidarité envers les territoires en difficulté". La fameuse Europe à deux vitesses, qui s'impose de nouveau dans le débat public à la lumière du Brexit et après la crise grecque ?
"Emmanuel Macron a un discours à part, qui a une résonance particulière chez les entrepreneurs. Mais en politique il faut des actes", réagit un entrepreneur. Plus loin, dans l'ambiance étouffante du grand salon, le ministre se livre à un bain de foule. Une première répétition avant mai 2017 ?
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