Guerre en Ukraine : la filière des télécoms se mobilise pour la reconstruction des réseaux ukrainiens

Avec tout un réseau de télécommunications à rebâtir et à moderniser, l’Ukraine va s’appuyer sur l’expertise de la filière française. Un accord vient d’être signé en ce sens entre l’État ukrainien et Infranum, la fédération française représentant les infrastructures de télécommunications, afin de s'attaquer au déploiement d'un réseau très haut débit dans une ville pilote. Pour ce consortium, dans lequel figure l'ETI ligérienne PCE services, c’est l’occasion d’apporter une pierre à l’effort de guerre. Mais aussi de préparer des conditions de marché favorables, dans un contexte de fin du déploiement du Très Haut Débit (THD) en France.
L'Ukraine va devoir reconstruire ses réseaux de communication : « Les dommages aux infrastructures ukrainiennes sont estimés par l'Ukraine à 2,3 milliards de dollars », indique Philippe Le Grand, président d'Infranum.
L'Ukraine va devoir reconstruire ses réseaux de communication : « Les dommages aux infrastructures ukrainiennes sont estimés par l'Ukraine à 2,3 milliards de dollars », indique Philippe Le Grand, président d'Infranum. (Crédits : Reuters)

Participer à la reconstruction de l'Ukraine, tout en ouvrant de nouveaux débouchés à la filière française des infrastructures numériques : voici, en substance, les objectifs de l'accord que l'association Infranum, représentant plus de 200 entreprises françaises des infrastructures des télécommunications, a signé la semaine dernière en Ukraine avec plusieurs représentants du pays.

« Les dommages aux infrastructures ukrainiennes sont estimés par l'Ukraine à 2,3 milliards de dollars. Les réseaux internet et les réseaux de téléphonie mobile ont été détruits ou détériorés. Cela représente plus de 3.200 stations de télécommunications et plus de 60.000 kilomètres de fibre optique », introduit Philippe Le Grand, président d'Infranum.

Celui-ci estime les besoins de nouvelles infrastructures « gigantesques » : « Depuis plus d'un an, j'échange avec la vice-ministre ukrainienne de la transformation digitale pour déterminer un périmètre de collaboration. Le sujet est majeur car pour se reconstruire, l'Ukraine a forcément besoin de ses réseaux de communication », ajoute le représentant français de la filière des télécoms.

Il s'est déplacé en personne la semaine dernière en Ukraine, accompagné d'Etienne Dugas, le directeur général adjoint de l'entreprise Grolleau (Maine-et-Loire) et d'Oksana Zoppini, avocate au sein du cabinet d'avocats spécialisé en droit des affaires BG2V. Il a pu constater, sur le terrain, l'étendue des dégâts : « Au vu de l'accueil qui nous a été réservé, on perçoit combien ce sujet des réseaux de communication est au cœur des préoccupations de l'Etat ukrainien ».

Une première étape pilote

L'accord prévoit une stratégie en trois phases, dont la première sera financée par une subvention FASEP (Fonds d'études et d'Aide au Secteur Privé, destiné à soutenir l'internationalisation des entreprises françaises). Il s'agit d'abord de réaliser une étude préliminaire, conduite par des cabinets français en collaboration avec des partenaires ukrainiens. Cette phase doit permettre de dresser un état des lieux technique, juridique et institutionnel. Lancée dans quelques jours, elle doit aussi évaluer les besoins en investissement et établir des scénarii de financement.

Cette étude sera suivie d'un projet pilote de huit mois au maximum, dans une localité définie par l'Ukraine et dont le nom sera communiqué prochainement. Elle devrait être éloignée du front de guerre.

« Il s'agira d'apporter le réseau très haut débit sur ce territoire et de démontrer la faisabilité concrète d'une collaboration entre les acteurs français et ukrainiens sur ce sujet. Notre approche ici, comme sur d'autres dossiers internationaux, est bien d'intervenir avec des acteurs locaux », précise Philippe Le Grand.

Une entreprise d'Auvergne Rhône-Alpes embarquée dans le projet

Pour ce pilote, un consortium a été constitué, mené par l'entreprise Grolleau (armoires et équipements) et fédérant plusieurs entreprises : Stelogy (connectivité THD et réseaux), Netceed (distribution d'équipements télécoms), Tactis (études et conseils en aménagement numérique des territoires), le cabinet d'avocats BG2V et le Ligérien PCE services.

« Le pilote sera déployé d'ici la fin de l'année, il permettra d'amener 100 mégabits par/seconde à un territoire qui n'a plus de connectivité actuellement. Le consortium va se charger de la partie étude et réglementaire et nous allons choisir un opérateur local. Tant que le pays est en guerre, nous n'enverrons pas nos techniciens. En revanche, nous préparons l'avenir pour être prêts pour une reconstruction massive dès que la paix sera revenue », précise Etienne Dugas, le pilote du consortium.

Pour PCE services, ETI basée dans le nord de la Loire (420 salariés ; 65 millions d'euros de chiffre d'affaires) et spécialisée notamment dans le déploiement de la fibre optique et des infrastructures pour la 5G, c'est l'occasion d'apporter sa pierre à la reconstruction à venir de l'Ukraine. Ou « de participer à l'effort de guerre », comme le souligne son directeur général Jonathan de Ridder. Mais aussi de s'ouvrir les portes d'un éventuel nouveau marché aux perspectives très intéressantes.

« Dans le cadre du pilote, nous allons apporter notre expertise dans les études sur la recréation de pylônes, le passage de la fibre, etc. Par la suite, quand la guerre sera terminée, nous pourrons envoyer des équipes et/ou recruter sur place ».

Pour PCE services, l'international de façon générale (l'Allemagne, l'Italie, le Portugal) et l'Ukraine en particulier représente de nouvelles voies de croissance qu'il est important de saisir dans un contexte de fin du déploiement du THD en France.

« Le gros du déploiement du réseau télécom/fibre optique va s'achever l'année prochaine en France. Et nous sommes nombreux sur le marché, il est important de trouver de nouveaux leviers de développement », reconnait Jonathan de Ridder.

Des milliards d'euros à mobiliser

Ces leviers pourraient être assez puissants en Ukraine : après la première phase pilote, validée avec l'Etat ukrainien, une deuxième phase, à horizon 2025/2026, prévoit l'identification et la concrétisation de projets prioritaires afin de restaurer immédiatement la qualité du réseau.

« Nous avons évalué à 50 millions d'euros l'investissement nécessaire dans cette seconde phase. Nous travaillons déjà à mobiliser des fonds pour soutenir cet effort », poursuit Philippe le Grand, le président d'Infranum.

Dans une troisième phase, celle qui devrait être vraiment porteuse pour les entreprises françaises de la filière, il s'agirait de bâtir un plan de reconstruction. Une dizaine de milliards d'euros pourrait être nécessaires.

« L'Ukraine pourra s'appuyer sur l'excellence française en matière de déploiement du très haut débit. Nous créons actuellement les conditions favorables à notre filière, mais il s'agira bien de travailler dans le respect de l'économie souveraine de l'Ukraine. La collaboration pourra se faire via la création d'agences locales sur place, par de la sous-traitance, par la prise de participation dans des entreprises ukrainiennes. En aucun cas, nous n'avons comme ambition d'arriver en conquérants. Ce travail de reconstruction et de modernisation nécessitera probablement plus d'une décennie », ajoute le président d'Infranum.

Dans cet exercice, les entreprises françaises pourront s'appuyer sur de gros acteurs nationaux, déjà présents dans des pays voisins de l'Ukraine, notamment en Pologne.

La filière française réalise déjà à l'international 32 milliards d'euros de chiffre d'affaires et y emploie près de 100.000 collaborateurs.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 19/04/2024 à 12:55
Signaler
bonjour, ben faudra penser à former leur personnel en France pour gagner du temps et qu'ils s'adaptent à nos méthodes.

à écrit le 17/04/2024 à 16:02
Signaler
Etant donné qu'on leur a donné 6,8 milliards en 3 ans, disons que l'Ukraine ne payera rien. Nos impôts comme d'habitude...et ne payera rien après, tour de passe passe pour gaver les entreprises privées. Remarquez, étant donné le déploiement désastre...

à écrit le 17/04/2024 à 9:28
Signaler
Mince on trouve de moins en moins facilement le revenu minimum des pays convoités convoités par l'UERSS empire prévu pour durer mille ans mais j'avais lu que le salaire minimum en Ukraine est à 80 balles par mois et si c'est trop ils ont la Moldavie ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.