L’arc alpin se rêve comme le nouveau poumon de l’hydrogène

LA CONQUETE HYDROGENE, épisode 1. Cette semaine, La Tribune AURA vous plonge au coeur de la filière hydrogène, mise en lumière par une enveloppe de 7,2 milliard d'euros, découlant du plan France relance. Avec, pour commencer, la genèse du développement du territoire auralpin, qui rassemble à lui seul 80% des acteurs de la filière "H2" ainsi que des projets expérimentaux ambitieux, à l'image du programme Zero Emission Valley, qui vise les 1.200 véhicules hydrogène en circulation d'ici 2023. Comment la vallée auralpine s’est-elle taillée un écosystème digne des plus grands territoires en Europe ?
Lancé officiellement fin 2019, le projet  Zéro Emission Valley, qui regroupe un large écosystème d'acteurs auralpins, s'est fixé l'objectif de devenir une région leader de la mobilité hydrogène en Europe, en accélérant le déploiement des véhicules à pile à combustible et des stations à hydrogène.
Lancé officiellement fin 2019, le projet Zéro Emission Valley, qui regroupe un large écosystème d'acteurs auralpins, s'est fixé l'objectif de devenir une région "leader de la mobilité hydrogène en Europe", en accélérant le déploiement des véhicules à pile à combustible et des stations à hydrogène. (Crédits : DR)

On ne compte plus les acteurs qui ont désormais un pied dans le bassin grenoblois, voire dans un rayon d'une centaine de kilomètres : Air Liquide, Symbio, McPhy, Vicat, Atawey, le CEA Liten et plus récemment Sylfen, ou HRS, qui vient de s'introduire en bourse, mais aussi Engie ou Michelin... Tous se sont regroupés autour d'une vallée qu'ils prénomment désormais Zéro Emission Valley, qui s'est fixée l'objectif de devenir une région « leader de la mobilité hydrogène en Europe », en accélérant le déploiement des véhicules à pile à combustible et des stations à hydrogène.

Car en s'appuyant sur le soutien financier de l'Europe et de la Région Auvergne Rhône-Alpes, de la Banque des Territoires mais aussi de plusieurs acteurs privés (Michelin, Engie, Crédit Agricole), l'arc alpin se rêve comme le nouveau poumon de l'hydrogène. Et pas n'importe lequel, puisqu'il se veut aussi "vert", c'est-à-dire décarboné, mais également appliqué, sur le terrain, avec le déploiement à venir de 1.000 véhicules hydrogène et de 20 stations, alimentées par 15 électrolyseurs d'ici fin 2023.

Au total, ce seront près de 70 millions qui seront investis au cours des prochaines années pour y parvenir (dont 50 millions rien que pour le projet ZEV), avec le concours de 55 entreprises, 26 laboratoires de recherche et 8 collectivités partenaires. Et ce, bien avant le plan de relance annoncé par le gouvernement français. Un projet qui s'affiche comme « unique en Europe », et qui démontre bien, d'après ses instigateurs, la présence d'un terreau particulier au sein de ce territoire.

« Cette filière est née de la combinaison, d'une part de la recherche menée sur le territoire par le CEA Liten et un certain nombre d'entreprises qui en sont sorties telles que McPhy, Atawey ou encore Sylfen, et d'autre part de partenariats qui se sont créés avec des pôles régionaux (comme Tenerrdis, Axelera et le Cara, ndlr), et de grands groupes présents sur la région à l'instar d'Air liquide, Michelin, ou Engie », résume Elisabeth Logeais, déléguée générale du pôle de compétitivité de la transition énergétique en AuRA, Tenerrdis.

Mais aussi, d'un soutien politique particulier dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie, supportées à la fois par la région Auvergne Rhône-Alpes, la métropole de Grenoble, ainsi que par des fonds européens, qui sont venus prodiguer un effet levier aux côtés des acteurs académiques et industriels.

Une filière qui dépasse largement le périmètre régional

« Tout l'écosystème grenoblois s'est mobilisé pour tester les nouveaux usages de l'hydrogène », glisse Elisabeth Logeais. Et cela ne date pas d'hier, car le bassin isérois s'est constitué, brique par brique, depuis une quinzaine d'années, pour faire émerger des entreprises qui se posent désormais comme des leaders en puissance sur l'ensemble de la filière, dépassant allègrement le périmètre régional.

« On a vu apparaître des leaders comme Symbio, qui s'est adossé à Faurecia et Michelin, ou McPhy, qui a trouvé une dimension de financement significative, ou encore Atawey, qui a démarré en 2012 et recrute très largement en ce moment, pour accompagner son développement », rappelle Elisabeth Logeais.

« C'est aussi la conséquence de choix politiques car l'hydrogène est une filière qui demande de forts investissements, tant du côté industriel que des pouvoirs publics », relève Anne-Lorène Vernay, membre de la chaire Energy for Society de Grenoble Ecole de Management.

Ce n'est d'ailleurs par hasard si le nouveau conseil national de l'hydrogène, monté par le gouvernement, réunit un certain nombre d'acteurs liés à la filière auralpine, dont le directeur général de McPhy, Laurent Carme, le directeur général de Faurecia, Patrick Koller, le président-directeur général d'Air Liquide, Benoît Potier, le président-directeur général de Vicat, Guy Sidos, ou encore le nouveau président de France Industrie, Alexandre Saubot.

Récemment encore, plusieurs annonces locales ont fait les gros titres : à l'image de la levée record de 180 millions, bouclée en quelques heures par le producteur et distributeur d'hydrogène McPhy, établi à la frontière de l'Isère et de la Drôme. La pépite iséroise, déjà cotée en bourse, a convaincu, en l'espace de quelques heures, un groupe d'investisseurs stratégiques composé de l'américain Chart Industries et TechnipFMC.

C'est la même chose pour son homologue Hydrogen-Refueling-Solutions (HRS), (anciennement TSM), lui aussi concepteur et fabricant européen de stations de ravitaillement en hydrogène, qui vient de clôturer en quelques jours son entrée en bourse par anticipation, compte-tenu du succès rencontré auprès des investisseurs. la jeune pousse grenobloise prévoyait de réunir près de 70 millions d'euros pour se développer de manière accélérée sur les segments des chariots élévateurs, des poids lourds, ainsi que du BTP et des voitures particulières.

La genèse de la naissance d'un écosystème

« Le développement de cette filière a commencé par des projets expérimentaux comme HyWay, qui constituait le premier projet de déploiement d'une flotte de véhicules, avec un fort ancrage territorial grenoblois, et qui a réuni différents acteurs (Air Liquide, Symbio, etc) entre 2014 et 2018, avec l'objectif de déployer une dizaine de véhicules et des stations de ravitaillement », expose Elisabeth Logeais.

Un projet qui est servi de référence pour monter en puissance, et déployer une toute autre échelle à travers le projet Zéro Emission Valley (ZEV) qui lui succède depuis son lancement officiel en 2019. « L'objectif premier de ZEV était de multiplier l'impact au niveau régional avec le montage d'une société, Hympulsion, chargée de trouver un modèle économique derrière le déploiement d'une vingtaine de stations et de 1.200 véhicules, et qui s'oriente de plus en plus vers la mobilité lourde », avance Elisabeth Logeais.

Avec, dans un premier temps, l'objectif de faire ses preuves auprès d'une flotte de véhicules captives, issues d'une clientèle composée de professionnels (taxis, livreurs, artisans, etc) ainsi que de collectivités utilisant notamment des véhicules utilitaires légers.

« Engie et Michelin se sont lancés à l'origine dans ce projet car ils ont constaté que l'hydrogène allait devenir un 'game changer' dans leur business, en offrant de nouvelles possibilités de stockage de l'électricité et de gestion des énergies intermittentes, ainsi qu'une nouvelle voie vers les mobilités propres », reprend Thierry Raevel, président de la société Hympulsion et directeur régional d'Engie.

Cette alliance industrielle et académique (avec le CEA Liten notamment), prend désormais la forme d'une entreprise, qui a déjà installé ses premières stations à Chambéry et Clermont qui seront bientôt rejointes, courant 2023, par sept nouvelles stations dans les villes de Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, ou encore à Moûtiers, une commune située aux pieds des stations de la Tarentaise, dans les Alpes.

La mobilité propre, de la ville à la montagne

« Avec des véhicules qui présentent une autonomie moyenne de 600 km pour les Toyota par exemple, ces stations vont permettre à des taxis, des sociétés de blanchisserie ou de livraison, d'alimenter les stations des Trois Vallées en transport propre », explique Thierry Raevel.

Chargée de construire les infrastructures et de les exploiter, mais aussi de fédérer la filière -allant jusqu'aux constructeurs qui fournissent les véhicules, à la Région, qui propose des aides à l'achat-, Hympulsion a déjà permis de livrer une cinquantaine de véhicules. Sa clientèle est pour l'heure composée principalement de professionnels (compagnies de taxis, artisans, sociétés de réseau de chaleur, gestionnaires de réseaux d'eau, etc), avec déjà, 480 commandes en stock...

« Ce qui est intéressant dans le projet ZEV, c'est qu'il ne va pas se focaliser sur une flotte de véhicules particuliers mais sur des véhicules captifs, avec une clientèle prête à sauter le pas plus rapidement », analyse Anne-Lorène Vernay.

S'il travaille pour l'heure avec des constructeurs tels que Symbio sur le plan local, mais également Toyota et Hyundai, positionnés elles aussi sur ce marché, Thierry Raevel nourrit déjà plusieurs ambitions : contribuer à massifier l'offre des constructeurs français ou assemblant en France, en leur apportant un carnet de commandes qui se veut incitatif, tout en développant également une offre complémentaire de bus et bennes à ordures ménagères, en vue d'accompagner les mobilités propres des syndicats de transport en commun et collectivités. «Tout en sachant que la marche suivante pourrait être celle des mobilités plus lourdes comme le train, les bateaux, voire l'avion, à une échelle plus large », ajoute-t-il.

Pour l'heure, Hympulsion se fixe tout d'abord d'atteindre une première phase de montée en puissance d'ici fin 2022. Sans compter que d'ici 2023, ce projet devrait permettre de couvrir, à lui seul, près de 25 % des objectifs de véhicules annoncés dans le plan national hydrogène.

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2021 à 16:59
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Comme pour une start-up... on essaye de convaincre des gogos, pour qu'ils avancent la monnaie d'une entreprise qui sera subventionné au dépend d'intérêt public!

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