Le placement en redressement judiciaire de Probikeshop, le leader français de la vente en ligne de vélos, par le Tribunal de Commerce de Lyon, résonne comme un symbole. Celui d'une filière qui, après l'euphorie de la période de crise sanitaire, doit faire face à un réajustement de taille. Elle affronte en effet d'un côté le ralentissement de la demande (même si l'usage du vélo poursuit son déploiement). Et, de l'autre, une explosion des offres, avec l'arrivée sur le marché d'une offre presque pléthorique portée par de grands noms internationaux, mais aussi par de très nombreuses startups surfant sur le « Fabriqué en France ».

Offre en abondance, dont la problématique est renforcée par les surstocks générés par les commandes effectuées par les distributeurs pendant le Covid auprès des fabricants. Ils étaient alors livrés en retard, en raison des pénuries de composants, alors même que la dynamique de la demande se tassait.

Lire aussiLe fabricant des vélos cargo Kiffy compte sur son exposition à l'Elysée pour rebondir

Ce redressement judiciaire, dont la survenue imminente avait été annoncée il y a une dizaine de jours par nos confrères de Bref Eco, survient donc dans un contexte chahuté pour les acteurs du vélo. Ces derniers mois se sont ainsi enchaînées les mauvaises nouvelles. Notamment l'arrêt brutal du fabricant néerlandais de vélos haut-de-gamme électriques, VanMoof. Ou encore, la liquidation de l'Autrichien Gleam Technologies, positionnées sur le vélo cargo électrique. Ou encore, à une échelle beaucoup plus modeste, cet automne, du Stéphanois Easy Design technology.

Fort ralentissement de la demande

Créé en 2005 à Saint-Etienne par Olivier Rochon, Probikeshop était rapidement devenu le numéro 1 français de la vente en ligne de vélos avec plus de 55.000 références. L'entreprise avait même ouvert en 2019 un concept store à Lyon, dans le quartier de Confluence. Avec une accélération notable en période Covid. L'entreprise avait ainsi profité largement du combo gagnant de la crise sanitaire : e-commerce et vélo. Probikeshop avait alors atteint, en 2021, les 150 millions d'euros de chiffre d'affaires (dont la moitié hors de France) avec quelque 200 salariés et une centaine d'intérimaires.

Lire aussiRetail : Probikeshop fait ses premiers pas dans l'omnicanal

Mais le soufflé est retombé dès l'année suivante. La baisse du chiffre d'affaires 2022 (142 millions d'euros) a été associée à un résultat net négatif (-3,2 millions d'euros). Selon l'AFP, ses administrateurs judiciaires ont présenté un chiffre d'affaires de seulement 57 millions d'euros sur le dernier exercice, avec 83 salariés.

Lire aussiUne filière du vélo « made in France » est-elle possible ?

Au ralentissement de la demande, se seraient ajoutés des dysfonctionnements logistiques, selon un de ses fournisseurs cité par l'AFP, depuis la cession de sa filiale logistique E-prolog au groupe allemand Rhenus Logistics. Les stocks, jusqu'ici établis dans son entrepôt de 30.000m² à Chaponnay, situé dans la banlieue lyonnaise, avaient ainsi déménagé début 2022 en Allemagne.

Maison mère et filiales dans la tourmente

Dans la tourmente, Probikeshop n'a pas pu s'appuyer sur l'Allemand InternetStores, son actionnaire à 100% depuis 2017. En pleine tempête, celui-ci s'est lui-même déclaré en cessation de paiement le mois dernier, entrainant ses filiales dans son sillage. InternetStores (470 salariés), division du groupe Signa Sports United (1,068 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2022, retrait de la bourse de New York fin octobre), est à la tête de 32 plateformes de ventes en ligne de vélos en Europe dont Vitus Bike, Nukeproof, Bikester, ChainReactioncycles et, depuis deux ans, l'Anglais WiggleCRC qui était alors son principal concurrent.

Offres de reprise jusqu'au 1er décembre

Les repreneurs intéressés par Probikeshop ont jusqu'au 1er décembre pour se faire connaitre. L'enchevêtrement des nombreuses filiales d'InternetStores pourrait toutefois compliquer la tâche de potentiels repreneurs. Dans un communiqué publié fin octobre, Signa Sports United a cependant affirmé que de nombreuses marques d'intérêt pour InternetStores avaient été émises. Contacté par la Tribune, Olivier Rochon a indiqué ne pas pouvoir s'exprimer sur le sujet pour le moment.

Les difficultés de Probikeshop et de ses consœurs d'InternetStores inquiètent plus globalement les acteurs du marché. Un possible écoulement des stocks à prix cassés de ces mastodontes du secteur pourraient apporter encore un peu plus d'instabilité à un marché sur lequel l'offre et la demande connaissent déjà un déséquilibre marqué.