« Bientôt, on ne raisonnera plus en nombre de voitures par foyer, mais en nombre de vélos » (Thibaud Thomé, Rutile.bike)

A Lyon, la start-up Rutile.bike reconditionne des vélos électriques haut de gamme afin de les proposer au moins 20 % moins cher sur le marché. La jeune entreprise, qui cadre en ce moment une levée de fonds conséquente, entend participer activement à la dynamique du vélo en ville, dans l’objectif, à terme, « de ne plus penser au nombre de voitures par foyer, mais de vélos ». Les nouvelles réglementations, ainsi que la transformation des métropoles, accompagnent la structuration progressive de ce marché. Rencontre avec les deux cofondateurs.
(Crédits : La Tribune Aura)

Mercedes, Peugeot... Imaginez-vous des bicycles ? Ces grands deux-roues, pour certains d'anciens vélos de fonction belges ou allemands, flirtent pourtant bien ensemble dans l'atelier du Grand plateau, à Villeurbanne (Rhône), où la startup Rutile.bike leur refait une beauté et tente de faire sa place depuis deux ans dans l'univers de la seconde main. Son ADN ? Remettre à neuf des vélos électriques et haut de gamme (condition de leur qualité et de l'intérêt du consommateur) : révision, changement des accessoires, du plateau, presque jamais de la batterie, présélectionnée. Puis réintégration à prix réduit de 20 % sur le marché des vélos à assistance électrique, dont les modèles neufs ont connu une croissance de 12 % en volume et de 10,5 % en valeur en 2022 selon l'entreprise Velco.

Rutile.bike

Une forte croissance, jusqu'à ce que la bulle explose

Née dans l'esprit de Thibaud Thomé en 2020, d'un constat d'absence de filière pour le vélo électrique reconditionné, la startup entend s'affirmer dans un créneau en croissance dans les métropoles. A Lyon, le trafic vélo (tous confondus) a augmenté de 15 % entre 2022 et 2023, alors que dans le même temps les usages automobiles ont baissé de 10%, selon la métropole, qui récolte peu à peu les fruits des différentes politiques en direction des mobilités douces (pistes dédiées, parcs de stationnement sécurisés, subventions). Pour autant, malgré le plan de l'Etat de 2 milliards d'euros (horizon 2027) pour développer le vélo comme moyen de transport quotidien, celui-ci ne représentait que 5 % des trajets en 2022. Face à ces perspectives, dans le marché de la production en amont, les places sont de plus en plus chères. Au point qu'après trois ans d'une très forte croissance, les acteurs du bicycle s'attendent désormais à l'explosion de la bulle qui les a fait s'élever.

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Pour Rutile.bike, outre l'intégration d'une filière de l'économie circulaire, l'idée du reconditionnement a permis de se singulariser. La jeune entreprise lyonnaise bâtit sa stratégie sur trois piliers : « transparence, traçabilité et garantie », dessine Thibaud Thomé, cofondateur avec Adrien Goxe. « Il y a quelques années, il n'existait pas de filière de confiance. Il fallait aller sur des sites entre particuliers et avoir de la chance, le tout, pour plusieurs centaines voire milliers d'euros ». L'idée a germé. Accompagné par un incubateur puis un accélérateur d'entreprises, en plus du réseau Entreprendre Aura, de la Bourse French Tech et de ses financeurs (dont la banque publique d'investissement), l'entreprise s'est structurée autour d'un algorithme, déterminant pour la recherche des vélos à l'achat grâce à un diagnostic de reprise. Disponible sur les centrales comptables de près de 700 magasins en France, l'application fait le lien entre les revendeurs et la startup.

« Nous avons besoin d'un grand volume de vélos et du stock pour proposer des choix variés à nos clients. Pour l'instant, la moitié de nos véhicules sont d'anciens vélos de fonction, confiés par des entreprises à leurs salariés. Le reste provient à la fois des marques elles-mêmes, pour les vélos qui n'ont pas passé les contrôles qualité, mais aussi des particuliers, en passant par des boutiques de revente ».

Thibaud Thomé, co-fondateur et directeur général de Rutile.bike

Un circuit de revente « phygital », où l'algorithme trouve sa place

Le jeune entreprise entend bien articuler son modèle sur un principe qu'elle présente comme « phygital »: déjà structurée dans la région lyonnaise, son expansion vers de nouvelles régions devra s'accompagner d'un renforcement de son offre numérique. Pour autant, l'achat d'un vélo électrique au prix moyen de 2.000 euros ne se fait pas sur un coup de tête : « Nos clients aiment venir à l'atelier, voir et tester les vélos. C'est déterminant dans l'acte d'achat, et pour nous aussi, afin de conseiller au mieux. Tous nos vélos ne font pas la même taille, n'ont pas les mêmes caractéristiques ! »

Aujourd'hui, malgré de grandes perspectives de développement dans son secteur, la startup fait face, comme les autres, aux incertitudes des marchés. Pour autant, Rutile continue à surfer une vague qui ne s'est, pour elle, pas encore brisée :

« Nous attendions un léger ralentissement sur le vélo électrique en 2023, tant la hausse a été importante pendant et en sortie de crise Covid-19, avec des pénuries de pièces. L'industrie a eu du mal à se remettre à niveau. Nous nous disions que la "folie vélo" allait être dépassée. Et finalement, la demande progresse toujours ».

Rutile, qui projette un chiffre d'affaires de 600.000 euros cette année, anticipe une croissance trois fois plus forte l'année prochaine (objectif de 2 millions d'euros et de 900 vélos vendus). D'où sa levée de fonds, en cours de négociation, où elle espère s'enrichir d'un montant d'investissement à sept chiffres pour renforcer son stock, mieux articuler sa ligne et doubler ses effectifs. Dans l'objectif, d'ici cinq ans, d'ouvrir une dizaine de « rutileries » dans l'Hexagone.

Le vélo électrique, « voiture » de demain ?

Surtout, dans la continuité des politiques publiques en faveur du vélo (comme les futures voies lyonnaises, où l'ouverture des aides de l'Etat à l'achat d'un vélo électrique d'occasion), Rutile.bike entend intégrer et structurer un réseau de lobbying du vélo d'occasion auprès des décideurs publics et privés. « Il reste de nombreux sujets, décrypte Thibaud Thomé. Par exemple, pour les biens d'occasion, le régime de TVA n'est pas le même pour le vélo que la voiture. Il y a aussi des marges de progression sur les certifications, les homologations. Il s'agirait de faire pression pour que les marques s'alignent ».

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Le cofondateur établit des liens entre les évolutions du vélo et de l'automobile. D'abord, sur l'effet de marque. Mais aussi sur les usages et les évolutions du marché. L'entreprise fonde ainsi sa raison d'être sur cette idée prémonitoire :  « Un jour, dans quelques années, on ne raisonnera plus en nombre de voitures par ménage, mais en nombre de vélos ».

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