Logistique : bioMérieux recentre son activité internationale dans l'Ain

Spécialiste des solutions de dépistage des pathologies infectieuses, la société lyonnaise bioMérieux étend son site de distribution internationale, situé à Saint-Vulbas, au cœur de la zone industrielle de la plaine de l'Ain. Le groupe réinternalise son activité de distribution, auparavant opérée en partie par GXO Logistics, et lui cède la partie stockage. Depuis son nouveau pôle réaménagé, bioMérieux alimente près de 156 pays dans le monde. Un grand chambardement au bout duquel les modes de transports se voient, eux aussi, un peu bousculés. Reportage.
La société de microbiologie bioMérieux a reconfiguré son site de logistique internationale, situé dans le parc industriel de la plaine de l'Ain, afin d'internaliser l'ensemble de son activité de distribution.
La société de microbiologie bioMérieux a reconfiguré son site de logistique internationale, situé dans le parc industriel de la plaine de l'Ain, afin d'internaliser l'ensemble de son activité de distribution. (Crédits : Emma Rodot - La Tribune AURA)

Un nouveau ballet s'est élancé depuis quelques mois, dans le centre de distribution internationale de bioMérieux, situé dans la plaine de l'Ain. Des robots bleus circulent énergétiquement entre les allées de la société familiale, spécialisée dans la microbiologie. Les lignes d'étiquetage de ses réactifs, envoyés à travers le monde, jouent quant à elles une nouvelle partition, réglée par un logiciel de logistique interne flambant neuf, œuvrant à la bonne conduite des opérations.

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Et pour cause, ce grand corps de 125 salariés, douze robots et deux lignes logistiques, vient de mettre en marche une nouvelle articulation. Objectif affiché, recentraliser la distribution de l'ensemble des réactifs de la société. Jusqu'à présent, une partie de cette mission était déléguée à son voisin, OGX, dont l'un des sites est situé à environ un kilomètre, et ce, depuis 2004. Il y a cinq ans, l'entreprise a toutefois décidé de revenir en arrière, avant même que la pandémie de Covid-19 ne fasse rejaillir l'enjeu de la maîtrise de la distribution, jugé prioritaire.

Une décision stratégique

Le site de Saint-Vulbas recentralise désormais l'ensemble de la distribution de réactifs, acheminés dans les 156 pays clients du groupe. Pour ce faire, le bâtiment a été étendu de la moitié de sa surface initiale, passant de 10.000 à 15.000 m2. La transition, associée à un investissement de 20 millions d'euros, a duré deux ans et a nécessité 17 vagues de transfert des références des produits - au nombre de 1.500. L'entrepôt voit désormais circuler 5.000 colis par jour et 500 palettes. Les premiers sont ensuite distribués directement aux clients de la société en France, en Italie, en Espace, en Suisse et en Irlande. Les palettes, elles, sont envoyées dans d'autres centres logistiques à travers le monde.

Si les raisons de ce remembrement sont multifactorielles et souvent stratégiques, elles portent d'abord sur la modernisation de la ligne et de son « système nerveux central », le logiciel Warehouse Management System (WMS), qui interagit avec l'ensemble des machines du centre.

« Le point de départ du projet, c'est l'obsolescence de l'ancien WMS, qui avait vingt ans. C'était le principal risque qui pesait sur l'entrepôt », dépeint Alexis Monier, directeur logistique monde de bioMérieux

La société entend également « capitaliser » sur l'outil industriel qu'elle avait déjà. Auparavant, elle séparait les circuits de distribution en fonction des types de produits. bioMérieux prenait alors en charge le stockage et l'empaquetage des produits dont la température est comprise entre 2 et 8 degrés (75% de l'ensemble de ses réactifs), tandis que GXO (en externe), ceux entre 15 et 25 degrés.

Désormais, bioMérieux rapatrie la distribution des moins froids chez elle. En contrepartie, la quasi-intégralité du stockage, en amont, est laissée à GXO à Saint-Vulbas, qui a dû lui-même investir dans des chambres froides pour accueillir les produits les plus frais. Mais n'est-ce pas contradictoire avec l'idée d'un renforcement interne, mis en avant par ce poids lourd lyonnais de la santé ?

« Nous avons réfléchi à la meilleure façon de répartir les produits pour l'avenir. bioMérieux n'a pas vocation à investir massivement dans la capacité de stockage, répond Alexis Monier. En revanche, nous allons davantage utiliser notre outil industriel pour répondre à des besoins spécifiques, faire de la customisation client. C'est pour cela que l'on réalise maintenant, ici, toute la préparation et l'expédition toutes gammes de produits confondues. »

Si le stockage reste bien en externe, opéré par GXO, les entrepôts ne se situent qu'à un kilomètre de la plateforme de distribution, ce qui permet un accès facile. De plus, si les temps de stockage sont variables, ils courent souvent sur plusieurs mois et laissent voir venir une potentielle instabilité. Cette nouvelle répartition, qui remet au goût du jour un partenariat historique, permet en tout cas de bénéficier d'une « expertise locale », selon Jacques Martinon, directeur du centre international de distribution de bioMérieux à Saint-Vulbas. Pour autant, nulle présence d'un représentant de GXO lors de l'inauguration, jeudi 9 novembre.

L'opération serait aussi financièrement rentable : les économies réalisées par bioMérieux sont réinvesties dans de nouveaux outils, confirment les dirigeants. Illustration avec les robots d'Exotec (première licorne industrielle française, qui travaille pour Decathlon, Carrefour, etc.) : « Ils amènent directement le produit à l'opérateur, qui n'a plus besoin de se déplacer », ajoute Alexis Monier.

Des modalités de transport en pleine transition

Cette dynamique intervient également dans un contexte de transformation des mobilités pour bioMérieux. Son premier client, les Etats-Unis (45% du chiffre d'affaires), est ainsi alimenté non plus majoritairement par avion, mais par bateau. Et la balance s'est même considérablement inversée en sept ans : là où la part du fret maritime était de 5% en 2016 (sur le total des transports par bateaux et avions), elle représente aujourd'hui 60% des modes de transports à l'export. La faute, notamment, à la crise sanitaire.

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Ce virement de bord, accéléré par la crise sanitaire avec la rupture des lignes aériennes et l'explosion du fret maritime, trouve aussi des arguments financiers et écologiques. Malgré un impact environnemental non-négligeable, les transports routier et maritime seraient 14 fois moins polluants que l'avion au kilo par kilomètre parcouru, selon bioMérieux. Une autre raison, plus stratégique encore, reste imparable : l'absence de rupture de la chaîne du froid. Contrairement à d'autres modalités (dont l'aérien), les produits transportés par conteneurs sont constamment refroidis « activement », du point de départ à l'arrivée.

Pour autant, l'entreprise assure investiguer d'autres solutions. Le fret fluvial en fait déjà partie, avec le transit de produits sur le Rhône, en direction du port de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), d'où partent les cargos en direction de l'Asie. Mais des difficultés pointent à nouveau, selon Alexis Monier :

« Le principal problème du transport fluvial aujourd'hui, c'est le froid, le temps contrôlé. Les barges et les ports fluviaux, contrairement à ceux en mer, ne sont pas forcément équipés de prises de courant. Nous essayons d'y travailler avec les opérateurs portuaires et d'autres sociétés », ajoute Alexis Monier.

bioMérieux réfléchit également à des solutions ferroviaires, notamment entre l'Ain et la direction du Havre (Seine-Maritime), à destination du continent américain. Mais l'enjeu, collectif et de stratégie territoriale, le dépasse.

« Sur le train, nous travaillons sur des initiatives avec d'autres laboratoires pharmaceutiques, membres de l'Association des Fabricants de l'Industrie Pharmaceutique de la Région Rhône-Alpes (AFIPRAL). Un laboratoire essaye notamment de remettre en place la nouvelle route de la Soie, de l'Europe de l'Ouest vers la Chine. Sans évoquer l'aspect géopolitique, il y a également des freins techniques. Mais plus nous investiguons les options de transports, mieux c'est ».

Le groupe, qui affichait au premier semestre 2023 un chiffre d'affaires de 1,770 milliard d'euros (+8,3% en un an), a annoncé en juin investir 300 millions d'euros dans les cinq prochaines années, pour l'ensemble de ses sites dans l'Hexagone. Comme La Tribune l'écrivait alors, cette enveloppe sera consacrée à plusieurs projets, dont la construction d'un nouveau bâtiment dédié à la recherche et développement en microbiologie à La Balme-les-Grottes (Isère) ou encore le lancement de la fabrication d'enzymes sur le site de Marcy-l'Etoile (Rhône), pour sécuriser l'approvisionnement de ces matières premières stratégiques qui entrent dans les tests PCR.

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