Logistique : Exotec, première licorne industrielle française, lance à Lyon un pôle R&D dans un souci de recrutement

La start-up lilloise Exotec, première licorne industrielle française valorisée à 2 milliards de dollars en janvier 2022, va implanter en fin d'année une antenne de son pôle de recherche et développement à Lyon. Après l'étranger, c'est la première extension de la jeune entreprise en dehors de son bastion du Nord, où elle conçoit et produit ses robots pour le secteur logistique. Cette implantation, si elle permet en partie de s'ouvrir à de nouveaux marchés, répond surtout au besoin urgent de se placer au cœur d'un nouveau vivier de candidats à l'emploi.
Avec ses robots « Skybots », standardisés, la start-up Exotec, créée en 2015, a réalisé un chiffre d'affaires de 155 millions d'euros l'année dernière.
Avec ses robots « Skybots », standardisés, la start-up Exotec, créée en 2015, a réalisé un chiffre d'affaires de 155 millions d'euros l'année dernière. (Crédits : Agence APPA)

Comment attirer de nouveaux collaborateurs ? La question remue bon nombre d'employeurs dans le contexte actuel de plein emploi. Exotec, première « licorne » industrielle française - non cotée, mais dont la valorisation est supérieure à 1 milliard d'euros - n'y échappe pas. Et c'est même pour cette raison principale que le concepteur et fabricant français de robots et de logiciels, destinés au secteur logistique, a choisi de s'étendre pour la première fois dans l'hexagone, en dehors de son siège de Croix (près de Roubaix, Nord), à Lyon. Premier objectif, de taille pour l'entreprise en pleine croissance : enrichir son vivier en accédant « à un nouveau bassin d'emploi », décrit Romain Heitz, CEO et cofondateur. Notamment dans l'ingénierie, avec l'ouverture d'une antenne de 25 personnes dédiée à la recherche et au développement de logiciels software dans la capitale des Gaules.

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Car la start-up, valorisée pour la dernière fois à 2 milliards de dollars en janvier 2022, récolte depuis quelques années les premiers fruits d'un développement fulgurant : Carrefour, Leclerc, Cdiscount, Decathlon, Uniqlo au Japon. La flexibilité de ses robots « skypods » standardisés (même taille, même couleur, livraison de lignes modulables « A à Z ») séduit les grands distributeurs comme les entreprises et les magasins, dans l'idée d'une optimisation du temps de préparation, où l'emploi, lui, « monte en compétences », estime Romain Heitz. Car dans sa vision, sur un site moyen de 30.000 boîtes (les unes sur les autres, sur dix mètres de haut), un entrepôt compte une centaine de robots et une dizaine d'opérateurs, décrit le cofondateur. Ce modèle a généré l'année dernière un chiffre d'affaires de 155 millions d'euros, « et devrait doubler cette année », annonce le codirigeant, qui a créé Exotec en 2015.

Besoins grandissants et vivier d'emplois

Exotec compte aujourd'hui 800 collaborateurs (400 personnes orientés « projets », 400 autres « produits »), dont la moitié travaille à l'international. Pour autant, pour ne citer que la France, jamais l'entreprise n'avait jusqu'ici quitté son siège du Nord et ses trois usines. L'antenne de Lyon, qui ouvrira à l'automne 2023 au cœur du quartier de La Part-Dieu (d'abord au sein de bureaux partagés dans la tour Silex), se lancera avec 25 salariés, dans l'idée de se renforcer l'année suivante avec une centaine de personnes et un espace indépendant. Mais Exotec l'assure : ce nouveau pôle en R&D ne se substitue pas à l'existant lillois. L'entreprise préfère l'idée d'une « synergie » entre les deux régions.

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Cet été, il lui a fallu seulement un mois pour faire son choix, dans le Rhône, à raison de plusieurs rencontres avec des candidats. Car le nerf de la guerre concerne les recrutements. « Sur le plan des compétences, il y a ici un écosystème académique très riche, avec un nombre d'ingénieurs formés chaque année qui est parmi les plus important de France », atteste Bertrand Foucher, directeur-général de l'Aderly, agence de développement économique à Lyon, qui a aidé à monter le projet. « Mais au-delà de cela, ce sont des écosystèmes, comme le H7, French Tech, qui permettent de soutenir toutes ces problématiques de digital et de filières technologiques », ajoute le chef d'orchestre local.

Trouver une place dans le poumon des nano industries

Pourquoi ne pas s'implanter en région parisienne ? « Il s'agissait d'être proche de Lille, mais pas trop non plus, répond Romain Heitz, constatant qu'il n'a fallu que quatre heures à la petite équipe pour venir à Lyon en train depuis Lille. L'idée d'une implantation à nouveau régionale, décentralisée, plaît également aux entrepreneurs. Tout comme la perspective d'une ouverture encore plus large vers le quart sud-est, où Exotec opère déjà pour le laboratoire lyonnais bioMérieux, mais aussi en Italie.

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De leur côté, certains membres de l'écosystème économique et technologique auralpin se réjouissent de cette nouvelle arrivée. Pour Bertrand Fouche, de l'agence lyonnaise Aderly, « il n'y aura pas de réindustrialisation sans le secteur logistique ». D'autant que l'enjeu de faire (re)venir des industries questionne aussi l'emprise du foncier dans la région, où 8,6 % des surfaces sont artificialisées (Teruti-Lucas, Ministère de l'Agriculture, 2023). Pour Bertrand Fouche à nouveau : « Nous avons une contrainte collective, celle de la ressource foncière, traduite dans la règlementation par le zéro artificialisation nette des sols (ZAN). Pour prendre en compte ces enjeux, il faut des solutions innovantes d'optimisation de l'empreinte foncière logistique ». Enjeu auquel l'entreprise dit répondre grâce à l'optimisation de 10 % des espaces par rapport à une chaîne logistique ordinaire.

« La venue d'Exotec à Lyon ne constitue par une compétition avec d'autres régions. Nous souhaitons plutôt développer les complémentarités. De manière générale, dans les Haut-de-France, il y a une dynamique d'implantations de gigafactories, ce qui n'est pas le cas en Auvergne-Rhône-Alpes pour des raisons de disponibilité du foncier. La région est en ce sens très complémentaire, car elle se concentre plutôt sur des secteurs industriels à forte valeur ajoutée, comme les nanotechnologies. Je pense qu'Exotec, dans sa philosophie, s'y inscrit complètement », ajoute Bertrand Foucher, de l'agence Aderly.

Mais s'il est commun et admis qu'il faut être « bon chez soi » pour mieux réussir à l'étranger, ce n'est plus en France qu'Exotec avance désormais ses plus grands pions. « Les Etats-Unis sont là où nous avons les plus grandes perspectives de croissance », observe le codirigeant. Romain Moulin, autre cofondateur d'Exotec, s'y est justement installé afin de partir à la conquête des parts américaines, là où l'international représente déjà 80 % des activités de l'entreprise, notamment au Japon.

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« Pour l'instant, nous travaillons avec vingt sites aux Etats-Unis. Et c'est là où notre activité croît le plus vite. Ils ont un grand territoire, où les besoins logistiques sont gigantesques. Un autre aspect concerne aussi l'uniformité de leurs règles de fonctionnement, identiques pour les cinquante Etats, ce qui fait que nous arrivons à y grandir largement plus vite. En Europe, c'est plus difficile, les règles polonaises ne sont pas les mêmes qu'en Allemagne ou en Suisse. »

La licorne va ainsi intégrer un nouvel écosystème et attend les candidatures. Mais qu'est-ce qui fera la différence au moment du recrutement ? Romain Heitz, confiant, voit en la dimension internationale un facteur d'émulation, là où « près de 130.000 demandeurs d'emplois indiquent être intéressés par la mobilité en France », indique Daniel Meyer, directeur des relations internationales pour Pôle Emploi dans la région.

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