La nouvelle imprimerie de billets de la Banque de France verra-t-elle le jour ?

La construction du nouveau site de production de la Banque de France à Vic-le-Comte, dans le Puy-de-Dôme, reste en suspens. La direction de l’institution fait face à une grève des salariés depuis plusieurs mois et menace d’abandonner le projet. Un déménagement est pourtant jugé nécessaire afin de rester compétitif face aux imprimeurs privés.
L'actuelle imprimerie de la Banque de France, située à Chamalières, est un bâtiment ancien, peu adapté à la production industrielle. Il nécessite d'importants travaux, notamment pour moderniser les chambres fortes et les réseaux d'alimentation en gaz et électricité.
L'actuelle imprimerie de la Banque de France, située à Chamalières, est un bâtiment ancien, peu adapté à la production industrielle. Il nécessite d'importants travaux, notamment pour moderniser les chambres fortes et les réseaux d'alimentation en gaz et électricité. (Crédits : DR Banque de France)

C'est une réunion cruciale qui s'est déroulée mercredi. Syndicats et direction de la Banque de France étaient réunis en multilatérale afin de trouver un point d'entente sur le déménagement de son imprimerie. Le transfert de la production de billets, en soi, ne pose pas de problème. Car le bâtiment de Chamalières, commune limitrophe de Clermont-Ferrand où les billets sont fabriqués depuis 100 ans, est ancien, mal isolé et peu adapté à une activité industrielle, notamment en termes de flux logistiques. L'idée d'installer la production à quelques kilomètres, sur la commune de Vic-le-Comte dans une usine neuve, est même saluée par les salariés.

Mais le projet est compromis par un conflit social qui dure depuis plusieurs mois. Plus des trois-quart des 115 imprimeurs de la Banque de France (selon la direction, ndlr) sont en grève pour dénoncer le plan de compétitivité qui accompagne le déménagement. Le point de blocage porte précisément sur le passage de 4 à 3 imprimeurs par machine. Les grévistes demandent une compensation à cette réduction de personnel, notamment pour la charge du papier dans la presse. L'automatisation des machines était justement au cœur des discussions de mercredi. Mais pour la CGT, syndicat majoritaire à Chamalières, les mesures annoncées par la direction ne sont pas suffisantes en l'état, même si l'on reconnaît une volonté d'avancer sur le dossier.

« C'est une bataille sur les conditions de travail des salariés. Nous voulons un vrai engagement de la Banque de France sur le fait qu'en cas d'échec de l'automatisation, on puisse rester à 4 imprimeurs. Car aujourd'hui ces machines n'existent pas » explique Hugo Coldeboeuf, secrétaire général de la CGT Banque de France, avant de poursuivre :  « C'est un point dur car on parle de la santé physique des salariés. Le déménagement ne doit pas induire une charge de travail    supplémentaire ».

Plan de compétitivité indispensable selon la direction

La CFTC, de son côté, note une réelle amélioration dans les propositions de la direction et parle de dialogue constructif. Même son de cloche chez Yannick Guillemaud, représentant du personnel au conseil général de la Banque de France qui espère une sortie de crise rapide. Car l'inquiétude grandit au sein du personnel de Chamalières qui, dans la très grande majorité, ne fait pas grève et craint un abandon du projet baptisé Refondation. Car c'est bien la menace que brandit la direction. Sans un accord sur le plan de compétitivité, le conseil général de la Banque de France, organe décisionnaire, affirme que la nouvelle imprimerie ne pourra pas être construite.

« Ce plan de compétitivité est la condition de l'investissement. Car il faut assurer une rentabilité à ce projet et cela passe par une usine qui soit la plus optimisée possible en termes de fonctionnement » assure Erick Lacourrège le directeur général des moyens de paiement de la Banque de France, qui précise que l'organisation industrielle proposée dans le cadre du plan de compétitivité les rapprocherait des pratiques des autres acteurs du secteur.

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En fait, derrière ce projet de déménagement, l'objectif pour la Banque de France est de rester compétitive vis-à-vis des imprimeurs privés avec lesquels elle est en concurrence sur les marchés export. Car l'institution fabrique certes des billets en euro, mais l'autre moitié de son activité concerne des billets destinés à l'export, notamment le franc CFA.

« Le projet Refondation vise à construire une nouvelle usine plus adaptée à une activité industrielle moderne et aux exigences environnementales actuelles, mais aussi à nous permettre de consolider nos tarifs sur ceux du marché. L'idée est de réduire de 20% nos coûts de revient » argumente Erick Lacourrège.

Un projet à 250 millions d'euros

L'abandon de la construction de l'usine de Vic-le-Comte serait un coup dur pour la Banque de France qui réalise ici le plus gros investissement de son histoire, à plus de 250 millions d'euros. Les travaux devaient bientôt commencer et plusieurs millions d'euros ont déjà été engagés pour la conception du projet.

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Pour autant, si le déménagement n'a pas lieu, la Banque de France ne compte pas renoncer à son activité de production de billets. Elle devrait poursuivre l'impression à Chamalières. Mais cela nécessitera d'importants travaux, notamment pour moderniser les chambres fortes et les réseaux d'alimentation en gaz et électricité.

« La concurrence est de plus en plus forte, ce qui veut dire très clairement que nous ne sommes pas incontournables dans ce paysage. Néanmoins, nous sommes le plus gros imprimeur public et nous avons de beaux atouts. De ce fait, l'arrêt de la production n'est pas d'actualité » fait valoir Erick Lacourrège.

La CGT prévoit des assemblées générales, mardi et mercredi à Chamalières, pour discuter de la suite à donner au mouvement. D'autres réunions avec la direction sont programmées dans les prochains jours avant un ultime rendez-vous le 13 juillet. D'ici là les deux parties vont tenter de s'entendre pour éviter l'échec d'un projet lancé en 2016.

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Commentaires 5
à écrit le 05/07/2023 à 21:36
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le billet ne sert plus à rien en France ....Nos élites intellectuelles issues de nos très grandes écoles veulent tout surveiller et ne rêvent que du paiement numérique. Une industrie de plus en voie de disparition .....place au tiers monde

à écrit le 30/06/2023 à 11:17
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La monnaie papier est amenée à disparaitre alors quel intérêt de construire une nouvelle usine ? '

le 30/06/2023 à 19:53
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Disparaitre à quelle date ? L'euro sert dans de nombreux pays, les billets étant universels, pas 'nationalisés' (des ponts qui n'existent pas). La Suède en est revenue récemment de la dématérialisation totale (et en 2019 je me suis félicité d'avoir d...

à écrit le 30/06/2023 à 10:57
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Et si on faisait appel aux faux monnayeurs... pour les remettre dans le droit chemin? Parce que, connaissant les qualités de gestionnaire des bras de l'Etat...

à écrit le 30/06/2023 à 10:09
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ah bon, il y a des imprimeurs de billets privés, un peu comme la FED d'avant ?

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