Dans le Massif central, le difficile renouvellement des éleveurs

Alors que 46% des éleveurs du Massif central seront en âge de partir à retraite d’ici 2030, se pose la question de la survie des exploitations agricoles et du maintien de l’activité. Un enjeu d’autant plus crucial dans ce territoire rural où l’agriculture représente 30% des emplois.
Le Massif central compte aujourd'hui 22.500 exploitations de bovins viande ou mixte et 5.500 exploitations en bovins lait.
Le Massif central compte aujourd'hui 22.500 exploitations de bovins viande ou mixte et 5.500 exploitations en bovins lait. (Crédits : DR Emilie Valès)

Situé entre vingt-deux départements et quatre régions, le Massif central constitue la plus grande prairie permanente d'Europe. Ce vaste territoire de 85.000 km2, où l'élevage représente une grande partie du monde agricole, compte aujourd'hui 57.000 exploitations, en très nette diminution depuis cinquante ans, puisqu'elles étaient 221.000 en 1970.

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« Entre 2010 et 2020 (derniers chiffres du recensement, NDLR), nous avons perdu 20% d'exploitations sur le Massif Central et 18% du nombre d'emplois, chefs d'exploitations et salariés compris », analyse Nicolas Mullenbach, chargé de mission développement économique au Sidam, le service inter-départemental pour l'Animation du Massif Central.

Le cheptel bovin est lui aussi en déclin. Depuis 2020, le territoire perd chaque année 3% de ses bovins. Si cette dynamique se poursuit, Nicolas Mullenbach estime que le cheptel de vaches allaitantes (consommées pour leur viande) pourrait se réduire de 40% d'ici à 2040.

Près de la moitié des éleveurs en âge de la retraite en 2030

Et le problème est d'autant plus prégnant que près de la moitié (46 %) des éleveurs du massif seront en âge de partir à la retraite en 2030. Déjà aujourd'hui, un éleveur de bovins sur six, cessant son activité, n'est pas remplacé selon le Modef, le syndicat des exploitants familiaux. Ce choc démographique est l'une des principales préoccupations évoquées dans les allées du Sommet de l'élevage qui se déroule jusqu'à vendredi à Cournon d'Auvergne, près de Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme.

« Nous n'assurerons pas le renouvellement des générations. Mais c'est une tendance lourde depuis plusieurs décennies. Le problème désormais, c'est que l'on arrive au seuil où on se demande qui va produire demain ? », commente Philippe Jeanneaux, professeur d'économie rurale à VetAgro Sup.

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Qui pour produire ? Si la question soulève des enjeux de souveraineté, de sécurité alimentaire, il s'agit aussi du travail pour tout un bassin. Car l'agriculture représente dans ce territoire plus de 30% de l'emploi.  « C'est même le premier secteur économique dans le Cantal », précise Joël Piganiol, président du syndicat agricole FDSEA dans le Cantal. Pour lui, la crise de vocation est notamment liée à la faiblesse des revenus que l'on peut tirer de l'élevage. Selon le Sidam, en 2021, les exploitations du Massif central ont dégagé un résultat courant moyen, avant impôt, de 32.000 euros, soit 44% de moins que la moyenne nationale.

« Il faut une application pleine et entière de la loi Egalim qui doit assurer un meilleur revenu aux éleveurs et une prise en compte des coûts de production. Il nous faut un meilleur prix du lait et de la viande. Au-delà de la viabilité, il faut aussi travailler sur ce que j'appelle la vivabilité, c'est-à-dire de meilleures conditions de travail. De plus en plus d'installations se font, par exemple, sous forme sociétaire, pour partager le matériel, la gestion... Et travailler en commun. »

Joël Piganiol, président de la FDSEA du Cantal.

Quels leviers pour attirer les jeunes générations ?

Dérèglement climatique, exposition aux marchés, hausse du prix des matières premières, traités de libre échange... Autant de facteurs qui inquiètent de potentiels repreneurs, confrontés aussi à une problématique d'accès à la propriété foncière.

Sur ce sujet, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a apporté une réponse au début du mois dans la cadre de la présentation des grandes lignes de la future loi d'orientation agricole. Cette dernière, qui devrait être « examinée au Parlement d'ici le mois de décembre », prévoit un « fonds de portage » des terres agricoles d'un montant de 400 millions d'euros. Il interviendra en participation dans des fonds de portage nationaux ou régionaux qui eux, achètent du foncier pour le mettre à disposition d'agriculteurs de façon progressive afin de leur permettre de se rendre acquéreur à leur tour « au moment de leur choix » et  « s'ils souhaitent l'acquérir ».

La moitié des installations, « sans lien avec le monde agricole »

Pour « arrêter l'hémorragie », il faut surtout un pilotage stratégique au niveau national selon Jocelyn Dubost, président des Jeunes Agriculteurs en Auvergne-Rhône-Alpes. Pour ce syndicaliste, il faut aussi miser sur les installations hors cadre familial, de plus en plus fréquentes. « 50% des agriculteurs qui s'installent dans la région n'ont pas de lien avec le monde agricole », souligne le céréalier qui préconise d'aller chercher ce vivier en les soutenant financièrement au travers notamment de la DJA, la dotation jeune agriculteur. Cette subvention est désormais à la main des régions. Elles gèrent, depuis cette année, les aides à l'installation et à l'investissement dans le cadre de la PAC, ce qui fait craindre à certains des disparités régionales.

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La cour des comptes, quant à elle, pointait du doigt, dans un rapport publié en début d'année, des lacunes dans les dispositifs, avec notamment des structures chargées d'accueillir et de conseiller les candidats insuffisamment ouvertes à la diversité des modèles agricoles. Ou encore des aides « insuffisantes » et surtout « mal réparties ». Ainsi, alors qu'un tiers des agriculteurs qui s'installent ont désormais plus de 40 ans, ces derniers ne peuvent bénéficier que de 9% du montant total des aides. La plupart étant réservées aux plus jeunes.

Plus d'installations en bio, en circuits courts et un métier qui se féminise

Pour Philippe Jeanneaux de VetAgro Sup, au-delà d'une crise des vocations, il y a aussi une inadéquation entre les exploitations à céder et les souhaits des nouveaux agriculteurs.

« Les candidats à la reprise sont désormais des « porteurs de projets ». Ils n'ont, en effet, pas forcément envie d'adhérer à une coopérative, de faire partie d'une filière très organisée, or c'est aussi ce qu'on leur transmet avec l'exploitation. Pour dresser les grandes lignes, ils souhaitent produire ce dont ils ont envie, diminuer les impacts sur l'environnement, être plus proches du consommateur final. »

C'est ce que montrent les derniers chiffres sur les installations dans le Massif central. Les modèles changent avec, entre 2010 et 2020, 18% d'installations en bio chaque année contre 9% auparavant et 32% en circuits courts contre 19% selon le Sidam. Les exploitations se féminisent également avec, aujourd'hui, un tiers des installations, contre 18 % avant 2010. Philippe Jeanneaux note aussi le déclin du modèle familial avec une réorganisation très profonde des structures d'exploitation et notamment un recours plus massif au salariat hors familial, ainsi qu'une montée en puissance de la délégation (recours aux prestataires de service). Soit de nombreux bouleversements ajoutés aux départs à la retraite qui représentent, pour Jocelyn Dubost, des Jeunes Agriculteurs, autant d'opportunités qu'il faut saisir. « Des opportunités pour réadapter les fermes aux nouvelles demandes ».

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Commentaire 1
à écrit le 07/10/2023 à 3:18
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Notamment en France comme toute activité agricole ou industrielle où il faut se lever tôt et ne pas avoir peur des horaires de travail , la tendance est à la baisse .... mais nous avons une main d’œuvre de qualité qui arrive en France en nombre pour ...

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