Le CEVA va rendre possible l’émergence d’une identité métropolitaine

Vincent Kaufmann voit d'un bon oeil la construction du CEVA. Pour ce professeur et directeur du Laboratoire de sociologie urbaine (LaSUR) à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, le CEVA est le signe d'une montée en puissance de la région genevoise.

Depuis les années 1990, les transports publics s'améliorent progressivement à Genève au gré des inaugurations de tronçons de lignes de tramway. Pourtant, jusqu'à présent ces petites touches ne permettent pas un saut qualitatif décisif de l'offre.

D'une part le réseau est globalement lent, d'autre part il reste de structure quasi exclusivement radiale, toutes les lignes principales convergeant vers le centre-ville. Un des principaux mérites du CEVA est précisément de permettre enfin ce saut qualitatif, en offrant aux habitants du Grand Genève un système de transport digne d'une métropole.

Mailler le réseau

Le CEVA est un concept d'exploitation de l'ensemble du réseau des transports publics de la région et pas un tronçon de double voie souterraine comme il est souvent décrit (et parfois décrié pour les retards de chantiers et les surcoûts inévitables qu'ils vont occasionner). C'est fondamentalement pour cette raison que le CEVA est un bon projet, car il permettra enfin de rendre attrayants des services de transports publics étriqués dans toute la région genevoise.

Concrètement, il permet de mailler le réseau de transports publics du Grand Genève en offrant aux habitants des relations rapides et fréquentes (toutes les 15 minutes du matin au soir, tous les jours, weekend compris) entre les différents pôles urbains importants. C'est tout particulièrement le cas entre la France et la Suisse.

L'intérêt de la ligne dépasse les questions de mobilité pour interroger celles, plus fondamentales encore, du développement territorial de Genève et de sa région. Les gares du réseau constituent autant d'opportunités de structurer la croissance urbaine autour des transports publics, et par ce biais de favoriser des modes de vie économes en déplacements automobiles. Le changement est de taille : la voiture pourrait ne plus être, à l'avenir, la cheville ouvrière de l'urbanisation régionale du Grand Genève.

Une identité propre

Au plan transfrontalier, il convient aussi de relever que le CEVA va non seulement faciliter les déplacements domicile-travail, mais surtout rendre possible l'émergence d'une identité métropolitaine, transformant les modes de vie de part et d'autre de la frontière. Ainsi, le CEVA va permettre de venir travailler en train depuis la France, de plus, les nouvelles relations ferroviaires faciliteront les mobilités de loisirs et contribueront par ce biais, à la création d'une véritable agglomération transfrontalière. Une agglomération dans laquelle on se rend en France pour aller au théâtre, au concert ou à la montagne, une région urbaine qui déploie progressivement une identité propre.

Avec le CEVA, le Grand Genève s'affirme par un grand projet qui oblige la Confédération Suisse et les CFF à investir assez massivement. Symétriquement, en France, ce projet oblige les acteurs français à investir dans les infrastructures et les services de transport en Haute-Savoie et dans le Pays de Gex, ce qui est loin d'être une évidence dans une région Auvergne Rhône-Alpes où Lyon siphonne l'essentiel de l'investissement dans le domaine des transports...  Sans doute faut-il voir plus généralement le signe d'une montée en puissance de la région genevoise : de ville-région frontière, oubliée de Berne, Paris et Lyon, elle commence à demander des investissements à la hauteur des retombées économiques qu'elle produit. Et ce n'est sans doute qu'un début...

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