Mais d'où vient, à seulement sept jours de l'échéance, cette perception aux plans national comme local, d'un désintérêt profond pour le premier tour de l'élection municipale ? Y concourent bien sûr l'affolante succession des affaires - Jean-François Copé et la surfacturation de prestations liées à la campagne 2012 ; Bernard Tapie et le processus d'arbitrage « Adidas » ; Claude Guéant et les primes en liquide ou la disparition des archives du temps de ses responsabilités à l'Elysée ; Patrick Buisson et l'enregistrement des échanges avec Nicolas Sarkozy ; la mise sur écoute du même Nicolas Sarkozy et de son avocat Thierry Herzog dans le cadre du supposé financement de la campagne 2007 par Mouammar Kadhafi ; les dénégations fallacieuses des hiérarques du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, Christiane Taubira et Manuel Valls en tête, sur leur connaissance des dites écoutes, les conditions de désignation de François Pérol à la tête de BPCE, etc...

Faible suspens dans les grandes villes

Il y a aussi le faible suspens qui, dans la plupart des grandes villes - Marseille exceptée - entoure l'issue du scrutin, mais aussi une gouvernance politique nationale qui, selon les sondages, n'a jamais autant éloigné les citoyens de la confiance en leur Président de la République ou au cénacle ministériel et donc de l'intérêt pour la « chose » politique. Or pourtant, n'avance-t-on pas communément que de tous les scrutins, celui des édiles, parce qu'il touche à la vie quotidienne et est de proximité, a toujours la capacité de mobiliser indépendamment du contexte national ? Et dire que les élections européennes interviennent quelques semaines plus tard…

Montebourg et les gesticulations

Mais la liste des explications n'est pas circonscrite à ce furtif exposé. Et la plus grave d'entre elles se niche peut-être ailleurs. A Lyon, confie un proche de Gérard Collomb pour expliquer cette apathie, « jamais on n'a été confronté à une telle absence de débat ». En cause : la politique réaliste et le bilan solide du maire sortant, la notoriété insuffisante et le programme sans souffle de son adversaire Michel Havard, mais aussi le sentiment, pour partie erroné, que ce qui dicte l'essentiel des décisions et des stratégies échappe de plus en plus au périmètre des pouvoirs publics - un sentiment qui vaut pour la Ville ou l'agglomération, mais aussi, bien sûr, au-delà ; les ridicules et vaines gesticulations d'Arnaud Montebourg pour espérer imposer Bouygues au détriment de l'heureux élu Numéricable à l'occasion de la cession de SFR en sont le dernier avatar.

Saupoudrage

Les candidats à la mairie de Lyon partagent une même difficulté à dessiner une perspective et une vision véritables, tous sommés de saupoudrer leurs priorités - par nécessité comme pour plaire au plus grand nombre -, mais aussi d'indexer leur ambition à une marge de manœuvre extrêmement réduite par la faute d'une réalité économique et d'une paupérisation financière inéluctables. Or, tout professionnel de stratégie territoriale pourra le démontrer : rien n'est pire que la politique de l'« éparpillement », rien ne vaut celle de la « concentration » sur quelques axes majeurs afin d'espérer en accomplir ne serait-ce qu'un seul. Qu'il soit national ou local, l'état des lieux de cette léthargie citoyenne résulte donc d'une profonde crise de la démocratie, même maintes fois dénoncée. Mais aussi - et surtout - il est symptomatique d'une société que les idéologies, les idéaux, les utopies, l'audace désertent. Et c'est çà le plus préoccupant.