P. Pelletier : "L'arsenal juridique et financier de la rénovation énergétique est stabilisé"

Philippe Pelletier, chargé par les pouvoirs publics de conduire le Plan Bâtiment Durable, lancé en 2009, réaffirme que la future réglementation doit dépasser la seule performance thermique du bâtiment pour une vision environnementale incluant le poids carbone de la construction. L'avocat parisien, spécialisé dans le droit de l'immobilier, estime nécessaire de travailler sur de nouveaux leviers pour viser une massification de la rénovation énergétique des logements pour atteindre les 500 000 par an. Dans le cadre du Plan bâtiment durable les 20 clusters éco-énergies ont constitué un réseau intercluster qui s'est réuni ce mercredi 13 à Marseille.

Acteurs de l'économie-La Tribune. Certains jugent que le cap de l'expérimentation vers la massification est difficile à passer en matière de performance énergétique. Partagez-vous ce constat ?

Il faut distinguer le secteur de la construction neuve de celui de la rénovation. En France, la construction obéit à des règles qui transforment le paysage de façon durable. La RT 2012 (règlementation thermique) a réduit par trois la consommation d'énergie par rapport à la RT 2005. Entre deux règlementations, des labels de préfiguration permettent aux acteurs de s'approprier les normes futures. Ainsi si des premiers surcoûts liés à la RT 2012 avaient été observés, ils sont désormais absorbés. Les grands promoteurs nous disent qu'ils livrent aujourd'hui des appartements à prix identiques par rapport à la RT précédente. Toutefois, il est possible que pour les plus petits acteurs, ce ne soit pas encore le cas.

Quant à la rénovation énergétique des logements, des objectifs ambitieux ont été fixés par la loi relative à la transition énergétique : rénover 500 000 logements par an à partir de 2017. Nous ne sommes pas encore à ce rythme mais la dynamique s'installe progressivement. Il nous faut travailler sur de nouveaux leviers pour viser une massification du marché.

Qu'en est-il du contrôle des performances, les 50 kWhep/(m2/an) fixés par la RT 2012 ?

Ce contrôle est assuré d'une manière bien supérieure à ce qui existait dans la réglementation précédente. La RT 2012 fixe une obligation de résultat par une attestation délivrée en fin de chantier par un tiers indépendant. Et le test d'étanchéité à l'air, ajouté dans la RT2012, est imparable. La garantie décennale ne démarre que le jour où la réception des travaux a été signée. La responsabilité des entreprises est considérable et elles sont obligées de jouer collectif.  De grands progrès ont été faits. Pour autant tout n'est pas encore parfait.

Le débat entre électricité et gaz semble s'apaiser. Qui du chauffage au bois qui a le vent en poupe ?

Le chauffage au bois s'est beaucoup développé, particulièrement comme mode d'appoint. Une dernière étude publiée par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie) comptabilise 7,5 millions maisons individuelles équipées d'une chaudière à bois, soit une petite moitié du parc. Chaque année il s'en place 500 000 par an, c'est supérieur au nombre de maisons qui se construit. On observe, qu'au moment des travaux de rénovation, de nombreux dispositifs de chauffage à bois sont installés.

Qu'attendez-vous de la prochaine réglementation environnementale programmée en 2020 et que Ségolène Royal, la ministre de l'Environnement, souhaite avancer à 2018 ?

La RT 2012 traitait uniquement de la performance thermique du bâtiment. Nous considérons que cette approche doit être dépassée. Il faut une vision environnementale du bâtiment incluant, entre autres, la question du poids carbone tout au long de son cycle de vie. Les énergies renouvelables prennent également toute leur place dans l'idée de concevoir un bâtiment à énergie positive, c'est à dire produisant plus d'énergie qu'il n'en consomme.  Cette production peut être envisagée à l'échelle du bâtiment comme du quartier. La vision environnementale prônée à 2018/2020 nécessite également se préoccuper d'avantage du confort : confort d'été, acoustique....

Dans ce contexte, le label « énergie-carbone » dont la création a été annoncée en juin dernier par Ségolène Royal et Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, doit précisément encourager la construction de bâtiments à énergie positive et sans carbone et préfigurer la future réglementation. Un référentiel est en cours de finalisation. Il devrait permettre très vite aux promoteurs de démarrer de nouvelles opérations. Sur l'ensemble de ces sujets, le Plan Bâtiment durable a avancé de manière très concertée avec les pouvoirs publics. Notre réflexion sur le bâtiment responsable à l'horizon 2020 a rapidement permis de dégager un consensus sur une vision environnementale de la future réglementation.

L'autre grand enjeu est celui de la rénovation...Etes-vous optimiste ?

C'est le grand sujet du moment. Comme je le précisais, l'objectif est de 500 000 logements par an. Nous estimons aujourd'hui être à près de 400 000 : 288 000 dans le parc privé français et plus de 105 000 dans le parc social (chiffres 2014). Nous sommes sur la bonne voie et nous devons encore progresser bien sûr. Les actions de lutte contre la précarité énergétique seront doublées entre 2015 et 2017 et concerner, à cette échéance, 100 000 logements via l'ANAH (Agence nationale de l'habitat).

La rénovation énergétique démarre dans les copropriétés. Après une phase de sensibilisation et de formation des syndics, les premiers audits et chantiers s'engagent. Globalement, sur l'ensemble de ces sujets, l'arsenal juridique et financier est stabilisé. La prise de conscience doit maintenant se concrétiser par un passage à l'acte.

Le tiers-financement de rénovation énergétique prévu dans la loi de transition énergétique et dont le décret a été publié en novembre 2015 est un moyen d'accélérer le mouvement. A t-il déjà été mis en œuvre ?

Le mécanisme de tiers-financement est un dispositif innovant de financement de la rénovation énergétique. L'originalité tient au mode de remboursement par le bénéficiaire puisque les versements au tiers-financeur incluent une partie des économies réalisées. Après avoir été introduit par la loi ALUR, ce dispositif est consolidé par la loi relative à la transition énergétique. Les différents textes règlementaires sont désormais publiés et nous allons entrer dans une phase intense d'expérimentation. Plusieurs sociétés d'économie mixte sont à l'œuvre. Le SPEE Picardie en Hauts de France pour la rénovation des logements devrait être lancé sans tarder. Tout comme l'action de la SEM Energie + d'Ile de France dédiée à la rénovation énergétique des copropriétés ou encore les travaux en Rhône-Alpes sur les bâtiments publics pour ne citer qu'eux.

Philippe Pelletier était présent, le 12 septembre, à la célébration des 10 ans du cluster éco-énergies lancé en 2006 à l'initiative de la région Rhône-Alpes, de l'époque. Et qui devra s'étendre à l'Auvergne en 2017. Implanté dans le quartier de la Confluence, territoire considéré comme un petit laboratoire d'expérimentation, ce cluster regroupe 200 adhérents dont 170 entreprises.
"Nous avons réussi à fédérer les entreprises, souvent petites, pour qu'elles répondent dans le cadre de groupement à des marchés plus importants. C'est également important au niveau de la complémentarité des compétences", témoigne Marie-Soriya AO, déléguée générale du cluster. Objectif des prochaines années ? "Il faut maintenant trouver un levier d'action sur la demande car l'offre existe. Nous devons également augmenter notre potentiel de visibilité et que les entreprises aillent à l'international. Certains de nos adhérents ont déjà signé des contrats à l'étranger".

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