Philippe Cochet, la faute lourde

Gérard Collomb et Manuel Valls, même combat. Celui de dépasser les traditionnels cloisonnements partisans. Le député-maire UMP de Caluire Philippe Cochet, de son côté, recourt à l'impardonnable pour justifier de s'en désolidariser.
(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)

Il pouvait être ému, Gérard Collomb, ce 16 avril lorsque le résultat du scrutin le plaçait haut la main aux commandes du Grand Lyon. Au soir du second tour des Municipales, qui donc en effet aurait misé sur une aussi large victoire (92 voix sur 153 suffrages) dès le premier tour ? Le camouflet est considérable pour son rival François-Noël Buffet et pour le président de la Fédération UMP du Rhône Philippe Cochet, victimes outre de leur vanité, d'une situation en plusieurs points comparable à celle que Manuel Valls initie au niveau national : l'effacement des idéologies, la dilution des clivages partisans, l'abandon des combats de doctrine.

Oui, le réalisme et le pragmatisme, dictés par des marges de manœuvre extraordinairement restreintes, ont imposé leur loi. Il faut le regretter, car une société se bâtit en premier lieu à partir des débats clivants et des confrontations intellectuelles, grâce auxquels le public forge son opinion, construit sa citoyenneté, fait explorer des voies, même utopiques, de progrès. Et consolide la démocratie. Mais ponctuellement, ne faut-il pas s'en satisfaire à l'aune d'une telle gravité conjoncturelle ?

Tempête

Si à Lyon Gérard Collomb a su rallier à sa cause des maires (notamment du groupe Synergies-Avenir) plutôt de centre droit, c'est parce que sa politique est elle-même apolitique, et converge vers le « bon sens » et la rigueur. Si Manuel Valls a déclenché la tempête dans les rangs de la « gauche de la gauche », c'est parce qu'au nom du Pacte de responsabilité il a engagé des mesures aussi peu… de gauche que le gel du « point d'indice de la fonction publique », la compression du millefeuille administratif, ou le statu quo des retraites et des prestations sociales. Tous deux ont construit leur discours et convainquent au-delà de leurs cercles traditionnels parce qu'ils savent placer certains enjeux d'intérêt général au-dessus de ceux des intérêts partisans. Au risque de brouiller la visibilité politique.

Effectivement, le programme de 50 milliards d'économies aurait pu être prononcé par un leader de l'UMP ou de l'UDI, qui donc s'en serait aperçu ? Le nouveau Premier Ministre a eu le courage et la clairvoyance pour les uns, la couardise pour d'autres, de ne réclamer aucun report de l'objectif de 3% de déficit public auprès de la Commission européenne. Sa stratégie n'est ni de droite ni de gauche, elle répond simplement au constat d'une situation apocalyptique en riposte à laquelle l'austérité et la solidarité s'imposent dans certaines domaines. La sécurité de l'emploi ne justifie-t-elle pas un minime effort des fonctionnaires ?

Intérêt général

Cette disparition des traditionnels cloisonnements dogmatiques ébranle au-delà du ring politique. Sur qui le président du Medef Pierre Gattaz s'appuie-t-il pour plaider la cause d'un « smic intermédiaire » pour les jeunes et les inactifs ? Nicolas Baverez ? Alain Madelin ? Ernest-Antoine Seillière ? Non, il fait référence au socialiste et respecté Pascal Lamy, ex-directeur général de l'OMC, ou encore aux investigations des économistes… de gauche Elie Cohen, Gilbert Cette et Philippe Aghion, auteurs de Changer de modèle (Odile Jacob), sensibles à désacraliser ledit smic afin de libérer les opportunités de travailler.

Le 4 février 2010, Acteurs de l'économie réunissait à l'IAE de Lyon Manuel Valls et Gérard Collomb (ainsi que Gérard Debrinay), exhortés à débattre sur les propriétés « de gauche » du noble verbe entreprendre. « Nous devons articuler l'autoréalisation de l'individu, notamment via l'entrepreneuriat, avec le souci de la collectivité, de l'intérêt général, de la justice sociale », déclarait celui qui n'était alors que député-maire d'Evry. L'intérêt général, n'est-ce pas justement attaquer frontalement et douloureusement ce qui fait idéologie inepte, doctrine rétrograde, dogme irresponsable dans son propre camp ? La Gauche libérale, c'est en premier lieu le bon sens ou plus exactement le sens des responsabilités, c'est aussi la nécessité d'être généreux socialement « si et seulement si » la situation économique l'autorise.

Immoral

Nul doute que Manuel Valls paiera cher son engagement, en premier lieu parmi les parlementaires et les élus socialistes, communistes et écologistes aujourd'hui aux commandes des collectivités locales appelées à disparaître. Nul doute aussi que dans un pays qui voit les compartimentations partisanes s'effacer, il en recueillera les fruits si les conditions sont réunies pour candidater le sommet de l'Etat. A Lyon, Gérard Collomb a su goûter à ces fruits sur la foi de son mandat précédent et de l'accomplissement de ses engagements « apartisans ». Mais aussi en tirant quintessence du dogmatisme primaire de certains caciques de la droite locale. Ainsi Philippe Cochet a déclaré, à l'issue de sa retentissante défaite et à destination des maires dont il avait exigé le soutien et qu'il jugeait « traitres » : « Si Lyon fut la capitale de la résistance, elle fut aussi celle de la collaboration ». Dans la bouche du maire de la commune où Jean Moulin fut arrêté, le propos écoeure particulièrement. Quand on est capable de proférer une telle insanité, une déclamation aussi immorale, mérite-t-on de gouverner ?

 

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