À Saint-Etienne, la Cité du Design veut réinventer son avenir

La Cité du Design de Saint-Etienne, établissement public de coopération culturelle, vient d’être retenue par l’appel à manifestation d’intérêt « pôles territoriaux d’industries culturelles et créatives », émis par le secrétariat général pour l’investissement dans le cadre du programme France 2030. Une bonne nouvelle pour un établissement qui, en pleine tourmente financière et politique, est en train de construire une nouvelle stratégie.
La Cité du Design de Saint-Etienne va connaitre une transformation en profondeur.
La Cité du Design de Saint-Etienne va connaitre une transformation en profondeur. (Crédits : Air-sol productions)

Aux côtés de 24 autres lauréats (sur 138 candidatures), la Cité du Design de Saint-Etienne vient d'être retenue dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « pôles territoriaux d'industries culturelles et créatives ». AMI doté d'un budget de 47 millions d'euros et émis par le secrétariat général pour l'investissement dans le cadre du programme France 2030. Ce dispositif veut encourager l'émergence d'initiatives collectives visant à structurer des écosystèmes entrepreneuriaux culturels et créatifs locaux.

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Créer une plateforme partenariale de développement économique

Pour Saint-Etienne, cette labellisation se concrétise par une première enveloppe de 75.000 euros octroyée par la Banque des Territoires. Elle doit permettre de financer une étude sur la création d'une plateforme locale de développement économique autour du design.

« Le design constitue un réel élément de différenciation et une vraie source de compétitivité pour les entreprises. Il est donc primordial de les accompagner sur ce chemin. Nous devons poursuivre et accélérer ce qui a été entrepris en ce sens par la Cité du Design depuis sa création, mais nous devons désormais le faire autrement », explique Marc Chassaubéné, président de la Cité du Design, vice-président de Saint-Etienne Métropole en charge du design, de la culture et du numérique, et par ailleurs adjoint au maire de Saint-Etienne délégué aux affaires culturelles.

La Cité du Design, inaugurée en 2009 sur le site de l'ancienne manufacture d'armes de Saint-Etienne, est reconnue au niveau national et international pour sa Biennale du Design et ses compétences design, notamment en matière de design d'espaces.

« Jusqu'ici, la Cité a travaillé seule sur cette question du développement économique mais force est de constater que le résultat n'est pas à la hauteur des espérances. Ni avec notre service interne, ni avec notre filiale Cité Services. Notre idée est de passer à autre chose en construisant une structure de développement économique fédérant les compétences de la Cité évidemment, - elle en serait probablement le pilote-, mais aussi des services économiques de Métropole, de la CCI, de fédérations professionnelles etc... afin que les actions de développement économique soient plus ancrées dans la réalité ».

Cette nouvelle plateforme partenariale, précise Marc Chassaubéné, devrait voir le jour officiellement avant 2025 et prendrait place dans le bâtiment de l'usine créative.

Réorganisation

Conséquence directe de cette nouvelle orientation : la fermeture du service développement économique (international et innovation) de la Cité devrait être acté à l'occasion du prochain conseil d'administration de l'EPCC initialement prévu fin octobre et repoussé au 29 novembre. Il emploie actuellement huit personnes.

La filiale commerciale de la Cité du Design, Cité Services (7 salariés), pourrait bien subir le même sort. Elle avait été créée par Thierry Mandon, à son arrivée à la direction de la Cité en 2018 pour « vendre » les compétences de la Cité à des collectivités et des entreprises et participer ainsi à une réduction des besoins de financement public de l'établissement. L'ex-secrétaire d'Etat à la Simplification et ex-secrétaire d'État à l'enseignement supérieur l'a quitté fin 2022 dans un contexte de soupçons de détournement de fonds. L'enquête est encore en cours, après une garde à vue cet été, et Thierry Mandon exerce désormais la mission de secrétaire général du Conseil national du commerce.

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« Nous allons proposer trois options au conseil d'administration : soit nous recentrons Cité Services exclusivement sur le développement économique ce qui imposera d'en revoir le contrôle car il y a eu de graves dysfonctionnements sous la houlette de Thierry Mandon, soit nous la transformons en quasi régie des événements culturels de la Cité, soit on vote pour la dissolution. Je réserve ma préconisation au CA », continue Marc Chassaubéné qui, sur le fil de la communication politique et managériale, ne cache toutefois pas ses réserves quant à cette structure sur laquelle il a commandité un audit financier.

Une remise en cause que n'admet pas Dominique Paret, directeur de Cité Services. « Cité Services est jeune. Elle a réalisé l'année dernière un chiffre d'affaires de 520.000 euros environ sur son activité d'accompagnement au design (2 millions avec la production des expositions, ndlr). En 2023, nous serons à 750.000 euros et l'année prochaine à un million d'euros ».

Parmi les contrats remportés par Cité Services : l'accompagnement d'entreprises locales comme Serenicity, QA company ou Eenuee. Mais aussi l'agence d'urbanisme d'Annecy, la Poste pour du design d'expérience client, Suez, ou encore l'agence nationale de la Cohésion des territoires et le Comité d'Organisation des JO 2024 pour l'accompagnement d'une centaine de collectivités autour du sujet du design actif. De beaux contrats mais qui parfois, auraient dû être délégués aux designers locaux dans un travail collaboratif « comme il était prévu initialement » au lieu « d'une concurrence avec l'écosystème local », dénonce Philippe Moine, le président du collectif Designers+ rassemblant environ 90 membres. Le designer souligne par ailleurs que le collectif n'a, pour l'instant, absolument pas été consulté sur la transformation en cours de la Cité du Design.

Les dépassements budgétaires, c'est fini, promet le président de la Cité du Design

Ce projet de nouvelle plateforme partenariale de développement économique intervient dans le cadre d'une réorganisation beaucoup plus large de la Cité du Design, dans un contexte très chahuté pour l'EPCC au-delà même de la filiale Cité Services actuellement dans l'œil du cyclone. La nouvelle du succès à l'Appel à Manifestations d'intérêt tombe d'ailleurs à pic pour le bras armé de la métropole stéphanoise dans son positionnement autoproclamé certes, - mais finalement peu challengé-, de capitale française du design. Positionnement conforté par son titre de « Ville Unesco du design ».

Un chahut qui fait trembler la Cité à tous les étages depuis plusieurs mois, « sans nullement remettre en cause sa légitimité et son avenir. Il y aura des licenciements mais il y aura aussi des recrutements » promet Marc Chasssaubéné. Le président de la Cité du Design a entrepris une réorientation en profondeur de l'établissement avec un fil rouge : ne plus jamais retomber dans le travers renouvelé année après année, celui du déficit budgétaire que devait compenser Saint-Etienne Métropole. Déficit qui n'a pas manqué d'être constaté en 2022 (-1,4 million) et pour lequel la Métropole a dû jouer les pompiers en urgence.

« En 2022, nous avons cumulé le retrait des aides de la Région (600.000 euros), et 800.000 euros de dépassement budgétaire. C'est terminé, nous remettons de l'ordre, nous reprenons tout à zéro. 2023 sera ainsi la première année, où le budget (environ sept millions d'euros) sera tenu », souligne Marc Chassaubéné.

Ligne de défense que remet en cause Pierrick Courbon, leader de l'opposition socialiste au conseil municipal :

« En tant que président de l'EPCC, Marc Chassaubéné ne peut pas s'exonérer des erreurs du passé en pointant des budgets insincères présentés par l'ancien directeur. Il a clairement manqué de vigilance, il doit assumer les réussites comme les échecs ».

Pour le budget 2024 de l'EPCC, Marc Chassaubéné va faire une proposition au conseil d'administration avec un budget principal consacré à l'Ecole Supérieure d'Art et de Design (une des deux composantes de l'EPCC aux côtés de la Cité du Design), et un budget secondaire dédié à la Cité du Design pour ses activités de diffusion du design (Biennale, Cabane du Design expositions etc) et de soutien aux designers. Les deux budgets seront clairement distincts.

« La sécurisation de notre Ecole est notre priorité, elle nous a été demandée par l'Etat. La réorientation de nos activités va nous permettre de porter une vraie politique de diffusion s'inscrivant dans notre ambition de capitale du design », promet le VP de Saint-Etienne Métropole en charge du design, de la culture et du numérique.

Projet Cité 2025 : 60 millions d'euros d'investissement

L'enjeu est majeur pour une équipe municipale mise à mal par l'affaire du chantage présumé à la vidéo intime dont sont accusés le maire Gaël Perdriau et son ex directeur de cabinet Pierre Gauttieri à l'encontre de l'ex premier adjoint, Gilles Artigues.

Gaël Perdriau avait en effet fait partie du projet « Cité du Design 2025 », un projet phare de son mandat. Avec à la clé un investissement de Saint-Etienne Métropole de 40 millions d'euros complété par 20 millions d'euros d'investissement privé. Il s'agit de créer, autour de la Cité du Design, un nouveau pôle de loisirs, culture et d'innovation par le design.

« La Cité a été créée il y a 15 ans mais elle n'a jamais permis au quartier de devenir un lieu de destination. Nous allons en faire un lieu de vie, un lieu de tourisme toute l'année, pas uniquement pendant les Biennales », promet Marc Chassaubéné.

Les espaces intérieurs et extérieurs vont être repensés en profondeur, l'arrivée de boutiques, de commerces, et d'un hôtel sont annoncés. Avec comme point commun, le design et l'innovation. Sans oublier la Galerie Nationale du Design, validée au printemps dernier par Emmanuel Macron en personne. Elle regroupera sur 1.000m², sur un site unique en France, des expositions issues de différentes institutions : le Musée d'art moderne de Saint-Etienne, la Cité du Design évidemment, mais aussi le Centre Pompidou, Le Mobilier National, le Centre Beaubourg ou encore le Centre National des arts plastiques.

La prochaine Biennale se tiendra elle en 2025 et devra, demande explicitement Marc Chassaubéné, être une « Biennale d'objets » (comprendre plus proche du grand public que les concepts plus abstraits jusqu'ici mis en avant).

Elle sera pilotée par le futur directeur de la Cité, administrée depuis le départ de Thierry Mandon par Jean-Yves Gauchier, le secrétaire général de la Cité. Aucune procédure de recrutement n'a pour le moment été lancée pour remplacer Thierry Mandon, Saint-Etienne Métropole attendant la restructuration des statuts. La Chambre Régionale des Comptes avait en effet préconisé une seule direction Ecole/Cité. Dans ces conditions, deux options vont s'ouvrir et seront discutées d'ici la fin de l'année : le recrutement d'un intervenant extérieur ou la promotion de l'actuel directeur de l'Ecole Supérieure d'Art et de Design de Saint-Etienne, Eric Jourdan.

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Commentaire 1
à écrit le 13/11/2023 à 19:16
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Encore de l'argent publique dépensée en pure perte! La cité du design est l'archétype de ces projets inutiles qui ne servent qu'aux élus à se faire voir ! Une coquille vide à l'image de la biennale qui n'arrive même plus à tromper les visiteurs. Stop...

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