A l'aube de la saison 2 de la Loi Montagne, l'équipementier Michelin ne craint pas de pénurie

Après une première année où la réglementation s'était finalement déclinée sous une forme "pédagogique", les automobilistes n'auront plus le choix : à compter du 1er novembre et jusqu'au 31 mars, ils devront s'équiper de pneumatiques adaptés pour continuer à circuler dans les 48 départements concernés, sous peine d'une amende de 135 euros. Un accélérateur pour des fabricants comme Michelin, qui s'attendent à ce que cette nouvelle réglementation fasse gagner du terrain au marché du 4 saisons. Sous réserve que l'inflation ne pèse pas plus lourdement sur le portefeuille des ménages.
Avec la saison 2 du décret Loi Montagne sur le point de redémarrer ce mardi 1er novembre, cette fois avec verbalisations à l'appui, Michelin n'anticipe pas de pénurie sur ses produits, même si la demande grandit en faveur du 4 saisons.
Avec la saison 2 du décret Loi Montagne sur le point de redémarrer ce mardi 1er novembre, cette fois avec verbalisations à l'appui, Michelin n'anticipe pas de pénurie sur ses produits, même si la demande grandit en faveur du 4 saisons. (Crédits : DR/michelin)

(Publié le 26/10/2022, actualisé le 31/10/2022 à 8:30)

D'autres pays comme l'Allemagne ou l'Italie qui avaient déjà pris des dispositions réglementaires pour encadrer la conduite hivernale. Et désormais, l'Hexagone se mettra lui aussi en ordre de marche dès cet hiver avec son décret Loi Montagne, après une saison 1 qui pourrait être qualifiée de "test" l'an dernier.

Ainsi, à compter de ce mardi 1er novembre et jusqu'au 31 mars prochain, près de 48 départements seront concernés, selon la cartographie établie par le ministère de la cohésion des Territoires, qui prévoit que les automobiles circulant sur ces zones soient obligatoirement équipés soit de quatre pneus hivernaux, ou bien de quatre pneumatiques toutes saisons certifiés 3PMSF (marquage montagne), ou encore de chaussettes ou chaines à neige à stocker dans leur coffre... Les secteurs soumis à cette réglementation sont désormais encadrées tout au long de l'année par des panneaux marquant l'entrée et la fin de la zone concernée.

Une petite révolution qui semble finalement avoir fait son chemin jusqu'aux utilisateurs, malgré un démarrage en dents de scie l'an dernier et la grogne que la mesure avait suscité, qui avait donné lieu à un laps de temps supplémentaire avant toute verbalisation :

"On sait que sur la base des enquêtes menées l'an dernier par les professionnels du syndicat des pneumatiques, les personnes qui connaissaient l'existence de la Loi Montagne étaient jusqu'ici plutôt minoritaires au sein de la population : mais c'est moins le cas aujourd'hui, car cette proportion a progressé au cours de l'année 2021, et en particulier sur les zones où elle sera appliquée", reconnaît Sabine Lietaert, directrice marketing tourisme France pour Michelin.

Pneu hiver ou 4 saisons : le marché se scinde en deux

Si l'équipementier Michelin reste discret sur ses chiffres, il concède que cette nouvelle disposition avait déjà profité, dans les faits l'an dernier, à la commercialisation de sa nouvelle génération de pneumatiques 4 saisons, Michelin Cross Climate 2, lancée justement pile au mois de septembre 2021. "Au-delà de la Loi Montagne, même si nous avons connu une accélération de la demande en fin d'année dernière, ce lancement s'inscrit dans la continuité après une première génération lancée en 2015".

"Longtemps boudé par les automobilistes en Europe", le pneu toutes saisons connaît désormais "un succès commercial remarquable sur le continent", avec "une multiplication de ses ventes par trois", que Michelin attribue en particulier aux avancées technologiques et à sa simplicité d'usage qui convient à une catégorie de la population qui ne souhaite plus avoir recours au montage et démontage.

De quoi continuer à faire grossir ce nouveau marché, apparu en 2015 et qui vient de passer d'une fourchette de 12 à 15% à des parts de marchés qui s'établissent désormais à 18 à 19%.

"Les pneus hiver représentent un marché plutôt mature, leur utilisation est déjà recommandée depuis des décennies lorsqu'on circule en zone montagneuse. Car il ne faut pas oublier que pour un usage hivernal au sein de zones plus rudes, avec de la neige et du verglas, les populations avaient déjà l'habitude de s'équiper. Nous n'avons donc pas eu affaire à une explosion de ce marché", ajoute Sabine Lietaert.

La répartition pourrait donc se faire, au fil des années à venir, plutôt en fonction des usages de chaque automobiliste : "Il ne faut pas oublier que ce qui est critique, au déjà de la neige, c'est la température et le niveau d'humidité des routes, qui fait qu'en dessous de 7 degrés, la distance de freinage est allongée de 8 mètres entre un pneu été et hiver". C'est ce qui explique, selon elle, que le marché mature du pneu hiver continuera, malgré tout, à attirer une clientèle plus large que celles des habitants des zones montagneuses.

Avec un renouvellement habituellement observé tous les trois ans en moyenne chez les consommateurs, "l'achat d'un nouveau pneumatique dépend en réalité du type de conduite ainsi que des routes sur lesquelles on compte rouler, qui sont deux éléments pouvant influencer sur la durée de vie d'un équipement", estime Sabine Lietaert.

Des approvisionnements tendus encore cet hiver ?

Si l'an dernier, des pénuries avaient été craintes (mais finalement écartées) en raison des tensions d'approvisionnement déjà rencontrées après plusieurs mois de crise sanitaire, la guerre en Ukraine pourrait-elle mettre un nouveau caillou dans la chaussure des équipementiers ?

Le fabricant auvergnat assure, au contraire, qu'il n'y aura pas d'inquiétude majeure pour répondre à la demande cet hiver. "Evidemment, comme toute entreprise manufacturière, nous avons dû nous adapter à la situation géopolitique et trouver des alternatives pour continuer à servir nos marchés correctement, mais nous sommes très confiants quant à la disponibilité des pneus toutes saisons pour cette année", assure Sabine Lietaert.

On se souvient que le noir de carbone, utilisé dans la fabrication des pneumatiques, avait déjà constitué une première urgence qui l'équipementier, puisqu'il avait été contraint de redévelopper en cours d'année d'autres circuits d'approvisionnements que ceux jusqu'ici contractualisé avec ses fournisseurs russes (30%), entraînant ainsi la fermeture de plusieurs sites, faute d'approvisionnements.

Lire aussi Le plan de Michelin pour passer un hiver annoncé comme périlleux...

Mais il n'a pas été le seul : "Il a fallu faire évoluer nos sources d'approvisionnements en matières premières, mais des solutions ont été trouvées. Nous restons tout de même sur un marché où le contexte demeure perturbé", assure Sabine Lietaert, sans donner plus de précisions.

Côté production, le fabricant auvergnat peut compter sur ses 70 usines dans le monde réparties sur cinq continents qui auront produit l'an dernier jusqu'à 178 millions de pneumatiques (toutes gammes confondues), avec toutefois, des agendas différents :

"Certaines gammes ont une production plus saisonnière tandis que notre gamme de pneus 4 saisons est par exemple produite toute l'année, sur plusieurs de nos sites en Europe. Nous disposons aujourd'hui de plus de 100 dimensions différentes qui nous permettent d'équiper près de 99% du parc européen", illustre-t-elle.

Mission 2022 : suivre l'inflation

Sur le terrain des prix également, l'hiver promet cependant d'être rude : la firme clermontoise a d'ailleurs été contrainte d'augmenter huit fois ses prix au cours des 18 derniers mois... Soit une inflation tarifaire qui visait en premier lieu à rattraper celle des matières premières et de l'énergie, et qui s'est traduire par une augmentation de 20% et 40% des prix pratiqués par Michelin (toute catégories de produits confondus, pneus hiver et 4 saisons inclus).

Avec pour l'heure, une incertitude qui demeure cependant pour le fabricant auvergnat, comme pour l'ensemble de l'industrie manufacturière, concernant la durée et les nouveaux cycles d'inflation à venir, qui pourraient à nouveau le contraindre à s'ajuster...

Le surcoût de la facture énergétique de Michelin est d'ores et déjà évalué à 1 milliard d'euros, et l'équipementier a pris l'engagement de faire passer l'ensemble de ses presses de cuisson à l'électrique... "Mais cela représente un investissement de long terme et prendra plusieurs années", nuance la direction.

A quelques jours de l'entrée en vigueur du décret Loi Montagne, Michelin se tient donc prêt car si le marché semble pour l'heure "attentiste" dans un contexte de fortes tensions sur le pouvoir d'achat, il sait que aussi c'est bien souvent le premier flocon, ou le premier gel, qui donnera le coup d'envoi de la demande sur les chaînes de montage pour la saison d'hiver... et des commandes associées.

Dans un tel contexte, le groupe anticipe des volumes attendus qui pourraient être, en bout de ligne, "équivalents" à ceux de l'an dernier, freinés dans leur volonté de conquête par l'inflation qui continue de peser sur les dépenses des consommateurs. Ces derniers pourront en effet soit choisir soit de s'équiper de pneus adaptés, soit de chaussettes ou chaînes à neige à conserver dans leur coffre.

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