Transports urbains : les deux industriels Michelin et Poma s’allient pour imaginer les rouages du câble du futur

C’est un partenariat qui s’annonce doublement stratégique, de part et d’autre : car pour l’équipementier Michelin comme pour le fabricant de télécabines Poma, le transport par câble promet de nouveaux horizons en matière de mobilité urbaine. Et c’est plus particulièrement pour le rendre plus durable, c’est-à-dire à la fois plus écologique mais aussi économique que les deux industriels originaires de la région Auvergne Rhône-Alpes ont monté une alliance qui devrait se traduire par la sortie d’un premier produit. Mais pas uniquement.
Avec un tiers de son chiffre d'affaires déjà réalisé dans le transport urbain, le fabricant isérois Poma vient d'inaugurer la première télécabine urbaine d'Europe à Saint-Denis de la Réunion. Si celle-ci n’intègre pas encore de produits issus de la collaboration avec Michelin, le partenariat d'innovation conclu entre les deux industriels vise bien quant à lui à accompagner l'essor d'une mobilité plus durable en ville.
Avec un tiers de son chiffre d'affaires déjà réalisé dans le transport urbain, le fabricant isérois Poma vient d'inaugurer "la première télécabine urbaine d'Europe" à Saint-Denis de la Réunion. Si celle-ci n’intègre pas encore de produits issus de la collaboration avec Michelin, le partenariat d'innovation conclu entre les deux industriels vise bien quant à lui à accompagner l'essor d'une mobilité plus "durable" en ville. (Crédits : DR/poma)

Ils veulent imaginer ensemble le câble du futur, et s'intéresser tout particulièrement à sa conception et ses rouages, souvent peu visibles à l'œil du grand public. Mais il ne s'agirait pas moins d'enjeux stratégiques, à en croire les deux partenaires. Assez stratégiques pour qu'ils se soient d'ailleurs mis autour de la table depuis près de quatre ans déjà et sans bruit, avant d'annoncer officiellement un partenariat désormais tissé sur « le temps long », lors du dernier salon Mountain Planet à Grenoble.

Avec déjà, la promesse que cette alliance s'accélère et se matérialise même par l'annonce très concrète d'un premier produit dès juin prochain.

D'ici là, les deux poids lourds, tous deux leaders dans leur domaine et originaires de la région Auvergne Rhône-Alpes, esquissent les enjeux qui les ont conduits à se rapprocher.

Pour l'isérois Poma, le contexte actuel place le transport urbain par câble à un nouveau carrefour, avec aux quatre coins du globe, le constat que les modes de transports doux tirent la demande. « Cela fait plus de 20 ans que nous avons mis en route notre premier téléphérique urbain en Colombie à Medellín, et nous assistons aujourd'hui un regain d'intérêt. Nous venons par exemple de lancer notre première télécabine urbaine d'Europe sur l'île de la Réunion (avec une mise en service le 15 mars dernier, ndlr), dans le sens qu'elle est interconnectée à un réseau de transport. Pour autant, il nous faut continuer à avancer, à la fois sur le plan environnemental mais aussi de l'utilisation du câble et de son acceptation. Nous avons besoin de faire évoluer le modèle et cela servira à d'autres secteurs comme la neige », concède Jean Souchal, président du directoire de Poma.

C'est ainsi qu'en croisant les équipes de Michelin, le fabricant de télécabines qui réalise désormais un tiers de son chiffre d'affaires dans le transport urbain a eu l'idée de plancher sur de nouvelles applications. « Il y avait encore des choses à faire pour optimiser et proposer des technologies encore plus vertueuses, et notamment plus durables », estime Jean Souchal.

« Et à ce sujet, on a souvent cette image de Michelin pour les pneumatiques de voitures et de nous-mêmes pour les télécabines en montagne, mais nous avons tous les deux bien plus que ça à offrir ».

Une vision partagée des enjeux techniques

« Poma est un bel exemple de ce que Michelin veut faire et sait faire », abonde Patrice Kefalas, directeur Innovation et Partenariats de Michelin. Car le groupe veut contribuer à une mobilité plus durable, avec une notion de durabilité qui n'intègre pas simplement la question de l'environnement, mais aussi « une mobilité qui soit accessible aux personnes, et qui puisse être économiquement viable ». « La question de la mobilité en ville est un élément qui nous intéresse depuis très longtemps ».

Outre une vision commune, c'était également des enjeux techniques qui ont permis aux deux poids lourds de se rapprocher :

« Lorsque l'on observe le transport par câble, on s'aperçoit qu'il existe en réalité un certain nombre de produits en caoutchouc ou de composites flexibles, qui constituent justement des domaines de savoir-faire de Michelin. De plus, les applications du transport urbains rendent également ces installations particulièrement sollicitées, avec des enjeux de maintenance et donc de durabilité forts puisqu'en milieu urbain, un téléphérique fonctionne en moyenne près de 7.000 heures par an, contre 1.800 heures par an dans le monde de la montagne », note Patrice Kefalas.

Un accord qui entre donc parfaitement aussi dans la stratégie de l'équipementier auvergnat, qui se cherche depuis quelques mois de nouvelles pistes de diversification.

Car en avril dernier, le groupe avait d'abord confirmé son ambition de faire grimper le chiffre d'affaires de ses activités, situées en dehors des pneumatiques, pour atteindre 30% de son chiffre d'affaires à horizon 2030. Contre seulement 5% aujourd'hui.

Et contre toute attente, le câble n'est pas venu par hasard : « Michelin était déjà fortement présent depuis plusieurs dizaines d'années dans les transports urbains, comme les équipements dédiés aux bus, aux métros et aux monorails, en travaillant notamment pour des sociétés comme Alstom, mais aussi pour des sociétés de transports urbains comme la RATP ou des opérateurs comme c'est le cas à Mexico », assure Patrice Kefalas.

Et désormais, c'est à travers son expertise dans les matériaux composites, et notamment les flexi-composites, qu'il compte justement répondre aux attentes du marché du transport par câble, et de son partenaire Poma.

« Notre métier est finalement de transformer et assembler des composites flexibles à destination d'applications critiques. Et c'est le cas ici, où les notions de vitesse, température, charge, adhérence, et consommation de carburant portent également sur les produits », justifie le directeur Innovation et Partenariats de Michelin.

Un accord pour se projeter sur "du temps long"

Car déjà jusqu'ici, les pneumatiques développés par le groupe Michelin étaient composés, pour moitié, de caoutchouc (25% naturel, et 24% de synthèse), mais aussi de près de 200 matériaux complexes. « Le transport par câble est finalement assez proche car il comprend lui aussi des applications critiques et exigeantes comme dans le domaine du pneumatique, et où nous avons des savoir-faire », affiche Patrice Kefalas.

Très concrètement, cet accord stratégique portera notamment sur le design et la conception de certains composants en caoutchouc, jugés critiques pour cette industrie, et qui sont notamment utilisés à la fois dans les gares d'accueil des téléphériques, afin de ralentir puis faire repartir les cabines, mais aussi au niveau des pylônes. « Certains composites flexibles sont également utilisés pour faciliter la rotation et éviter l'utilisation de lubrifiants comme de l'huile », résume Patrice Kefalas.

« La volonté est également de se projeter sur du temps long, et d'aller jusqu'à questionner des enjeux de maintenance et de programmation de nouveaux produits », abonde Jean Souchal, qui estime que si l'heure n'est pas à la création d'une société adhoc à ce sujet, « les deux sociétés se sont quelque part mariées et vont désormais mettre l'énergie et la créativité de leurs équipes de R&D au service de l'innovation ».

Des deux côtés du fil, on évoque déjà un horizon courant sur les cinq prochaines années.

... et un premier produit dès juin prochain

Si aucun des deux industriels ne communique cependant le budget, ni le nombre de ressources allouées à ce nouvel axe de recherche, on sait plus globalement que Michelin emploie déjà près de 6.000 collaborateurs dédiés aux sujets d'innovation à l'échelle mondiale, dont près de 3.000 en France.

Une première concrétisation de ce partenariat devrait toutefois être dévoilée dès juin prochain, lors du prochain salon European Mobility Expo, organisé par l'Union des Transports publics (du 7 au 9 juin prochain, ndlr), où sera présenté un premier produit sur lequel ont planché les deux partenaires.

« Nous allons annoncer en juin un premier produit développé ensemble, mais nous irons ensuite plus loin. Car une chose est déjà d'intégrer un produit sous licence Michelin au sein d'une technologie Poma, et c'en est une autre que d'imaginer un système Poma avec une solution Michelin. Nous avons déjà vécu ce type de transition dans l'industrie automobile, c'est pour cela que l'on doit penser sur du temps long, afin de mener d'abord des étapes d'intégration, et ensuite, des étapes un peu plus complexes appelant également à concevoir différemment », glisse à son tour Patrice Kefalas.

Une réduction de consommables et des cycles de maintenance de certains composants fait clairement partie des objectifs ciblés par ce partenariat industriel.

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