Bon Vivant, cette startup lyonnaise qui développe des protéines laitières sans vaches

La biotech lyonnaise Bon Vivant vient de lever quinze millions d’euros auprès de trois fonds d’investissement pour passer à l’échelle sa technologie de fermentation de précision visant à produire, sans vache, des protéines laitières alternatives. En pleine prise de conscience internationale d’une nécessaire transition alimentaire, notamment d’un point de vue environnemental, le potentiel de la startup française intéresse les investisseurs.

Après la viande artificielle, cultivée en laboratoire et qui s'empare du marché américain, le marché des protéines de lait produites sans vache, - à savoir de la caséine et de la whey, omniprésente dans l'industrie agroalimentaire - se développe petit à petit. Parmi la poignée d'acteurs français du domaine, figure la startup lyonnaise Bon Vivant, créée en 2020 par Stéphane McMillan et l'ingénieure agronome Hélène Briand. Leur objectif : commercialiser, dans les prochaines années, ces protéines alternatives à destination du secteur agroalimentaire.

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Comment ? En modifiant le code génétique d'un micro-organisme et en lui implémentant celui d'une vache. Par la technologie de la fermentation de précision (déjà utilisée pour produire de l'insuline, de la pressure ou encore de la vanilline), ce micro-organisme est ensuite « cultivé » pour créer des protéines de lait. En fin de process, ces dernières sont « récoltées » puis filtrées pour être livrées sous une forme extra-pure aux industriels de l'agro-alimentaire. Charge à eux, par le jeu des formulations de recettes, d'y ajouter le gras végétal et les sucres de leurs préparations, leur permettant ainsi de se passer d'au moins une partie de leur consommation actuelle de lait. Avec, en bout de ligne, des produits alimentaires sans protéines animales et sans lactose.

Une levée de fonds de 15 millions d'euros

La startup dispose actuellement d'un petit laboratoire de production, proche du quartier Gerland, à Lyon, pour assurer sa R&D et la production des premières séries destinées à ses clients pilotes. Elle va investir (montant non communiqué) dans un laboratoire préindustriel de plus grande envergure, qui sera complété par une production en sous-traitance par des prestataires en France et en Europe. Bon Vivant va prochainement entrer en phase industrielle pour les protéines sériques (la whey), tandis qu'elle est encore au stade de la R&D pour la caséine.

Bon Vivant

En ligne de mire, la jeune entreprise vise une commercialisation en 2025 (objectifs de chiffre d'affaires non communiqués). Mais la startup devra auparavant passer entre les mailles de la réglementation, ce qui, selon Stéphane McMillan, CEO et cofondateur de Bon Vivant, ne devrait pas poser trop de problème.

« Aux Etats-Unis, deux acteurs sont déjà autorisés. Nous savons que le process prendra environ un an. En Europe, il n'y a pas encore d'acteur autorisé, mais le cadre réglementaire existe, nous ne sommes pas inquiets ».

Pour porter ce déploiement, la biotech vient de finaliser une levée de fonds de quinze millions d'euros auprès, notamment des fonds Sofinnova Partners, Sparkfood et Captech Santé. Elle avait déjà levé quatre millions d'euros il y a dix-huit mois, et s'appuie actuellement sur une équipe de quinze personnes, qu'elle entend multiplier par deux d'ici à fin 2024.

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Enjeux de souveraineté alimentaire et de transition écologique ?

Bon Vivant revendique s'inscrire dans un double enjeu. D'abord, celui de la transition écologique.

 « On sait aujourd'hui, ce n'est plus à démontrer, que les élevages laitiers ont un impact non négligeable sur l'environnement en termes d'émissions de gaz à effet de serre et d'utilisation de l'eau. Selon une étude indépendante de l'INRAE, nos protéines alternatives permettent une réduction de 97% des émissions de gaz à effet de serre et une économie de 99% de la consommation d'eau potable », souligne le cofondateur de l'ingrédientier lyonnais.  « Ces protéines de lait vont permettre aux industriels de l'agroalimentaire de disposer de produits laitiers identiques aux produits conventionnels, que ce soit en matière de nutrition, de goût ou de texture, mais avec un impact environnemental bien plus limité ».

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Deuxième enjeu, celui de la souveraineté alimentaire, s'inscrivant dans un contexte de recul de la production laitière en France. Diminution liée à la baisse du nombre d'exploitants (- 30.000 éleveurs en dix ans), mais aussi à la réduction du cheptel (-400.000 vaches en France). A tel point que la profession a alerté dernièrement sur une possible perte de souveraineté laitière de la France d'ici à moins de cinq ans, si la tendance baissière devait se confirmer. Une situation inédite, alors même que la France s'affichait encore, en 2019-2021 comme le 4e exportateur mondial de lait (7,5 milliards de dollars en moyenne par an) derrière la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et l'Allemagne, selon le rapport d'information publié en septembre 2022 par la commission économique du Sénat (« Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France »).

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« Nos protéines vont venir compléter la production de nos éleveurs, elles ne vont pas les remplacer ou leur faire concurrence», insiste Stéphane McMillan, précisant ne pas anticiper de conflit spécifique avec la profession agricole. La start-up affirme proposer une réponse aux besoins à venir en matière de protéines animales. Le fondateur soutient ne pas anticiper non plus de problématique liée aux consommateurs :

« Le micro-organisme à l'origine du process est un OGM puisque nous venons modifier son code génétique. En revanche, le produit final, la protéine de lait, n'est pas du tout un OGM, elle est rigoureusement identique à celle du lait de vache. Les enjeux sont majeurs, nous devons collectivement accélérer sur ces questions de transition alimentaire ».

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Peu d'acteurs en Europe

Comme Bon Vivant, mais sur des choix technologiques et de marché différents, une trentaine de start-ups planchent sur le sujet des protéines laitières alternatives dans le monde. Avec des grands acteurs plutôt implantés aux Etats-Unis et en Israël. En France, une autre entreprise est bien positionnée dans cette course : Standing Ovation, spécialisée, elle, vers la caséine, a déjà levé 12 millions d'euros l'année dernière.

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