Agriculture : comment l'adaptation climatique s'invite (progressivement) au menu du Sommet de l'élevage

A l'heure où l'élevage intensif est pointé du doigt comme l'un des secteurs contribuant au réchauffement climatique, les éleveurs veulent profiter du Sommet de l'élevage, qui ouvre ses portes ce mardi, pour démontrer les pistes sur lesquelles ils planchent pour s'adapter aux attentes de la société ainsi qu'au changement climatique à venir. Même si déjà, la Confédération paysanne du Puy de Dôme a décidé de boycotter ce grand rendez-vous.
A l'heure où la filière, pointée pour son impact climatique avec l'élevage intensif, tente de dessiner les pistes d'une élevage plus durable, la question sociale s'est aussi invitée, entre les lignes, au Sommet : Les paysans n'ont pas besoin de tracteurs neufs pour s'en sortir, mais plutôt d'un revenu décent, de reconnaissance sociale, a fait valoir la Confédération paysanne.
A l'heure où la filière, pointée pour son impact climatique avec l'élevage intensif, tente de dessiner les pistes d'une élevage plus durable, la question sociale s'est aussi invitée, entre les lignes, au Sommet : "Les paysans n'ont pas besoin de tracteurs neufs pour s'en sortir, mais plutôt d'un revenu décent, de reconnaissance sociale", a fait valoir la Confédération paysanne. (Crédits : DR)

"Nous démarrons notre quatrième décennie d'existence. Cela va nous permettre de positionner notre événement comme le leader mondial de l'élevage durable. Car tout le monde parle de durabilité, mais qu'est-ce que l'élevage durable ? Et quelles sont les normes ?" interroge Fabrice Berthon, commissaire général du salon.

Alors que le secteur de l'élevage est pointé, par certaines ONG comme Greepeace, comme représentant 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (soit autant que le secteur du transport), les données de l'Organisation mondiale des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture en avaient rappelé les principales contributions : avec, pour 50 % de méthane, issu de la fermentation entérique des ruminants, du lisier/fumier et du riz, pour 25 % de CO2 lié aux changements d'affectation des terres et à l'utilisation d'énergies fossiles (notamment pour les tracteurs), et pour les 25 % de protoxyde d'azote (N20), lié aux engrais utilisés sur les cultures destinées à l'alimentation animale et lié au lisier.

"Aujourd'hui, un véritable enjeu se joue pour l'élevage de ruminants, qui doit s'inscrire dans la durabilité. C'est pourquoi, à travers le Sommet de l'élevage, nous donnons rendez-vous au monde entier découvrir ce que signifie l'élevage durable en France. C'est vraiment l'ambition que nous souhaitons porter dorénavant, à l'aube de cette 4e décennie : s'inscrire dans la durabilité et faire du Sommet, le salon professionnel de la durabilité en élevage de ruminants et ce, pour les dix voire les vingt prochaines années."

Cependant, la Confédération paysanne du Puy de Dôme a décidé de boycotter le salon.

"Comment avoir encore aujourd'hui un stand dans un des plus gros salons agricoles, temple de la consommation, alors que nombre de nos collègues sont aux abois ? Les paysans n'ont pas besoin de tracteurs neufs pour s'en sortir, mais plutôt d'un revenu décent, de reconnaissance sociale", argumente Ludo Landais, porte parole et président de la conf'63.

"Les politiques publiques se suivent et nous imposent encore plus de discrimination et d'inégalité. La loi des marchés prime sur tout. Les accords de libre-échange auxquels nous nous étions opposés asservissent les paysans de France et d'ailleurs". Le modèle agricole valorisé au Sommet pose question.

Carrefour d'affaires international

Car côté chiffres, le Sommet de l'élevage n'a rien à envier à d'autres manifestations hexagonales : sa 31e édition, qui se tient jusqu'au 7 octobre 2022 à Clermont-Ferrand, rassemble déjà plus de 1.500 exposants, 2.000 animaux et près de 100.000 visiteurs professionnels.

Plus de 100.000 transactions commerciales sont réalisées en moyenne chaque année pendant cet événement, revendiqué comme l'un des plus grands salons mondiaux dédiés aux productions animales. Le Sommet affiche aussi un plus de 100 conférences et colloques durant les 4 jours, traitant des thèmes phares de l'actualité agricole et de la société.

La réflexion autour du réchauffement climatique se pose même comme l'un des fils conducteurs sur lequel travaillent désormais les acteurs du monde agricole. Cette année, le Sommet compte d'ailleurs s'appuyer sur son invité la Mongolie, pour trouver de nouvelles sources d'inspiration. "La Mongolie s'engage fortement sur le sujet du pastoralisme et tous les enjeux qui y sont liés. Son système d'élevage est d'ailleurs très proche de celui du Massif central où plein air et bien-être animal sont deux composantes essentielles de l'élevage", précise Fabrice Berthon.

"Bien plus qu'un carrefour d'affaires, le Sommet est un outil pour apporter un éclairage sur des sujets majeurs. Parmi eux, la transmission des exploitations agricoles et le renouvellement des générations. C'est tellement important que cela en devient une vraie stratégie nationale, voire européenne. Car s'il n'y a pas de transmission, il n'y a pas non plus de durabilité. Tout est lié", complète Jacques Charzalet, président du Sommet de l'élevage.

Mongolie et Massif central : des valeurs à partager

Pays d'élevage avant tout, la majeure partie des exportations de la Mongolie concerne justement les produits d'élevage. Et même si la comparaison demeure délicate, une chose est certaine : la terre d'accueil du Sommet de l'élevage, le Massif Central, demeure justement la zone européenne la plus comparable à ce pays.

L'une des rares avec laquelle il existerait de telles similitudes :

"Le Sommet de l'élevage fait la promotion d'un élevage extensif, enherbées. Or justement, la Mongolie est un pays d'élevage extensif par excellence, avec ses vastes espaces et ses steppes hébergées".

"De plus, il existe des relations fortes entre la France et la Mongolie dans le secteur de l'agriculture. Un accord de coopération concernant l'apport de solutions de productivité, de traçabilité, de pâturage et de bien-être animal a été signé entre nos deux pays. Le Sommet souhaite se faire écho de cela et participer au développement des relations, dans le secteur de l'élevage".

Adapter l'élevage au réchauffement climatique

La Charolaise, race à l'honneur cette année, s'annonce elle-même comme une race qui se veut désormais "écologique" : une race herbagère qui préserve les prairies essentielles dans la lutte contre le changement climatique.

"Élevée à l'herbe dans les prés, elle préserve, façonne et entretient le paysage et constitue un élément clef du territoire français", revendique l'équipe du Sommet. Les prairies représentent aujourd'hui un cinquième du territoire français et la race Charolaise est aujourd'hui la 1ère race en entretien de ces espaces. La Charolaise utilise et pérennise des espaces qui, par le carbone qu'elle stocke, contribuerait ainsi à réduire les effets du changement climatique.

Plus internationale, les représentants de la race bovine Hereford ont eux aussi choisi d'organiser sa 16e Conférence Européenne, autour du thème « Réussir durablement ». Une rencontre qui, tous les quatre ans, vise à interroger les pratiques d'élevage, mais également à se questionner sur les mutations techniques du métier d'éleveur au sein de la race pour l'adapter aux exigences climatiques et politiques qui se profilent.

Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls car les éleveurs ovins tentent eux aussi de trouver des réponses. Une conférence Interbev sur les premiers résultats du programme Life Green Sheep, "Pour un élevage ovin bas carbone et durable", fera le point sur l'avancée du projet, qui vise à promouvoir des systèmes d'élevage ovins "à faibles émissions de carbone". Objectif affiché : assurer une durabilité technique, économique, environnementale et sociale des exploitations, et à améliorer ainsi les interactions entre le changement climatique et la production animale.

L'énergie au coeur de la réflexion

Autre axe de réflexion : celui des nouvelles énergies, avec un Sommet qui installera, pour la première fois, une agora dédiée à la thématique de la transition énergétique. La méthanisation sera sans surprise à l'honneur, avec l'objectif affiché de mettre en lumière ses effets positifs à l'échelle environnementale et économique :

« Le biogaz se situe dans un cercle d'économie circulaire. En effet, la méthanisation permet de valoriser les effluents agricoles et les matières organiques des territoires, et notamment les biodéchets locaux pour produire et contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des élevages", développe Garance Ronot, ingénieure projets méthanisation chez Bio-Valo, qui rappelle que les éleveurs peuvent ainsi s'affranchir d'achat d'engrais agrochimiques conventionnels et utiliser directement les digestats qu'ils produisent pour fertiliser leurs parcelles.

Même chose avec l'agrivoltaïsme, qui présente l'avantage de pouvoir intégrer les panneaux photovoltaïques à un bâtiment agricole, en toiture, ou sur des ombrières, avec une valorisation pouvant ensuite être réalisée en autoconsommation ou même injectée directement au sein du réseau :

« L'énergie photovoltaïque est une énergie mature, à la fois en termes de coût et de technologie. Elle fait partie des solutions majeures de  la transition énergétique pour apporter une énergie décarbonée", assure Magali Schweitzer, directrice du développement à la Banque de la  transition énergétique par Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes.

Actuellement, le biogaz représente 1.308 installations opérationnelles en France (au 1er janvier 2022) dont 1.088 à la ferme et centralisées, soit 1,5TWh de production électrique en 2021 et 1,1 TWh de chaleur produite. Au total, ce sont 4,3 TWh de biométhane qui ont été injectés dans un réseau de gaz naturel en 2021, contre une capacité d'injection estimée à 6,4 TWh pour 460 GWh de biogaz effectivement consommé.

Du côté de l'agrivoltaïsme, la capacité installée représente actuellement 13.067 MW dont 1.493 MW en région AURA, pour une production estimée à 14,3 TWh.

(avec ML)

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