Ligne Clermont-Paris : l’inquiétude remonte en flèche après le décalage de livraison des rames Oxygène

Deux mois seulement après les annonces du gouvernement pour améliorer le service sur la ligne « maudite » Clermont-Paris, c’est une annonce qui passe mal auprès des Auvergnats. Les nouvelles rames Oxygène, censées remplacer le matériel roulant actuel, usé et défectueux, n’arriveront pas l’année prochaine comme prévu. Le constructeur espagnol CAF prévoit un décalage d’au moins un an dans la livraison. Inquiets, les usagers craignent un service dégradé.
Le ministre des Transports Patrice Vergriete a « appris avec stupéfaction et consternation » ce retard des rames Oxygène annoncé par CAF et demande au constructeur « d'apporter la plus grande transparence sur ce dérapage de calendrier.»
Le ministre des Transports Patrice Vergriete a « appris avec stupéfaction et consternation » ce retard des rames Oxygène annoncé par CAF et demande au constructeur « d'apporter la plus grande transparence sur ce dérapage de calendrier.» (Crédits : FABRIZIO BENSCH)

Elles devaient commencer à remplacer dès l'année prochaine les vieux Intercités Corail, mis en service il y a près de cinquante ans. Mais les rames Oxygène, tant attendues sur la ligne Clermont-Paris, ne seront pas totalement opérationnelles avant 2027. Ce qui veut dire un retard d'au moins un an par rapport au programme initial. En cause : un délai de livraison imputable au fabricant espagnol CAF (Construcciones y auxiliar de ferrocarriles).

« Un premier train sera livré à la SNCF cette année puis le reste de la livraison s'échelonnera jusqu'en 2027 », a indiqué à l'AFP Alain Picard, directeur de la branche française du fabricant ibérique.

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Après les tests nécessaires, la mise en circulation des douze rames, commandées par l'Etat pour cette ligne, n'est donc pas attendue avant trois ans. Le constructeur explique ce retard par « des éléments externes de début de projet, en 2020, puis des difficultés techniques rencontrées en février 2024 pendant les essais ». CAF évoque des problèmes sur la motorisation et le freinage de ce train pouvant aller jusqu'à 200 km/h et accueillir 420 passagers.

Le plan d'urgence devra être prolongé

Une mauvaise nouvelle pour cette ligne, déjà en souffrance depuis plusieurs mois. Cette liaison entre Clermont-Ferrand et la capitale connaît une série de défaillances et de retards due à un parc roulant à bout de souffle. En janvier dernier, 700 voyageurs avaient même été bloqués toute une nuit dans leur Intercité, dans un froid glacial et sans électricité, à la suite d'une panne de locomotive. La SNCF avait, alors, été contrainte de faire appel à la Croix-Rouge. Dans la foulée, le gouvernement avait exigé que la compagnie ferroviaire présente un plan d'action pour améliorer le trafic sur la ligne... en attendant les rames Oxygène flambant neuves.

Mais voilà, ce plan transitoire (et sa locomotive de secours qui suit les trains afin de réduire les temps d'intervention en cas de panne) va devoir être prolongé. Avec quelles conséquences pour les usagers ? Les trains actuels pourront-ils tenir jusqu'en 2027 ? Interrogée par La Tribune, la SNCF se refuse, pour le moment, à tout commentaire.

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Le ministère des Transports nous fait savoir, de son côté, que le ministre Patrice Vergriete a « appris avec stupéfaction et consternation » cette annonce et qu'il a demandé au constructeur « d'apporter la plus grande transparence sur ce dérapage de calendrier et de tout faire pour limiter au maximum le retard ». Sans plus de précision sur la suite à donner à ce retard.

« Une humiliation de plus faite aux Auvergnats »

C'est évidemment un coup au moral pour les voyageurs réguliers de la ligne... Laurent Wauquiez, président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, parle même d'une « humiliation ».

« Cette annonce de retard sonne comme une humiliation de plus faite aux Auvergnats. Une fois encore, la SNCF et l'Etat sont incapables de tenir leurs engagements. Il faudra maintenant attendre trois années avant de voir circuler sur nos lignes des trains dignes de ce nom. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'explications qui conduisent à reléguer les usagers de l'Auvergne à des passagers de troisième classe », s'insurge l'élu dans un communiqué.

Les usagers, eux, craignent le pire... mais ne sont pas vraiment surpris.

« On le sentait arriver. Mais ce nouveau retard nous assomme. Le plan d'urgence fait ses preuves pour le moment. La locomotive de secours a notamment été utilisée la semaine dernière, réduisant le retard du train tombé en panne. Mais est-ce que cela va tenir sur la durée ? », se questionne la porte-parole du Collectif des usagers de la ligne Clermont-Paris, Stéphanie Picard.

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Investissement complémentaire demandé

Fataliste, le collectif redoute des pannes à répétition, qui ne pourront pas toutes être absorbées par le matériel de réserve, mis en place depuis début mars. Il met aussi en garde contre les heurts avec les sangliers qui endommagent les locomotives. « Leurs 20 kilomètres de grillage ne suffiront pas. Il faut aller plus loin, sinon cela va recommencer comme à l'automne dernier où un aller-retour était supprimé par jour faute de matériel en état de marche », pointe Stéphanie Picard.

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Même demande du côté d'Objectif Capitales, association qui milite contre le désenclavement de l'Auvergne et regroupe notamment des chefs d'entreprises.

« Nous réclamons un programme d'investissement complémentaire immédiat pour protéger le parcours. Il faut que cette sécurisation soit sur les mêmes standards que les TGV. Nous voulons donc un plan corrigé et attendons une réponse dès le prochain comité de suivi, en juin, sur de nouveaux moyens financiers afin d'éviter que cette année supplémentaire soit insupportable », prévient Patrick Wolff, président de l'association.

Cet acteur local évoque notamment l'idée d'une augmentation du budget de maintenance.

« Nous voulons connaître l'ambition de l'Etat pour le Massif Central »

Et déjà des voix s'élèvent pour dénoncer le risque pris par l'Etat en optant, en 2019, pour le constructeur espagnol.

Le maire de Limoges, Emile-Roger Lombertie, dont la ligne (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) est aussi impactée par ce retard de livraison, souligne que le gouvernement a fait le choix d'une technologie qu'on ne maîtrise pas. Il y a cinq ans, CAF a été préféré au fabricant français Alstom, seul autre constructeur en lice et qui d'habitude remportait les commandes de l'Etat. « L'offre de CAF s'est avérée être la meilleure sur les critères de performance technique, d'innovation et de coût », avait indiqué, en 2019, la SNCF dans un communiqué.

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Alors l'Etat a-t-il commis une faute en privilégiant CAF ? Pour Stéphanie Picard, n'est due qu'à un manque d'anticipation de plusieurs décennies. Elle souhaite que ce nouveau retard soit compensé par un vrai projet ambitieux.

« Nous cumulons les problèmes et les investissements qui ont été consentis jusqu'à présent ne sont que des mesures de rattrapage. C'est le strict minimum. Ce nouveau délai montre qu'il faut anticiper. C'est pourquoi nous demandons, dès à présent, à l'Etat de commander d'autres nouvelles rames, en plus des douze déjà commandées », insiste la porte-parole des usagers. « Nous voulons aussi connaître l'ambition de l'Etat pour le Massif Central, sa vision à 15 ou 20 ans en terme de transport ».

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C'est pour cela que le collectif vient, à nouveau, d'adresser un courrier au président de la République, lui demandant un entretien pour évoquer le programme de travaux post-2026. « Notre ambition est que nous puissions avoir un temps de parcours de 2h30 pour faire un Clermont-Paris », rappelle-t-il.

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Commentaires 8
à écrit le 02/05/2024 à 9:21
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J'ai pris ce train le week-end dernier : les wagons corail ont 50 ans, c'est vrai, mais ils ont été rénovés de façon très réussie, et on est très bien dedans. Mais c'est vrai aussi que le train va trop souvent un peu trop lentement , et que c'est à ...

à écrit le 01/05/2024 à 21:28
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il y a bien longtemps , la SNCF était une entreprise courageuse et travailleuse et compétente .... Malheureusement on a laissé trop de pouvoir aux syndicats avant 1981 ....en plus les dirigeants sont de faux chefs d'entreprise ....ce sont des copai...

à écrit le 01/05/2024 à 15:13
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Bonjour, bon ils semblerait que la SNCF ne donne pas satisfaction, un service de qualité et des prix abordable... D'ailleurs depuis 30 ans , nous somme dans l'incapacité de reformer cette entreprises... et maintenant ons nous demande d'investir d...

à écrit le 30/04/2024 à 12:45
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Ligne « maudite » : pas du tout : c´est une ligne non-TGV, donc qui n´intéresse pas l´Etat / SNCF. L´Etat n´ayant pas réussi à fermer toutes les lignes du Massif Central, il fallait commander, alors l´Etat / SNCF a pris au moins cher, étant conscient...

à écrit le 30/04/2024 à 11:45
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Dans mon entourage nombreux sont ceux qui le prennent et qui dressent le même bilan désastreux du train ces dernières années à savoir un effondrement du service pour une explosion des prix. Les lobbys s’acharnent encore contre lui via leurs larbins p...

le 30/04/2024 à 23:47
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@ dossier 51 : nous subissons des décisions de gouvernements de gauche comme de droite , l état français est un des états qui donnent le moins au ferroviaire en Europe : 116€| hab/ an contre 310 € en Espagne \ Italie ou 416€ e. Autriche - Suisse ou ...

le 30/04/2024 à 23:47
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@ dossier 51 : nous subissons des décisions de gouvernements de gauche comme de droite , l état français est un des états qui donnent le moins au ferroviaire en Europe : 116€| hab/ an contre 310 € en Espagne \ Italie ou 416€ e. Autriche - Suisse ou ...

le 01/05/2024 à 7:48
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En effet l'Etat français préfère faire payer à l'argent public le transport par avions, portes containers et gros camions. Ça mériterait bel et bien un immense procès donc.

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