Dégradation des particules d’usure des pneus : Michelin s’associe à la recherche publique

Comment réduire l’impact des particules d’usure de nos pneus ? Face à cet enjeu environnemental et alors qu'une nouvelle réglementation européenne va entrer en vigueur sur le sujet, le manufacturier auvergnat vient d’inaugurer un laboratoire de recherche commun avec le CNRS et l’Université Clermont Auvergne. Il vise à comprendre le processus de dégradation de ces particules et à les rendre bio-assimilables. Ce partenariat public/privé doit accompagner la production de matériaux innovants et durables. Des collaborations qui se développent de plus en plus.
Le groupe Michelin collabore avec la recherche publique autour des enjeux environnementaux.
Le groupe Michelin collabore avec la recherche publique autour des enjeux environnementaux. (Crédits : DR Horsepower Anastasie Viala)

Ce sont de toutes petites particules invisibles à l'oeil nu et que l'on retrouve sur les bas-côtés des routes. Au contact de l'asphalte, les pneus de nos voitures (et autres véhicules) génèrent des particules d'usure. Particules d'élastomère souvent assimilées à des micro-plastiques. On parle alors de « TRWP » pour « tire and road wear particles », soit en français des « particules issues de l'usure des pneus et de la route ». Face à cet enjeu de pollution, l'industriel auvergnat Michelin, géant mondial du pneumatique, vient de s'associer au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l'université Clermont Auvergne afin de mieux comprendre le processus de dégradation de ces particules.

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Objectif : trouver des solutions concrètes pour rendre les particules d'usure bio-assimilables par l'environnement. Les partenaires ont inauguré, pour cela, la semaine dernière (le 6 décembre) un laboratoire commun d'une durée de quatre ans.

« Nous allons chercher à comprendre comment le soleil, la température extérieure et les micro-organismes contenus dans l'eau et le sol interagissent pour dégrader les particules d'usure des pneus. De nombreux phénomènes chimiques restent à découvrir. Car aujourd'hui, on sait peu de choses sur leur vitesse de dégradation dans l'environnement et sur le degré de pollution qu'elles peuvent engendrer. Nous allons objectiver cela en fonction de la composition des pneus, » détaille Pascale Besse-Hoggan, directrice de recherche CNRS à l'Institut de Chimie de Clermont-Ferrand.

Les études se feront justement dans ce laboratoire rattaché à l'Université de Clermont Auvergne.

« Dans le cadre de cette collaboration, nous apportons notamment nos compétences en chimie, en microbiologie et sur les matériaux... Mais nous avons tout un panel d'expertises mobilisables au CNRS, ce qui nous permet de répondre à des problématiques industrielles, en prise directe avec les enjeux actuels. Cela nourrit des sujets de recherche qui font avancer la science », résume Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l'innovation du CNRS.

Déjà 5 % de réduction des émissions d'usure des pneus

D'un point de vue industriel, ce programme entre le CNRS, Michelin et l'UCA doit permettre au manufacturier clermontois de faire évoluer ses produits à l'origine et de limiter son impact environnemental.

« L'idée est de comprendre, au préalable, le phénomène, puis de formuler de nouveaux élastomères, de nouvelles gommes ou bien de définir de nouveaux procédés. Tout cela avec un objectif : que la conséquence de la dégradation liée à la friction pneu/route n'ait aucun impact sur l'environnement, » précise Cyrille Roget, directeur de la communication scientifique et de l'innovation du groupe.

Cela fait plusieurs années que Michelin est engagé dans la réduction de ce phénomène d'abrasion de ses pneus. Cela a déjà permis à l'entreprise de réduire de 5% les émissions d'usure de ses pneus entre 2015 et 2020. Le groupe est d'ailleurs favorable à l'établissement de seuils réglementaires d'abrasion des pneus pour limiter les émissions de particules d'usure. À ce titre, il a soutenu les recommandations de la Commission européenne dans le cadre de la norme Euro 7.

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Cette nouvelle réglementation, votée début novembre par le Parlement européen et qui entrera en vigueur en 2030, permettra de prendre en compte les émissions de particules dues à l'usure des freins et des pneus. Actuellement, elles ne sont pas mesurées et donc soumises à aucun seuil maximal.

Neuvième laboratoire commun entre Michelin et le CNRS

Une vingtaine de membres de l'Institut de chimie de Clermont-Ferrand (Université Clermont Auvergne/CNRS) et une dizaine de salariés de la direction opérationnelle de recherche et développement de Michelin vont travailler de concert sur ce programme. 6,5 millions d'euros seront consacrés à ces recherches, dont la moitié pris en charge par Michelin. Il s'agit du neuvième laboratoire commun entre Michelin et le CNRS.

« Nous n'avions pas toutes les compétences en interne pour répondre à cette problématique. Et depuis quelques années, nous développons de plus en plus l'open innovation. Notre stratégie n'est pas d'externaliser notre recherche mais de nous allier à des scientifiques de pointe. Sur notre budget R&D de 698 millions d'euros l'an dernier, 44 millions ont été consacrés à l'open innovation. Nous travaillons aussi avec des start-ups, des universités dont celle de Montpellier sur les membranes hydrogène par exemple. Sur des problématiques complexes, Michelin ne peut pas porter seule la recherche », indique Cyrille Roget de Michelin, pour qui cela ne nuit pas au secret des affaires ou ne touche pas aux enjeux de compétitivité.

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Preuve en est, le groupe collabore avec l'un de ses concurrents directs, Bridgestone, sur la mise en œuvre d'une économie circulaire des matériaux pour une utilisation plus large du noir de carbone récupéré dans les pneus en fin de vie.

CNRS aux côtés de nombreuses entreprises françaises

De son côté, le CNRS, qui compte plus de 33.000 salariés, travaille avec de nombreuses entreprises. L'institution publique est engagée dans plus de 260 laboratoires communs en activité. Une trentaine est signée chaque année sur des sujets divers : intelligence artificielle, diagnostic médical, photovoltaïque, nanoélectronique....

« Nous avons des laboratoires communs avec de grands groupes comme Safran, Solvay ou Naval Group, mais également avec des ETI, des PME et des start-up. En Auvergne-Rhône-Alpes, nous collaborons par exemple avec Arkéma pour concevoir de nouveaux matériaux performants pour les batteries du futur. En répondant à des défis scientifiques communs, nous sommes convaincus que la recherche collaborative permet de soutenir le développement économique des entreprises », détaille Jean-Luc Moullet.

Michelin figure dans le top 10 des partenaires industriels du CNRS.  Les résultats obtenus dans le cadre de ce laboratoire commun sur la dégradation des particules d'usure des pneumatiques seront propriétés communes de Michelin, UCA et CNRS.

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Commentaire 1
à écrit le 13/12/2023 à 20:40
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Les véhicules électriques sont plus lourds que ceux à pétrole équivalent, leur couple est supérieur, tout ça fait user plus vite les gommes de pneus. "seront propriétés communes de Michelin, UCA et CNRS" pour la propriété intellectuelle, c'est souve...

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