Michaël Ruysschaert, l’homme qui esquisse la reprise du tourisme en Savoie Mont Blanc

PORTRAIT. Face à un été attendu avec impatience par tous les acteurs de la montagne à l'issue d'une saison blanche, le nouveau directeur général de l’Agence Savoie Mont Blanc, Michaël Ruysschaert est arrivé avec un plan pour aider le tourisme à se relever. Avec, dans sa besace, les premières Assises de la relance du tourisme, un grand audit participatif de trois mois, appelé à se clôturer en juillet afin de repenser le futur de la montagne.
Réussir à ouvrir et démocratiser la montagne, mais sans sacrifier le modèle. Tel sera le défi du nouveau dg de l'Agence Savoie Mont Blanc, qui chapeaute actuellement de grandes assises de la la relance du tourisme, Demain Savoie Mont Blanc, qui doivent de clôturer après trois mois de discussions en juillet.
Réussir à "ouvrir et démocratiser la montagne, mais sans sacrifier le modèle". Tel sera le défi du nouveau dg de l'Agence Savoie Mont Blanc, qui chapeaute actuellement de grandes assises de la la relance du tourisme, Demain Savoie Mont Blanc, qui doivent de clôturer après trois mois de discussions en juillet. (Crédits : DR)

Michaël Ruysschaert est arrivé en pleine tempête ou presque, en octobre 2020. Sur la même période, le monde de la montagne affrontait une pandémie, ayant cloué ses remontées mécaniques à l'arrêt.

Mais le nouveau dg de cette agence, qui se pose comme le bras armé touristique des deux départements alpins de Savoie et Haute-Savoie, n'est pas vraiment arrivé les mains vides : car son parcours a été jalonné d'ingrédients qui lui serviront à tisser sa toile.

Avec d'abord, un volet marketing qu'il a cultivé dès 2013, en prenant à l'époque la direction de la promotion des marques pour M6, après sept années passées au sein du groupe RTL à des postes de direction marketing. Puis en 2017, lorsqu'il quitte Paris pour devenir le directeur de l'office du tourisme d'Avoriaz (Haute-Savoie). « La crise de la quarantaine, avec une femme et trois enfants sous le bras », sourit-il, mais qui semble naturelle pour ce natif des Pyrénnées, dont les parents sont hôteliers. « Je n'avais rien à perdre et un regard neuf à apporter sur le monde de la montagne ».

Celui qui se définit avec « un ADN de marketeur » aura ensuite été l'artisan du renouvellement de la stratégie marketing de la station haut-savoyarde, en signant notamment un partenariat BlaBlaCar (trottinettes, covoiturage, etc), en développant des hôtels éphémères à l'échelle de la station, ou encore en accompagnant un projet de station de recharge hydrogène, qui naîtra finalement cet été, en son absence.

Depuis octobre dernier, c'est désormais à la tête du bras armé de l'Agence Savoie Mont Blanc qu'il officie. Avec, comme dernier projet dans les cartons, celui de créer de grandes Assises de la relance du tourisme, Demain Savoie Mont Blanc. Une démarche collaborative misant sur l'intelligence collective et associant jusqu'à 200 acteurs socio-économiques de la montagne, mais aussi des experts de différents domaines pour ouvrir les horizons.

Le tout, financé par les deux Conseils départementaux de Savoie et Haute-Savoie (montant non communiqué). Avec justement, l'ambition non pas uniquement de sortir de « cette » crise, mais de se projeter à plus long terme.

A l'issue de ces trois mois de dialogue, qui se déroulent actuellement autour d'une dizaine de thématiques jusqu'à la mi-juillet, une grande restitution prévue dès la rentrée prochaine, lors d'un colloque. S'il est encore trop tôt pour en connaître les conclusions, ces pistes pensées pour et par les acteurs de la montagne, mais également par des expertises externes (sociologues, chercheurs, etc), souhaitent poser les enjeux et ouvrir une voie commune.

Quelle reprise pour les stations des Alpes ?

Cette démarche, qui n'a pas attendue le plan de relance de la montagne présenté finalement par Jean Castex en avril, s'inscrit dans une stratégie plus large de renouvellement du positionnement de l'agence touristique elle-même.

Car après trois saisons de crise sans précédent, la priorité était selon l'Agence à « une reprise touristique vitale à court terme, mais aussi à la transition positive du territoire à plus long terme ».  Qui plus est pour la première destination mondiale des sports d'hiver « et destination Montagne préférée des Français l'été ».

Car avec 68,5 millions de nuitées touristiques enregistrées chaque année (dont 62 % l'hiver) et des revenus représentant 30 % du PIB de la Haute-Savoie et 50 % du PIB de la Savoie, l'économie du tourisme en Savoie Mont-Blanc s'impose (habituellement) comme un poids lourd dans l'économie régionale.

Et bien que les touristes étrangers pèsent encore fortement dans la balance, le nouveau DG souhaite esquisser désormais le visage d'une destination « plurielle », qui compte à la fois sur les touristes étrangers, mais également sur les locaux. « Afin que l'on soit capables de ne pas mettre la clé sous la porte un jour de crise ou de Brexit ».

Concrètement, cela se traduit dès cette saison par une mise à l'arrêt de la stratégie marketing à destination de la Chine, qui était jusqu'ici considéré comme une forme d'eldorado en raison des réservoirs de population qu'elle représente.

« Au lieu de cela, nous avions fonctionné en 2020 avec quatre pays qui était la France bien sûr, mais également l'Angleterre, la Belgique, et les Pays Bas et sur lesquels nous continuerons de miser à court et moyen terme. Mais nous aurons nécessairement besoin de la clientèle étrangère qui ne dispose pas du même panier moyen », justifie Michaël Ruysschaert.

Plutôt que de miser sur des offres « low cost » à l'image de certains territoires littoraux (comme la Grèce, l'Italie ou la Croatie), les deux Savoie mettront cette année en avant la richesse de leur patrimoine, qu'il soit naturel, gastronomique, culturel ou encore outdour. « Nous avons un territoire qui fait vivre près de 130.000 saisonniers, il existe nécessairement une notion de rentabilité et d'équilibre à trouver et c'est ce qui nous conduit plutôt vers une notion de relance ».

La richesse du patrimoine comme ticket

Pour cela, les deux territoires comptent capitaliser sur une image qui n'est plus à faire : « Nous avons hérité d'une marque extraordinaire en visibilité, qui arrive à fédérer rien que par son nom. Avec à la fois le côté fantasmagorique de la montagne, mais également des images ultra inspirantes qui drainent une communauté de 1,8 millions de personnes sur les réseaux sociaux qui nous suivent chaque jour », indique-t-il.

Une bonne nouvelle, même si Michaël Ruysschaert veut désormais aller plus loin, en faisant notamment en sorte que chaque euro dépensé puisse participer à l'économie du territoire. « Lorsque je suis arrivé à Avoriaz, tout l'enjeu a été de redonner du sens à la stratégie de conquête et d'identifier quels étaient ses marchés, et ce à quoi il fallait renoncer. Nous avons retravaillé un positionnement de marque forte durant quatre ans en misant sur une station unique en matière de mobilité, très famille, avec 25 % de snowboardeurs ».

Et c'est un peu le même principe qu'il veut instiller à l'Agence Savoie Mont Blanc.

« Après après avoir contribué à la création d'une démarche Savoie Mont Blanc Excellence visant, il y a deux ans, à rassembler et promouvoir sous une même bannière des entreprises et artisans partageant les mêmes valeurs, on a compris que le cœur du réacteur était le tourisme, mais qu'il n'était rien sans ses services, que ce soit l'agriculture, l'artisanat, etc... »

Avec la mise en exergue que désormais de ce qui fait sa spécificité, à commencer par ses produits locaux (que 80% des touristes consomment), le bras armé touristique veut désormais parler « tourisme » différemment, et mais pas tourisme de masse, en misant sur la qualité et la valorisation de son terroir.

Une opportunité de diversifier mais pas « sacrifier » le modèle

« Nous savons à ce sujet qu'il existe encore plusieurs défis, à commencer par le fait que seulement 20 % de notre territoire est réellement visité et utilisé, tandis que 80 % passe hors radar. L'un de nos enjeux est donc de développer des outils numériques qui soient capables de répondre à nos besoins », illustre Michaël Ruysschaert.

C'est ainsi que l'Agence Savoie Mont-Blanc va bientôt annoncer un partenariat avec le leader européen de la trottinette afin qu'il équipe désormais ses stations pour offrir de la mobilité douce. Ou encore qu'elle a lancé sa propre plateforme de réservation de séjours, Montagne Mon Tempo, qui agrège les meilleures offres d'une quinzaine de grands hébergeurs, positionnés pour l'occasion sur une cible précise : celle des vacances tournées vers l'outdour.

Face à une clientèle de skieurs représentant seulement 7 à 8 % de la population française, Michaël Ruysschaert sait déjà qu'il reste « un gros sujet à traiter » au vu de l'appétence de la clientèle pour les activités outdoor, en plein boom.

Pour autant, il ne croit pas dans l'opposition qui a pu être faite entre les stations d'altitude aux stations "de village" : « c'est une erreur, car il en faut pour tous les publics : les jeunes skieurs comme les familles, les classes de neige, ou encore les bons skieurs qui recherchent l'altitude. La croissance de notre business futur est elle-même conditionnée par le fait de pouvoir proposer cette différenciation ».

Avec une conviction : « si l'on parvenait à faire venir 3 à 4% de Français supplémentaires à la montagne pour pratiquer d'autres activités que le ski, on serait déjà gagnant. Mais il ne faut pas se tromper de combat : notre objectif est de réussir à ouvrir et démocratiser la montagne, mais sans sacrifier le modèle. L'idée est de la faire évoluer ».

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